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J’avais fait deux pas vers l’horizon

Publié le 30 avril 2010 par Www.streetblogger.fr

.J’avais fait deux pas vers l’horizon

Je m’étais affranchi de toute gravité. J’en avais acquis une conscience des êtres et des choses d’une acuité si intense qu’elle m’en donnait le vertige.

Plus qu’un vertige, j’étais en proie à l’ivresse. Celle que l’on sent lorsqu’une plume vous effleure et qu’elle fait battre votre cœur avec la vitesse et la puissance d’un tambour qui joue pour une cérémonie dédiée à Shango.

Je me sentais aussi fort qu’un esprit qui s’est affranchi de son enveloppe charnelle pour survoler la terre, histoire de voir du pays avant de revenir à son point d’attache.

Je me suis d’abord cru envoûté avant de me rendre compte qu’au contraire je m’étais auto-exorcisé de nombreux sorts.

J’étais libre et je le savourais comme un détenu oublié au fin fond d’un ergastule qui par un miracle inexpliqué acquiert le pouvoir de traverser les murs.

Contrairement à Edmond Dantès il ne pensait pas à la vengeance, mais à profiter pleinement des années qui lui restaient.

Il était comme moi, comme si des ailes lui avaient soudainement poussé. Il n’avait plus aucunes attaches, aussi rien ne l’empêchait de battre des ailes le plus vigoureusement possible pour mettre en un minimum de temps le maximum de distance entre lui et les hommes, entre la glèbe et l’éther.

C’était formidable de se retrouver, tel l’aigle de Gibran, nu face au soleil. Nu dans la vérité de sa chaleur et l’intensité de ses rayons.

Comment après une telle expérience regagner la terre et y vivre une vie d’homme ?

La sonnerie du réveil m’a fait sursauter. Je me suis cogné la tête sur le panneau du lit trop bas.

Je devais me dépêcher. Il était 4 h 15.

Je commençais mon premier travail à 5 h, avant d’en enchaîner deux autres un à 13 h jusque 19 h et le dernier de 20 h à 23 heures.

Je me suis douché en vitesse, j’ai avalé une tasse de café et je suis sorti au pas de course.

En courant dans le froid hivernal pour couvrir une partie des 5 kilomètres qui séparaient mon domicile de l’usine où je commence tous les jours à 5 h, je me sentais tout drôle.

J’avais fait un rêve étrange, dont je ne parvenais pas à me souvenir.

C’est le cas de la plupart des rêves, mais celui-ci je ne savais pourquoi m’avait donné un sentiment de malaise et d’injustice.

Un rêve qui avait probablement dû être angoissant, effrayant au point de me laisser ce sentiment désagréable.

Je n’avais quasiment pas le temps de souffler à mon poste. Les rares moments durant lesquels je pouvais relever le nez de la chaîne, j’avais la chance de pouvoir regarder par la fenêtre juste en face de moi. J’y apercevais brièvement le ciel et un panneau de signalisation singulier, dont je n’ai jamais compris la signification.

Merci à Guillaume Laborde pour l'illustration.

http://web.me.com/g.lab


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