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Cocorosie : "Pour nous, la musique est le langage des anges"

Publié le 03 mai 2010 par Albumsono
Cocorosie


On les avait connu en 2004 dans leur baignoire pour "La Maison de mon rêve", les sœurs Casady se jettent aujourd'hui à la mer pour "Grey Oceans". Un horizon à la hauteur de l'indéniable créativité de Cocorosie, mêlant toujours avec aise piano, bruitages électroniques, influences pop ou hip-hop et chant classique. Ludiques, émouvantes, spirituelles, leurs nouvelles aventures discographiques ont décidément tout pour plaire.

Vous sortez votre quatrième album « Grey Oceans ». Comment s’est passé l’enregistrement ?

Sierra : A fin de la tournée, on est allé en studio. Et on a commencé à jouer. De manière tres spontanée. Il en est sorti une grande éruption d’une quinzaine de chansons. On était très excité du résultat. On pensait enchaîner vite, mais, après quelques mois, on avait quarante chansons. Il nous a fallu un peu de temps pour réfléchir, faire le tri, jeter des choses. Rester au calme.

Comment se passe cette phase créative ?

Bianca : On essaie de réagir à nos propres idées, de construire des choses.

S. : D’exprimer les choses les plus extrêmes que l’on a en nous. Jouer avec nos voix pour explorer ce que l’on ressent à ce moment là, les émotions que l’on porte en nous. Donner voix à des choses très abstraites. Après dans un deuxième temps, il faut voir si ce qu’on a trouvé a du sens. Les choses les plus justes.

Beaucoup de choses sont mises de côté ?

S. : Il y a des chansons cachées, qui attendent qu’on les découvre. Pour chaque disque, on essaie de repartir à zero. Il n’y a qu’une chanson qui vient de sessions plus anciennes. De notre première rencontre avec notre pianiste Gael [Rakotondrabe]. La première fois, on s’est retrouvé sans se connaître comme pour un blind date et on a fait que jouer. Là, on a commencé « The Moon asked the crow ». La premiere chanson sortie de nos nouvelles sessions est « God has a voice, he speaks to me » que l’on a sorti l’an passé sous forme de single.

Votre univers musical a des fondations solides…

S. : J’aime à penser qu’avec Bianca, on a développé des styles de communication à travers nos procédés créatifs. Ca nous a soutenu et nous a permis d’ouvrir notre petit monde à des collaborateurs. Mais notre manière de travailler reste pour nous un mystère. C’est dailleurs quelque chose d’important à mes yeux. Tout comme le fait qu’on a appris des choses nouvelles sur nous-mêmes.


Lemonade :

Vous aimez mélanger les styles…

B. : C’est quelque chose qui était là dès le début. Pour nous, c’est la meilleure manière de faire, la plus évidente.

Sur « Grey Oceans », les parties de piano sont très riches…

S. : Gael a ouvert de petits portails qui nous amené vers de nouvelles choses.

Le disque joue beaucoup des contrastes de voix, de textures…

B. : C’est un peu comme la théorie des couleurs. Il faut sentir les bons arrangements. Les bonnes vibrations. Collé à des sons électroniques, le piano révèle sa nature organique, son « bois ».

Le disque utilise aussi davantage l’électronique…

B. : Au départ, on avait fait le choix d’explorer à fond cette direction. D’aller vers quelque chose de plus dansant. On le voit bien sur le single sorti l’an passé. Puis on a décidé de revenir à quelque chose de plus intemporel, de plus ancien.

Votre musique est très spirituelle…

B. : Pour nous, c’est par la créativité que l’on peut atteindre dieu. Une de nos quêtes principales est la vérité. Ce n’est pas quelque chose de simple à définir. On essaie de capter l’essence des choses et de la traduire en musique.

Capter quelque chose de magique ?

B. : Ou du moins quelque chose qui amène à la magie, fait travailler l’imagination, ouvre de nouvelles portes.

Quand on passe des heures et des heures sur une chanson, comment en garde-t-on la magie ?

B. : Parfois, nous ne travaillons pas comme ça. Certaines chansons se développent rapidement. Au cours de l’enregistrement, chacune se révèle, a son moment. On a d’un coup l’idée de ce qu’elle doit être. On ne peut pas contrôler les choses. Ca se fait tout seul. Les chansons ont une vie bien à elles. La musique touche tellement de monde. Une fois qu’elle est mise à disposition. C’est intéressant. Mais nous, on ne peut pas expliquer ce qu’il se passe après. Nous sommes juste celles qui envoyons les flèches. Vers le monde.

