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LIRE EN ITALIE ( suite et fin )

Par Abarguillet

LIRE EN ITALIE ( suite et fin )

Encore un doigt de chianti

Deuxième étape dans cette terre de littérature et c’est bien peu tant il y a de livres dont il faudrait parler parmi les lectures italiennes que j’ai eu l’occasion de faire au cours de ces deux dernières décennies. Il est bien difficile de ne pas revenir périodiquement vers cette source des belles lettres pour voir ce qu’il y a de nouveau ou essayer de combler une des nombreuses lacunes que j’ai commises au cours d’une vie bien trop courte pour ne déguster qu’une infime portion de cet énorme banquet littéraire. Alors, il a fallu choisir, mais pas éliminer car tout mériterait de figurer et j’espère bien revenir ici un jour prochain pour vous parler d’autres livres que j’ai aimés, des livres représentatifs de certains courants, de certaines époques, de certaines régions…. Lors de ma première présentation, j‘ai parlé des îles, la Sardaigne, la Sicile, du Sud. Je parlerai donc plus des auteurs du Nord ou de l’Italie centrale : Umberto Eco qui n’avait peut-être pas besoin de cette publicité supplémentaire mais il est si grand, si érudit, si cultivé, il nous regarde de tellement haut qu’il n’est pas possible de ne pas le saluer en passant, Rosetta Loy, c’est l’Italie engagée qui dénonce et il faut aussi lui donner la parole, et enfin Rossana Campo, c’est la nouvelle génération, celle qui est née dans les années soixante, celle de la révolte, celle des années « rouge ». Et pour guide, j’ai eu recours à une Italo-irlandaise, un héritage gage d’un tempérament de feu, qui ne fait aucun cadeau et aucune concession et qui ne laisse pas beaucoup de place à un quelconque espoir… mais on verra !

Antenora

Magaret Mazzantini (1961 - ….)

Quand sa grand-mère décède elle se souvient de cette vieille femme qui se désagrégeait au milieu de ses amies toutes décaties, « Tu as vu comme elles sont vieilles, mes amies ? Mon dieu, dans quel état elles sont ! ». Après avoir évoqué cette grand-mère, elle nous emmène dans une excursion de son arbre généalogique à la découverte de ces ancêtres riches terriens qui ont dilapidés leurs biens, incapables de tirer quelques fruits de leur immense domaine. Quelques générations de femmes mal mariées, souvent trop tard avec des maris de circonstance pour ne pas rester veuves et faire perdurer l’héritage, incapables de donner suffisamment d’amour à leur mari, souvent trop faibles, et à leurs enfants qui ne leur ont apporté que douleur et peine. Toute une ascendance qui ne recèle que la misère sentimentale et affective avant de subir la vraie misère matérielle et physique quand vient le fascisme et son cortège de malheur : la guerre, les privations, les choix et leurs conséquences, …

Fille d’Irlande et d’Italie, Mazzantini, livre un portrait sans complaisance aucune de cette famille où l’amour tant affectif que physique n’existe pas ou presque pas, où les femmes ne sont pas aimantes, où les mères ne sont pas maternelles, où les époux sont résignés. Un monde que les odeurs identifient bien et qui prennent une place prépondérante dans le récit. « Le premier souvenir que j’ai d’elle est olfactif : l’odeur de la naphtaline des vêtements dans lesquels ses aisselles éternellement humides transpiraient ; l’odeur de sa bouche, quand elle montrait les dents toutes identiques de sa prothèse pour me faire la fête; l’odeur âpre de la paume de sa main qui serrait mon visage. »

Un récit d’un grand pessimisme sur l’existence, aussi sombre que la vie de sa grand-mère « Elle mâche ses paroles, se raconte sa peine, le calvaire qu’est pour elle la guerre, et celui que sont ses fils. Ses fils qui ne lui ont donné que de la douleur ». Et cette vie de douleur et de frustration, n’est qu’un prélude à une dégénérescence inéluctable vers les affres de la vieillesse et de la solitude. Cette vieillesse qui pue et qui emmerde tout le monde, gâchant la vie de ceux qui pourraient encore en profiter. « Non, la vie est un souci qu’on ne devrait pas avoir. »

Un livre sombre un peu trop scatologique et parfois étonnamment grandiloquent dans ce contexte misérabiliste. Un livre à déconseiller aux pessimistes et aux anxieux.

Le pendule de Foucault  de Umberto Eco  ( 1932 - ... )

Fallait-il parler de ce roman célèbrissime ? Certes, tout le monde connaît maintenant ce livre presque aussi médiatisé que « Le roman de la Rose » et Umberto Eco a envahi les écrans de la télévision comme une starlette du show business, mais, j’ai éprouvé un tel intérêt pour ce roman qui est peut-être à l’origine de l’engouement pour les oeuvres de ce genre, Millenium par exemple, qui ont abondamment garni les rayons des librairies ces dernières années, que j’avais envie de dire que ce livre n’avait justement rien à voir avec ses successeurs et qu’Umberto Eco est un grand érudit, un grand intellectuel, un Pic de la Mirandole de notre époque et qu’il ne faut pas le ranger au rang des pourvoyeurs de romans à succès. Dans les méandres de ce roman foisonnant où le lecteur s’égare sur les multiples pistes tracées par l’auteur, chacun peut étoffer sa culture et mieux comprendre notre histoire en passant par des chemins rarement empruntés.

Historien de formation, j’ai particulièrement apprécié l’immense culture d’Eco et son art de mettre en scène son intrigue. Quel talent pour faire vivre cet énorme enchevêtrement de personnages et d’événements qui représentent ce qu’est notre histoire et tous ses méandres.

Madame Della Setta est aussi juive  de Rosetta Loy  ( 1931 - ... )

Dans cette brève histoire, Rosetta Loy raconte comment sa voisine juive a été arrêtée et a disparu à tout jamais dans l‘Italie fasciste. Mais, ce livre est avant tout un réquisitoire sans concession contre le Vatican qui, selon Rosetta, connaissait bien le sort réservé aux juifs par les forces de l’Axe. Elle démontre, point par point, la position du Vatican, citant tous les documents publiés par l’Église catholique faisant allusion à cette douloureuse question et, in fine, elle nous laisse pour toute conclusion la culpabilité du pape et de son entourage qui n’aurait rien fait pour tenter de sauver le peuple juif de l’extermination. Un démonstration sans émotion, ni détours inutiles, efficace, difficile à contredire…. Accablante.

L’amour des fois, quand ça s’y met  de Rossana Campo  ( 1963 - ... )

Elles sont un brin désabusées ces filles qui sont les petits-enfants des sixties et qui ne croient plus à grand-chose après avoir usé et abusé des amours de passage, du sexe expéditif et des plaisirs éphémères. Mais, quand l’amour se présente pour de bon, l’amour romantique, l’amour des années d’avant l’aventure de la libération sexuelle, elles craquent, elles fondent comme des midinettes … et le monde, soudain, est à nouveau beau et plein de soleil et de joie. Et oui, il suffit d’un peu d’amour pour que tout change et la vie n’est peut-être pas aussi sombre qu’on aurait voulu nous le faire croire…

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