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Istanbul ***/ Orhan Pamuk

Par Essel

PAMUK-Istan Titre original : Istanbul : Hatiralar ve sehir (2003)

« Quiconque souhaite donner un sens à sa vie s’interroge également, au moins une fois dans son existence, sur le lieu et l’époque de sa naissance. Que signifie être né à tel endroit du monde et à tel moment de l’Histoire ? Cette famille, ce pays, cette ville qui nous sont attribués à la manière d’un ticket de loterie, que l’on nous demande d’aimer et que l’on finit le plus souvent par aimer pour de bon, sont-ils le fruit d’un partage équitable ? Parfois je trouve que je suis malchanceux d’être né à Istanbul, en voyant ce que l’Empire ottoman a laissé derrière lui tomber en ruine ou se transformer en cendres, dans une ville vieillissant dans une atmosphère de défaite, de pauvreté et de tristesse. » (p. 18-19).

En quelques phrases, voilà esquissé dans ses grandes lignes le thème central de ce roman : à travers l’évocation de son enfance et de son adolescence, c’est le portrait de sa ville natale, et non des moindres, Istanbul, que se propose de brosser Orhan Pamuk. Aussi Istanbul n’a-t-il rien à voir avec Alexanderplatz d’Alfred Döblin, roman se déroulant dans l’entre-deux-guerres sur cette place emblématique. Tout à la fois récit d’apprentissage et documentaire illustré, ce roman foisonnant n’a pas d’équivalent. Orhan Pamuk passe ainsi en revue les peintres, photographes et écrivains, occidentaux ou stambouliotes qui ont pu dépeindre la ville, s'arrêtant plus longuement, par exemple, sur les tableaux de Melling ou Constantinople de Théophile Gautier, « le meilleur de tous les livres sur Istanbul écrits au XIXe siècle. »

Déclin, défaite, pauvreté, tristesse, autant de qualificatifs qui teintent de noir et blanc les habits discrets des gens, les pavés des rues, les konaks en bois rescapés d’incendies, comme les photographies, la plupart d’Ara Güler, qui émaillent son récit. Il n’est pas anodin qu’Orhan Pamuk commence son livre par cette citation d’Ahmet Rasim, écrivain d’Istanbul : « La beauté d’un paysage réside dans sa tristesse. » Plus que de la nostalgie, c’est de la mélancolie, celle par exemple de « ces pianos dont personne ne jouait », de ces salons-musées fermés à clef, qui va sourdre de ces 540 pages rendues passionnantes par l’érudition, le sens de l’observation aigu et l’analyse psychologique très fine de ce lauréat du prix Nobel de littérature.

Une lecture absolument captivante.

PAMUK, Orhan. Istanbul : souvenirs d’une ville / traduit du turc par Savas Demirel, Valérie Gay-Aksoy, Jean-François Pérouse. Gallimard, 2010. 547 p. : photogr. n.b.. (Folio). ISBN 978-2-07-035860


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