Le FMI et la taxation sur les institutions financières
Le Vendredi 23 Avril, les ministres des Finances des pays du G20 ainsi que Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, se sont réunis à Washington afin d’élaborer une stratégie commune de sortie de crise. Au sortir de la phase considérée comme la « plus dure » qui correspond à la crise économique, caractérisée par la récession, les ministres des Finances du G20 essayent d’anticiper la phase « la plus difficile » qui est de susciter le retour à une croissance durable et équilibrée. Le FMI a ainsi confirmé son intention d’imposer deux nouvelles taxes pour le secteur financier.
Les ministres réunis dans ce que l’on appelle désormais le G20 Finances ont repris les engagements du sommet du G20 de Pittsburgh en septembre en réaffirmant leur objectif de mettre en place une stratégie globale de sortie de crise et d’avoir « une croissance forte, durable et équilibrée ». Lors du sommet de Londres en avril 2009, les pays du G20 ont confié au FMI la mission de réguler la finance mondiale et a rendu ses premières conclusions lors du sommet du 23 avril (il ne s’agit que d’un pré-rapport, un rapport d’étapes).
Le FMI a ainsi remis aux gouvernements son projet de taxation de la finance qui comprend deux volets : une taxe sur la contribution à la stabilité financière et une taxe sur les profits et les rémunérations.
Commençons par la première de ces taxes appelée Contribution pour la stabilité financière et qui sera prélevée sur les actifs des établissements du secteur financier dans son ensemble, elle concerne à la fois les banques, les fonds d’investissement mais aussi les assurances. Elle est destinée à financer tout plan de sauvetage des banques qui serait décidé à l’avenir. Il s’agit de faire payer au secteur financier la réparation de ses excès et d’épargner les contribuables qui ont jusqu’à présent été sollicités. Ce prélèvement pourrait varier selon les établissements, en fonction notamment des risques qu’ils prennent ou qu’ils font encourir au système financier.
La seconde contribution, baptisée Taxe sur les activités financières, serait prélevée sur les profits et les rémunérations de ces établissements financiers. Elle pourrait servir à renflouer les caisses des Etats très durement frappés par la crise et qui ont vu leurs déficits publics s’aggraver avec la mise en place des plans de relance. Toutefois cette seconde taxe pourrait aussi servir à constituer une sorte de caisse commune pour voler au secours d’établissements financiers de toute taille en très grande difficulté : en somme, il s’agit de mettre en place un fonds commun d’entraide solidaire en cas de crise et de pouvoir se passer de l’aide des Etats et de leur ingérence. Cette deuxième optique est nettement plus fidèle aux doctrines libérales critiquant l’ingérence de l’Etat et permettrait d’éviter de surcroît l’endettement des Etats pouvant conduire à une situation comme celle de la Grèce.
Dans un communiqué commun les pays du G 20 ont appelé « le FMI à continuer à travailler sur les options possibles pour faire en sorte que les institutions financières de chaque pays portent le poids de toute intervention extraordinaire des États là où elles ont lieu, de s’attaquer au problème de la prise de risque excessive, et de contribuer à favoriser une compétition juste ». Ce communiqué rappelle également que tous le pays n’avancent pas au même rythme et qu’une adaptation des politiques économiques est nécessaire ; mais de toute manière les plans de sortie de crise doivent mettre fin au soutien de l’économie et du secteur financier par l’Etat. Cependant, le G20 rappelle qu’il faut « élaborer des stratégies de sortie crédibles des mesures de soutien macroéconomiques et financières extraordinaires qui soient adaptées aux circonstances particulières et à chaque pays tout en prenant en compte les conséquences sur les autres ».
Cependant quelques voix se sont élevées face au projet du FMI. Les opposants (Canada, Australie, Singapour, mais aussi Inde et Brésil) contestent l’utilité de ces prélèvements et font valoir qu’ils n’ont pas eu besoin de se porter au secours de leur secteur financier qui n’a pas commis les excès des établissements américains et européens. Ils refusent donc de pénaliser leurs établissements et plaident plutôt pour une plus grande exigence à leur égard en matière de capital et de liquidités. Des économistes estiment que ces nouvelles mesures ne sont que de la taxation pour de la taxation et ne préviennent en rien l’émergence de nouvelles crises. Par ailleurs, les mouvements altermondialistes comme Attac estiment que le FMI se trompe de cible et ne résoudra pas le problème central de la finance qui est pour eux la spéculation financière et la non-redistribution des richesses engendrées à la planète. D’autres voix s’élèvent ainsi pour une taxation plus globale du secteur financier avec en ligne de mire une taxation sur toutes les transactions financières effectuées, ce qui générerait des milliards de dollars par an.
D’ici la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement du G20 de Toronto, fin juin, le FMI va discuter avec les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales de l’assiette de ces taxes, de leurs taux et de leur destination. Peu importe que le capital imposé ou le taux appliqué diffèrent d’un pays à l’autre à partir du moment où ils en auront discuté afin d’éviter que certains voient l’argent partir pour aider toujours les mêmes pays es plus laxistes en termes de régulation financière. Quant à l’affectation des sommes recueillies dans chaque pays par ces taxes, deux thèses sont en présence. La première propose que l’argent récolté soit remis à un fonds spécifique et la deuxième, qu’il rejoigne le budget de l’Etat. Le FMI prône une voie intermédiaire, en suggérant qu’un fonds puisse accumuler ces recettes à concurrence de 2 % à 4 % du PIB ; au-delà le surplus rejoindrait le budget des Etats.
Le G20 veut aussi s’assurer que cette taxation ne cassera pas la croissance, en enlevant aux banques une partie de leur dynamisme et de leur capacité financière à épauler l’activité, ou en reportant ce fardeau sur les ménages et les entreprises, ce qui affecterait la consommation et l’investissement. La décision finale pourrait être reportée à la fin de l’année, pour coïncider avec l’adoption d’une nouvelle réglementation bancaire.
J.H.C.