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Splice

Publié le 05 mai 2010 par Mg

Il est bon de rappeler que ce sont dans les vieux pots qu’on fait les meilleures recettes. Vincenzo Natali, auteur de Cube et autres Nothing (brillant de créativité et d’audace), se permet donc de réaliser un film dit « de monstre » où la principale trame se trouve être la question de la famille, les problèmes de couple et d’éducation. Et oui, si on avait un peu plus prêter attention à Frankenstein ou Godzilla, peut être seraient ils devenus de bons élèves. Evidemment, ça n’est toujours pas le cas ici, mais le mélange des genres offre quelque chose d’unique et de.. poétique.

Si Natali a mis plus de dix ans à concrétiser son sujet, initialement convoité après son remarquable Cube, l’actualité lui rend grâce. Car on parle ici de manipulations génétiques, alliances de gènes et de chromosomes pour recréer la vie. Ou plutôt des monstruosités gluantes, sorte de parasites expérimentaux blindés de solutions curatives. Nos deux personnages principaux, solidement interprétés par Sarah Polley et Adrien Brody, sont donc deux jeunes banzaïs de la génétique, des génies créatifs limites hippies chouchoutés par une multinationale pour leurs avancées percutantes. Sauf qu’au détour d’une bravade, les voilà récupérant ADN humain pour créer un hybride. Et de le laisser grandir… Curiosité scientifique au premier abord, en transformation permanente, les voilà se transformant en pseudo-parents, protégeant leur créature, enfant déjà indirecte de certaines idées discutables selon l’éthique, magnifique à l’écran. Car Splice ne parle pas de monstres, chasse à la créature ou diaspora sur les pratiques limites de la science. Non, Natali met surtout en avant le désir d’un enfant, la difficulté d’une première éducation, l’approche de l’amour et tous les problèmes qui en découlent.

Et en cela, il recrée une certaine magie mystérieuse des films d’antan, où le créateur s’amourachait de sa créature, quitte à en oublier ses méfaits, dans un lien unique d’apparition de vie. On rejoue à Dieu, et pourtant on pardonne tout. La grande originalité de Splice est de se concentrer sur un étrange triangle que l’on sait (du côté spectateur) faussé dès le début, entre deux egos démesurés aux passions frustrés (création d’une famille pour lui, enfance difficile pour elle), et une mutante pleine de vie (on aura du mal à y reconnaitre la française Delphine Chanéac). Et ce n’est que dans les dernières minutes que nous aurons quelques vraies scènes de pseudo action, bien emmitouflées dans un hommage d’époque (course dans la brume et complètement inutile) au genre, où le réalisateur multiplie les effets pour bien faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une maladresse. Pour des dernières minutes comme il sait le distiller depuis Cube, montrant que les plus dérangés sont au final nos amis les humains, et non ses mélanges génétiques aux formes étranges. On regrettera juste un manque de repères face à l’évolution (rapide) de Dern, créature symbiotique devenu au final quasiment mythologique (des ailes, des griffes..), sorte de fantasme vivant pour biologiste, qui devient l’enjeu du film entre la mère et le père, l’une tendant à reproduire sa cellule familiale, l’autre à y perdre sa testostérone.

Désiré depuis longtemps (le film s’est tourné en 2008), Splice est arrivé comme on l’espérait ajouter une plus value à la filmographie de Vincenzo Natali. Le (encore) jeune réalisateur canadien continue donc dans sa lancée fantastique en offrant une synthèse en images de sa filmographie, entre les dérives d’un grand groupe tel que vu dans Cypher, la noirceur des âmes et des idées humaines condensées comme Cube, et un récit se limitant encore une fois à très peu de décors (poussé à ses limites dans Nothing). Et oui, on peut faire simple et bon, il suffit de quelques idées percutantes. Et donc d’une certaine poésie.. Car on parle avant tout ici d’amour, bordel.


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