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scène ordinaire de la vie parisienne

Publié le 03 mai 2010 par Sukie

La violence, c’est parfois une image fixe qui ne vous quitte plus, même après avoir cligné plusieurs fois les yeux et secoué la tête comme pour chasser un mauvais rêve.

Il est 11h40. Dans les couloirs qui mène vers le quai de le 3, station République, direction Gallieni, une jeune fille arrache une affiche publicitaire. Le garçon d’à côté renchérit “déchire la toute entière”. Des membres d’une assoc’ anti-pub ? Ou juste des citadins bourrés ? Sur le quai, deux garçons titubent, chahutent, les yeux alcoolisés. Prochain train, dans 6 minutes. Les uns rejoignent les autres. Tous forment une bande au sein laquelle tourne un gobelet de rhum orange, ou un breuvage de ce type, pas le genre de verre qui étancherait la soif de gaillards sobres comme des chameaux. L’attente dure. 11h44. Ca crie, ça chante, ça fait de grands gestes, ça attise l’agacement, ce dimanche matin prend des allures de fin de nuit.

Le plus ivre d’entre eux se détache de la banche, se rapproche du mur, pose le gobelet, s’en va pisser tout contre le béton. Et ça dure, ça dure. J’entends le bruit de la pisse qui ruisselle, je retiens un mouvement de dégoût. Il repart, ne reprend pas le gobelet, qui reste inerte, à l’abandon .

Le métro arrive dans une minute. Mon regard reste rivé sur le gobelet, attendant que quelqu’un le dégomme au passage. La foule afflux sur le quai. Des jeunes, des vieux, des familles et nous, qui attendons de rentrer. Une petite vieille, le pas lent, l’allure d’une grand-mère qui va rendre visite à ses petits enfants, pomponnée mais sans prétention, passe tout à côté du gobelet, lui jette un regard inquisiteur. Elle s’arrête. Je la fixe de plus belle. Elle se penche pour le ramasser. Je retiens mon souffle car elle y plonge son nez. Elle ne va quand même pas… Puis le porte à sa bouche. Une gorgée, puis se passe la langue sur les lèvres comme pour se lécher les babines.

Nous sautons dans le métro qui aborde le quai. Je ne la quitte pas des yeux, ni ses petites gorgées. Elle boit le gobelet tout entier en moins de 5 secondes.

Je reste coi, assommée de stupeur. J’ai un haut le cœur durant les quelques stations qui restaient. Et je revoie encore cette petite vieille, ramassant ce gobelet pour étancher sa soif. C’était tombé comme un cheveux sur la soupe. Je n’en revenais toujours pas.


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