Vous aviez été surprise de l’enthousiasme suscité par votre premier disque ?

B. : C’était un choc pour nous. Sans cela, on aurait continué à être créative, mais peut-être pas dans la musique. On a été guidé par cet enthousiasme.

Vous avez l’impression de progresser, de disque en disque ?

S. : Il y a des choses sur lesquelles on a régressé. Il y a des gains mais aussi des pertes.

B. : On adore composer de la musique. Etre en studio. Jouer avec les instruments, les machines. On pourrait y passer toutes nos journées. C’est si excitant de se dire qu’à la fin de la journée, on a une chanson qui n’existait pas du tout la veille.


Hopscotch :


Comment situez-vous la musique dans cet ensemble créatif ?

B. : La musique est l’art le plus fun. Beaucoup d’artistes multimédias vous le diront. Pour nous, c’est aussi le langage des anges, ces derniers faisant le lien entre les hommes et dieu. Dans une époque si matérialiste, l’aspect métaphysique de la musique est primordial. Puis avec les nouvelles technologies, le partage est plus facile. C’est extraordinaire de voir comment aujourd’hui, des groupes très underground arrivent à toucher des gens avant même d’avoir sorti un album.

Vous avez l’impression de vous construire contre notre époque ou avec ?

B. : On essaie de vivre avec notre époque. Après nos valeurs ne sont pas toujours celles de nos contemporains. On recherche l’isolement, la nature. Pas à être connecté au monde en permanence. Certaines personnes aiment regarder des DVD pour passer le temps, nous on préfère observer le feu, la rivière. S’aérer l’esprit.

Vos chansons s’appuient beaucoup sur des éléments de fantaisie ?

B. : Oui. Il y a beaucoup de fantaisie. On aime s’imaginer à d’autres époques, voyager dans le temps.

Le morceau « Undertaker » s’ouvre par la voix de votre mère…

S. : Elle chante au début et à la fin. Comme une ouverture vers un autre temps. L’imaginaire du poème qu’elle récite est médiéval. Avec des chateaux, des incendies et des papillons géants.

B. : Le poème de notre mère a servi de racines. C’est lui qui a nourri la chanson.

Qu’exprime pour vous le titre « Grey Oceans » ?

B. : Pour nous, Grey Oceans évoque une image plutôt calme. Un état de conscience entre le sommeil et le réel. Comme quand on a conscience de ses rêves. C’est dans ce lieu que l’on aime cultiver notre musique. On aime voir les choses peu différemment des autres.

C’est important que le disque reflète des émotions très variées ?

B. : On a tendance à aller dans cette direction, à vouloir présenter un spectre assez large de choses. On se dit parfois qu’on devrait faire un disque qui ne donnerait qu’une même humeur. Mais on n’y arrive pas.

S. : Ca va aussi avec notre approche de la poésie. On aime jouer sur les contrastes. Comme parler de la mort de manière douce.

Il y a aussi dans votre musique quelque chose de ludique…

B. : Nos humeurs sont très variées quand on compose. Ca peut être complètement délirant à un moment puis cathartique à d’autres.

Comment a évolué votre relation à toutes les deux ?

B. : On est des balles de ping pong projetées dans tous les sens. C’est dur de faire le point. On est très différente. Sierra est quelqu’un de très perfectionniste. Moi, je suis plus chaotique. La perfection m’intéresse peu.

Antony me disait l’an passé qu’il était très envieux de votre créativité…

B. : On doit se sentir isolé quand on est un artiste comme lui. Il n’a pas de partenaire avec qui échanger. Etre deux nous aide à maintenir cet état de créativité, d’ouverture.

Est-ce que vous voyez Cocorosie comme un foyer ?

B. : Ca arrive que l’on ressente les choses comme ça.

S. : Un foyer que l’on essaie de fuir. Sans y arriver.


Fairy Paradise :

Et comment se prépare la tournée ?

B. : La préparation de la tournée est horrible.

S. : Nous sommes tellement désorganisées. Nous ne voulons pas travailler. On n’aime pas ça.

B. : On veut juste jouer de la musique. Mais là, il y aura plus de monde avec nous cette fois. Ca demande plus de préparation, plus d’échanges.

Vous travaillez sur un film ?

B. : Ca fait partie de nos projets. C’est un peu plus traditionnel que ce qu’on a pu faire à côté. On a tourné beaucoup d’images, mais il y a encore pas mal de montage à faire. Je ne sais pas s’il verra le jour ou si on le laissera sur une étagère, prendre la poussière.

Recueilli par KidB


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