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D'où je suis, je vois la lune - Maud Lethielleux

Par Karineetseslivres

D'où je suis je vois la lune

D’où je suis, je vois la lune – Maud Lethielleux

Stock - 304 pages.

Moon a choisi la rue parce qu'elle a décidé d'être "elle-même dans ce monde où les gens sont devenus des autres".

"Je dis : Avec cinquante centimes d'euros, qu'est-ce qu'on achète à notre époque ? J'insiste, il accélère, petite pirouette : Non sans déc', à ce prix, franchement, tu trouves des trucs intéressants à acheter ? Le type finit par s'arrêter, il se demande où je veux en venir, et c'est là que je sors le grand jeu, tutti et compagnie, je dis : Un sourire à ce prix-là, c'est pas cher payé ! Et j'attends pas qu'il accepte, je lui refourgue un petit sourire façon majorette à dentelle, épaules en arrière et tête haute. Le type soupire, il pense qu'il se fait avoir. Il n'a que dix centimes mais je lui fais quand même le sourire en entier. Je suis pas une radine."

Autour d'elle, il y a Michou et Suzie avec leur Caddie, Boule, son crâne rasé et sa boule de billard à dégainer en cas de baston, les kepons migrateurs avec leurs crêts de toutes les couleurs, et surtout, il y a Fidji et ses projets sur Paname. Pour lui, elle a décidé d'écrire un roman, un vrai.

Et il y a Slam qui sort de prison, Slam qui aime les mots de Moon et a une certitude : un jour, elle décrochera la lune...

Maud Lethielleux m’avait charmée avec son premier roman, Dis oui Ninon. Je me promettais de découvrir son prochain roman.

C’est chose faite !

Moon, une jeune femme, vit dans la rue.

" Fidji et moi, on n'est pas des saisonniers de la mouise, ni des intérimaires de la dèche. Nous, on est les préposés de la galère perpétuelle, les bénévoles du bitume, la misère en bandoulière." (page 20).

Vie cabossée, elle veut être libre. Libre de se poser où le vent la mène, libre de vivre en accord avec ses principes, ses convictions, libre de refuser l’aide des associations.

"J'ai éclaté de rire et après j'ai chialé, je pouvais plus m'arrêter, je mouchais dans ma manche, c'était des pleurs qui font du biens, mon coeur débordait de lui-même, et y'avait une idée qui me revenait dans la tête, un idée qui disait que tout ce que j'avais vécu avait du sens et que y'avait rien à regretter, que j'avais bien raison d'être moi-mê dans ce monde où les gens sont devenus des autres." (page 44).

Elle survit en vendant ses sourires.

Moon a un petit ami, Fidji. Elle veut lui offrir une surprise. Elle vole un carnet et se met à écrire. Elle écrit avec ses mots à elle. Et de ses mots naissent une petite fille, son papa et Raymond le chien…

Je me suis plongée dans D’où je suis, je vois la lune, captivée, pour n’en ressortir qu’une fois ma lecture achevée.

Dans ce roman, on retrouve avec plaisir la fraicheur du style de Maud Lethielleux. Des mots simples, sans fanfreluches. Des mots qui touchent, qui savent émouvoir, qui font passer du sourire aux larmes.

"Et puis, t'as des mots tout cons tout simples, t'en mets plein les uns après les autres, ils sont pas spécialement beaux, ils disent pas spécialement quelque chose, mais tous ensemble, mis bout à bout, ces petits trucs de riens, ils te font chialer tellement ils te font du bien. C'est ceux-là mes préférés, les mots de rien, les pions de la vie, les petits fous." (page 82).

Maud Lethielleux nous offre dans D’où je suis-je vois la lune une plongée dans le monde de la rue. Le monde des gens qui n’attendent plus rien de la vie. Qui ne s’autorisent surtout aucun espoir. C’est quand tu espères que tu risques d’être déçue, encore…

"L'espoir c'est vicieux, c'est un truc irréel qui te fait croire que tout peut changer, ça te vient comme ça si tu fais pas gaffe, on te balance un petit mot gentil et tu commences à y croire comme un môme devant une promesse. Pareil pour les compliments, c'est jamais gratuit, c'est une sorte de crédit pour survivre, et quand t'en as bien profité, tu paies encore. Et tu finis sur un trottoir, parce que tu t'es pas assez protégée, t'as pas prix d'assurance coup dur et on te le fait savoir." (page 123).

Maud Lethielleux a une su une fois encore me toucher avec son récit, son style. Elle sait rentrer dans la tête des gens pour y semer ses graines d’émotions, de vie, de douleur et d’espoir.

"L'amour, ça se raconte pas, ça se fait. Mais pas sur un carton ou dans un plumard, l'amour ça se fait avec le quotidien, par exemple un chien qui pose son museau sur tes genoux et qui te regarde dans les yeux en pleurant du nez, c'est de l'amour qui coûte rien et qui rapporte gros." (page 240).

Un grand merci à Géraldine pour le prêt de son

Livre voyageur
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