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[ Critique DVD] En chantant derrière les paravents

Par Gicquel

EN CHANTANT DERRIERE LES PARAVENTS

Un film de Ermanno Olmi

Sortie LE 4 MAI 2010

14,99 euros

Si d’Ermanno Olmi il ne vous reste que le souvenir de son très beau film «  L’arbre aux sabots » il va falloir réactualiser vos connaissances au regard de ce nouvel opus , tout aussi remarquable dans sa réalisation, mais assez déconcertant de la part du cinéaste italien .

Il s’agit d’un film de pirates,  adapté de l’oeuvre de  Yuentsze Yunglun « La Pirate Ching » ,publié à Canton en 1830 .  Ermanno Olmi enrichit le scénario de  divers documents provenant des Archives de Pékin et de sources sur la piraterie.

On ne sait où il est allé cherché tout ça , mais le résultat est superbe d’autant qu’il imagine son histoire à travers une représentation théâtrale. Un très beau préambule qui n’est pas sans rappelé quelques œuvres du même auteur à l’opéra comique . « Il tabarro » (La houppelande) de Giacomo Puccini.,«  Otello” de Giuseppe Verdi.Il prépare « La fille du régiment » de Gaetano Donizetti , dont il avait déjà présenté « Lucia di Lammermoor »

Ici il s’agit plus d’un spectacle chanté et dansé, raconté par un vieux capitaine(Bud Spencer magnifique) ,qui  illustre la vie de la célèbre « veuve Ching », la terreur des mers de Chine. La puissance de l’évocation est si intense que les spectateurs sont transportés dans la réalité de la Chine du XIXème siècle.

Du théâtre nous passons alors vraiment au cinéma. Après la mort par empoisonnement de son  époux, la veuve Ching (Jun Ichikawa pour la première fois au cinéma ) prend le commandement des troupes et attaque les bateaux de l’Empereur qui, pour mettre fin à ses méfaits, lui envoie sa puissante flotte de guerre.

C’est étonnamment beau et émouvant, drôle parfois quand le capitaine du bateau , qui est aussi le narrateur du théâtre  énumère à la veille du combat ce que peut rapporter un bras, ou un œil .Et un marin de lui demander «  Combien vous avez dit pour un œil ? » .

Mais au-delà du clin d’œil Olmi s’immerge complètement dans la culture chinoise en jouant sur les silences, les énigmes, et la lente interrogation du matin qui se lève. Il a visiblement été très impressionné par le Fleuve Si qu’il filme amoureusement ( il s’agit en réalité du lac Monténégro ) alors qu’un drame se prépare.

Mais la sagesse orientale est légendaire, et transparaît ici dans le regard attentif des protagonistes , lourd de sous-entendus . Face aux menaces des puissants la veuve Ming leur répond qu’elle vole et tue au grand jour à visage découvert, contrairement à ceux qui dans de hautes sphères font la même chose , en toute impunité . «  Ce sont là des subterfuges d’une fausse légalité ». Savoureuse réplique , qui situe bien le propos politique d’Olmi , qui d’ailleurs sur la mise en scène n’en rajoute pas .

Peu de canonnades, aucun abordage, mais  le temps qui laisse faire les consciences pour instaurer une éventuelle paix , malgré l’apparition de nouvelles armes. Le final est à ce titre éloquent , poétique et d’une sagesse qui aujourd’hui confine au surréalisme.

En Chine, cette fable est  souvent représentée. Le poète Yuentsze Yunglun en a fait une représentation épique qui se termine par la phrase : « Le pardon est plus fort que la loi. (… ) Et c’est ainsi que les hommes enfin en paix purent vendre leurs épées et acheter des boeufs pour labourer les champs… tandis que les voix des femmes égayaient le jour en chantant derrière les paravents ».

LA VEUVE CHING

Madame Ching fut la plus grande pirate de tous les temps. Elle dirigeait une flotte de deux mille jonques et avait sous ses ordres plus de quatre vingt mille pirates : hommes, femmes et enfants. Fin stratège, elle planifiait ses expéditions depuis son quartier général de Macao et ses pirates régnaient sur une grande partie de la mer de  Chine


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