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Edvard Munch, à la Pinacothèque de Paris (1)

Publié le 21 avril 2010 par Onarretetout

dussidourmunchMême si une biographie ne suffit pas à témoigner de l’art d’un homme ou d’une femme, c’est par la lecture du livre de Dominique Dussidour, il y a quelques années, que j’ai approché l’œuvre d’Edvard Munch, Si c’est l’enfer qu’il voit. J’en extrais quelques lignes.

D’abord, celles qui justifient le titre choisi pour cette publication :
« Dès ses débuts en peinture il peint ce qu’il voit : figures et paysages ; ses proches, les environs. Et si c’est l’enfer qu’il voit, c’est l’enfer qu’il peint. Quand il explorera l’esthétique symboliste, ce sera autant comme peintre qu’à la façon dont chacun dévale un jour ou l’autre, tenant un pinceau ou un stylo, les marches erronées du néant, yeux grands ouverts vers le dedans, glissant et trébuchant sur les pavés inégaux de la dépression, se heurtant aux à-valoir de la mort, aux impayés du ressassement, aux dettes ouvertes par le deuil, à la façon dont chacun se voit intimé d’y plonger une bonne fois afin d’en avoir le cœur net, sec. »

Et aussi :

« Il attrape la grippe espagnole et peint Autoportrait pendant l’épidémie de grippe espagnole, mains posées sur la couverture rouge et vert étalée sur ses genoux, yeux vides, bouche aussi creuse que la muette du Cri, l’homme au bout de ses forces, harassé dans son fauteuil, qui s’interpelle : eh bien vas-y, travaille, ne t’abandonne pas à la fièvre, ne lâche pas tes pinceaux, si tu as la grippe espagnole peins-toi en grippé espagnol, si tu as des vertiges peins assis, autour de toi vingt millions de morts de la grippe te hurlent de peindre, alors peins, autour de toi seize millions de morts de la guerre n’attendent pas de toi que tu cesses de peindre simplement parce que tu es exsangue, tu n’en as pas fini avec les banderilles de la réalité et la flaque rouge sang de ta palette, et si tu ne meurs pas de la grippe tu peindras Autoportrait après la grippe. »

munchautoportraitalabouteille
L’exposition proposée à la Pinacothèque de Paris montre plusieurs de ces autoportraits et nous pourrions penser que ce n’est pas le même homme sur les toiles. L’âge sans doute déforme un peu les traits, mais le regard change, y passent l’arrogance, la détresse, l’orgueil, la modestie, l’incertitude, l’assurance. Ses autoportraits sont accompagnés, d’un squelette, d’une morue, d’une bouteille de vin, d’une cigarette, de Tulla Larsen, d’une horloge sans aiguille... C’est pourtant bien le même, qui se scrute sans cesse, pour traquer la mort au fond de ses yeux, dans sa main blessée au moment de sa rupture d’avec Tulla Larsen, qui cherche en lui-même formes et couleurs.

Il faudrait visiter l’exposition selon quelque thématique pour accéder à ces œuvres tellement nombreuses, tellement diverses. Il faudrait aussi résister à une visite essentiellement chronologique, pour se laisser pénétrer par autre chose que la biographie. Ou bien l’aborder de plusieurs points de vue, passer d’un guide à un autre, lire ceci et cela, et surtout regarder, regarder, pouvoir rester devant le tableau, celui-ci, puis celui-là, revenir en arrière. Difficile à la Pinacothèque où les espaces sont trop serrés, les textes trop abondants et surtout placés dans des couloirs où le stationnement obstrue le passage.

(suite vendredi 23 et dimanche 25)


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