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Shlomo Sand : Comment le peuple juif fut inventé ?

Par Manus

Shlomo Sand : Comment le peuple juif fut inventé ?

Véritable bombe, ce livre bouscule les repères de tous ceux qui croyaient que le juif était une sorte d'humain doté de qualités supérieures, une race à part, vivant en communauté une religion élitiste.

Shlomo Sand, né en 1946 à Linz (Autriche) est un historien israélien spécialisé dans l'histoire contemporaine.  Il est professeur d'université à Tel-Aviv. "Comment le peuple juif fut inventé ?"  éditions Flammarion, 2010, pose la question de l'identité juive, sans détours. Il est intéressant de savoir que le livre était initialement rédigé en hébreu, la langue d'écriture de l'auteur, alors que le yiddish fut sa langue maternelle, précise-t-il dans la préface. Le livre, d'abord édité en Israël, entraîna de vives réactions : il devint la coqueluche des médias, mais en revanche, se retrouva face à la corporation des historiens qui condamnèrent ce livre et le désignèrent comme ennemi du peuple.

Un passage que j'ai trouvé très intéressant dans sa préface, et que je vous retranscris ici : "En ce début du XXIè siècle, l'esprit de ses lois fait qu'Israël doit encore répondre aux besoins des juifs du monde, et non pas de ceux des Israéliens, qu'il doit oeuvrer pour le bien des descendants imaginaires d'un "ethnos", plutôt que pour celui des citoyens qui vivent sur son sol et s'expriment dans la langue du lieu. Toute personne née d'une mère juive peut, effectivement, "sans éprouver d'appartenance au peuple", demeurer en toute quiétude à New-York ou à Paris, tout en ayant l'assurance qu'Israël lui appartient, même si elle n'a aucune intention de venir s'installer sous sa souveraineté. Parallèlement, celui qui n'est pas issu du monde juif, et qui pourtant est né et réside en permanence à Jaffa ou à Nazareth, ressentira toujours que l'Etat dans lequel il vit s'oppose constamment à lui."

Ce court extrait indique déjà dans quelle direction Sand tendra. Ainsi, il rajoute un peu plus loin que pour lui, les juifs ne constituent pas un peuple. "(...) La présence juive dans l'histoire résulte du dynamisme d'une religion qui s'est répandue dans le monde de l'Antiquité et du Moyen-Age, ce qui confère aux juifs une grande pluralité d'origines.(...)"

En clair, il affirme que l'idée d'une nation juive est un mythe inventé il y a de cela un peu plus d'un siècle. Il affirme également que les juifs n'ont jamais été exilés de la Terre Sainte, que la plupart des Juifs d'aujourd'hui n'ont pas de lien historique à la terre nommée Israël et que la seule solution politique au conflit avec les Palestiniens est d'abolir l'Etat juif.

Quelques extraits de son article paru dans le Monde diplomatique :

"La Bible peut-elle être considérée comme un livre d'histoire ?"

"Mais voilà qu'au cours des années 1980 la terre tremble, ébranlant ces mythes fondateurs. Les découvertes de la "nouvelle archéologie" contredisent la possibilité d'un grand exode au XIIIè siècle avant notre ère. De même, Moïse n'a pas pu faire sortir les Hébreux d'Egypte et les conduire vers la "Terre Promise" pour la bonne raison que celle-ci... était aux mains des Egyptiens. On ne trouve d'ailleurs aucune trace de révolte d'esclaves dans l'empire des pharaons, ni d'une conquête rapide du pays de Canaan par un élément étranger."

Etc. Toujours dans le même article, il conclut en disant que "les juifs ont toujours formé des communautés religieuses constituées, le plus souvent par conversion, dans diverses régions du monde : elles ne représentent donc pas un "ethnos" porteur d'une même origine unique qui se serait déplacé au fil d'une errance de vingt siècles."

Ébranlée dans mes propres convictions sur l'histoire juive, et son origine, je ne peux que rester sans voix face à un tel livre. Non seulement il secoue un monde endormi et rassuré par ses croyances, mais de plus, il ouvre à grands battants une voie à la réflexion, inédite et nouvelle, qui, pourquoi pas, permettra un jour à ce peuple de cesser la guerre, vaine et sans fondements, si ce qu'il dit est vrai.

Je terminerai par son dernier paragraphe qui rejoint mon sentiment : "Et, en définitive, si l'on peut tenter de modifier de façon si radicale l'imaginaire historique, pourquoi ne pas chercher également à envisager, en faisant preuve de beaucoup d'inventivité, un avenir totalement différent ? Si le passé de la nation relève essentiellement du mythe onirique, pourquoi ne pas commencer à repenser son avenir, juste avant que le rêve ne se transforme en cauchemar ?"

Evidemment, la question ne réside sans doute plus ou prou là, mais bien dans celle-ci : l'homme peut-il encore, au travers de tout un peuple, renoncer au pouvoir ?

Panthère. 


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