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Une arme de destruction massive de la protection sociale

Publié le 01 mai 2010 par Nellym67

Aujourd'hui 1er mai, moment privilégié pour se tourner un peu plus vers notre système social, l'examiner et prendre un peu de recul sur tout ce qu'on peut entendre ici et là.

Mon blog reste à la disposition des spécialistes; je vous invite à lire ci-dessous l'article d'André Olivier, expert dans le domaine social, qui coanime aussi la commission nationale Emploi du Mouvement Démocrate et est en charge de la sous-commission " Protection Sociale - Retraites".

 

Au moment où s’ouvre le débat sur la réforme des retraites, il nous paraît utile de revenir sur l’état des lieux de la protection sociale, les causes de cette situation et les pistes d’évolution.

L’organisation des déficits sociaux me semble en effet être une arme de destruction massive de la Protection Sociale délibérément choisie par nos gouvernants depuis 2002.

L’état des lieux de la protection sociale

Les comptes sociaux de la nation sont dans le rouge ou, pour ceux qui tiennent encore l’équilibre, ne vont pas tarder à l’être.

Ce constat suffit à lui-même pour que nous soyons tous convaincus de l’urgence d’une réforme de notre système de protection sociale et notamment des retraites.

Mais si l’on veut convaincre sur le contenu de cette réforme et générer le consensus le plus large possible sur celle-ci, trouver le plus petit commun multiple plutôt que le grand commun diviseur, il est nécessaire de clarifier l’état réel des finances publiques, de dire la vérité sur ces déficits.

Nos concitoyens ont avalé trop de couleuvres, ont ressents comme une injustice les dernières réformes avec le sentiment que c’est toujours les petits qui payent : le passage par la case vérité est donc indispensable si l’on veut générer la confiance.

La faute à la crise

On nous explique volontiers que si la situation des comptes sociaux se dégrade si vite, c’est la faute à la crise.

La crise joue en effet un rôle accélérateur des difficultés.

Entre 2008 et 2009, la masse globale des salaires en France a diminué, induisant un manque à gagner pour l’ensemble de nos organismes sociaux. Cela est indéniable.

Mais la crise est bien loin d’être seule responsable.

Prenons la Sécurité Sociale.

Le régime général n’a pas attendu la crise pour être en déficit.

Le déficit cumulé à fin 2007 s’élevait à 74,4 milliards d’euros.

Et pourtant, le gouvernement Fillon avait imposé en 2004 une réforme, qui selon son maître d’œuvre Xavier Bertrand, était si juste et efficace, que grâce à elle il n’y aurait plus de déficit en 2007.

Au nom de cet objectif, MM Fillon et Bertrand ont fait avaler aux Français le forfait de 1 euro par acte puis de 50 centimes par boîte de médicaments, l’augmentation du forfait hospitalier, l’obligation de choisir un médecin traitant, un contrôle plus strict des soins et des arrêts maladies, une augmentation de la CSG par le biais de la réduction de 5 à 3% du taux d’abattement pour les frais professionnels.

Au vu des résultats de cette réforme qui nous était présentée comme indispensable et donc juste, comme La Solution, les Français ont le droit d’être sceptiques.

Cet exemple montre bien que si une réforme est nécessaire, que si les citoyens sont convaincus de la nécessité de réforme, ce n’est pas pour autant que la réforme proposée par le gouvernement en place est nécessairement juste, équitable, et qu’elle apporte réellement une solution au problème posé.

Un regard sur l’histoire récente nous refroidit encore plus.

En 2001, la Sécurité Sociale présentait un excédent de 2.5 milliards d’euros. En 2003, elle présentait un déficit de 13 milliards d’euros.

Comment un tel écart de 16 milliards a-t-il pu être créé en 2 ans ?

Entre 2001 et 2003, ce n’était pas la crise. La masse salariale n’a pas diminué, au contraire, elle a augmenté sous l’effet conjugué des créations d’emplois et de la Rémunération Mensuelle Garantie nés de la loi des 35 heures. Les cotisations sociales ont donc augmenté.

Les dépenses de santé auraient-elles augmenté brutalement de 20% ? Non, elles ont augmenté sensiblement dans le même taux que la hausse des cotisations.

Alors pourquoi ce déficit vertigineux ?

La réponse est le détournement de nombre d’impôts et taxes prélevés au nom du financement de la Sécurité Sociale mais réaffectés par la nouvelle majorité au budget de l’état, « aux frais de bouche du gouvernement » pour masquer le déficit abyssal de l’état, et faire croire ainsi qu’ils respectent les critères de convergence de la zone €uro.

(Au moment où les grecs se font rattraper par la patrouille financière, on peut se dire qu’ils ne sont pas les seuls à truquer les comptes J ! Mais chut, il ne faut pas que ça se sache !).

Ainsi en 2003, les sommes détournées de la Sécurité Sociale par l’Etat sont les suivantes :

- Taxe sur les tabacs : 7.8 Milliards d’€uros.

- Taxe sur les alcools : 3.3 Mds€

- Part maladies professionnelles de la TIPP : 1.2 Mds€

- Aides à l’emploi non compensées : 2.3 Mds€

- TVA sur les hôpitaux payée par la Sécurité Sociale : 2.2 Mds€

- Total : 17.8 Mds€

A cela s’ajoute des charges indues supportées par le Régime Général à savoir le déficit des régimes particuliers au nom de la « Compensation Démographique », soit 3.5 Mds€ versés aux régimes les plus pauvres : notaires, avocats, dentistes, forestiers. ..

Sans ces détournements et charges indues, la Sécurité Sociale aurait été excédentaire en 2003 de 8.1 Mds€.

Cette stratégie n’a pas cessé depuis 2003. À titre d’exemple, en 2007, le total des sommes détournées s’élevait à 20,1 Mds€ pour un « déficit » de 11 Mds€.

Même pour 2009 au plus fort de la crise, on peut dire qu’il n’y a pas plus de déficit à la Sécurité Sociale que d’armes de destruction massive en Irak.

Cela montre si besoin était que l’on ne peut limiter le débat actuel au seul problème du financement des retraites. Il faut repenser l’ensemble de la Protection Sociale, j’y reviendrai dans un prochain article.

André Olivier

Président de Cave Lex

www.cavelex.com


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