Le consultant en management Bernard Girard, également conférencier et auteur de plusieurs livres de management s'est penché sur le cas de Google et a publié en 2006 les résultats de ses travaux dans un livre, « Une révolution du management – Le modèle Google. ».
L'auteur part du principe que les techniques managériales du colosse de Mountain View sont différentes des techniques habituelles. L'entreprise a en effet dû s'adapter à un nouveau terrain mais à aussi bénéficier de l'explosion de la bulle internet au début des années 2000 qui a vu sombrer de nombreuses starts-ups, libérant ainsi nombre d'ingénieurs performants sur le marché du travail. Et Google a su en tirer parti. La firme cultive l'excellence. Le recrutement -car tout commence par là- se fait par les meilleurs pour ne recruter que les meilleurs. Ram Shriram (L'un des premiers investisseurs de Google) a ainsi déclaré : « Recrutez des cadors et ils recruteront d'autres cadors. Si vous recrutez des moins bons, ils recruteront des médiocres ou des mauvais. » C'est ainsi qu'en 2005, un employé sur 14 se consacrait au recrutement chez Google. Soit à l'époque, environ 500 recruteurs pour une masse de 6000 employés. Aujourd'hui le nombre d'employés à temps plein est de plus de 19 000 à travers le monde. Alors pour faire le tri dans les centaines de milliers de candidatures soumises à la firme, Google a créé un logiciel pour traiter les CV, et les candidats doivent faire face à plusieurs entretiens d'embauches (Jusqu'à 20 pour les postes sensibles dit-on) et répondre à des questionnaires hors normes. Par exemple :
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Combien de balles de golf peuvent tenir dans un bus scolaire ?
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Imaginez que vous avez une armoire pleine de chemises et qu’il vous est très difficile d’en trouver une. Comment optimiser votre rangement pour retrouver vos chemises plus facilement ?
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Dans un pays où les gens ne veulent que des garçons, les familles continuent d’enfanter jusqu’à ce qu’elles aient un garçon. Si elles ont une fille, elles ont un autre enfant. Si elles ont un garçon, elles s’arrêtent. Quelle est la proportion de garçons par rapport aux filles dans le pays
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Quatre personnes doivent traverser un pont de corde délabré pour rejoindre leur campement dans la nuit. Malheureusement, elles n’ont qu’une seule lampe torche qui peut fonctionner pendant dix-sept minutes. Il est trop dangereux de traverser le pont sans lampe et seules 2 personnes peuvent franchir le pont à la fois. Chaque campeur marche à une vitesse différente. L’un le traverse en 1mn, un autre en 2mn, un troisième en 5mn et le dernier en 10mn. Comment les campeurs peuvent-il traverser le pont en 17mn ?
Et bien d'autres du même accabit.
Une fois tout ce potentiel intellectuel agglutiné, Google a trouvé les moyens de les optimiser. J'en évoquais déjà les idées dans mon premier article sur le sujet. L'entreprise s'est organisé en open space afin de favoriser les échanges. Cela résulte en un think tank géant. Mais aussi, elle a établi une règle propre à elle-même, la règle des 20%. Qu'est-ce que c'est ? Une règle qui donne le droit à ses employés en innovation de consacrer 20% de leur temps de travail à un projet personnel. Pensant qu'un travailleur qui s'attelle à une tâche qui le motive sera plus performant, la firme fait le choix de laisser du temps libre à ses employés. Bien que contestée par certains car elle pourrait faire des déçus (Ceux dont les projets resteront inachevés car non-convaincants) ou des concurrents (Ceux qui décideraient de voler de leurs propres ailes après avoir trouvé une bonne idée), la formule semble pourtant efficace au regard de l'évolution de l'entreprise.
Afin de faciliter l'émulsion de la matière grise, Google a choisi de réduire la hiérarchie. Le contrôle de son travail n'est plus fait par un chef, mais par ses homologues, en discutant. L'échange est ainsi plus constructif, les employés trouvant les critiques de leurs pairs plus légitimes que celles d'un supérieur qui serait déconnecté de leurs travaux. Ce Peer Review aide « à la création d'une hiérarchie parallèle basée sur la compétence technique et la réputation » selon Bernard Girard. De plus, la firme a su organiser ses équipes en petits groupes afin de limiter le nombre de managers.
Aussi, l'entreprise n'est pas dirigée par un seul patron tout puissant. Elle a fait le pari d'un triumvirat, assuré par les fondateurs du moteur de recherches, Larry Page et Sergei Brin, et par un PDG qui a fait ses preuves de longue date, Eric Schmidt. De cette façon, ils s'aident les uns les autres à garder la tête sur les épaules, empêchant tout désir incontrôlé. De plus, chacun apporte une approche différente des problèmes qui se présentent à l'entreprise, Schmidt étant une valeur sûre de l'économie, Sergei et Brin étant des ingénieurs inconditionnels. Cette qualité d'ingénieur dicte la conduite des deux anciens étudiants de Stanford. Leur management et les évolutions de Google se basent sur deux choses essentielles pour eux : Les chiffres et la rationalisation. L'intuition est alors mise de côté au profit d'une approche scientifique.
Dans sa fiche de lecture, François Varin revient sur l'ouvrage de Bernard Girard, synthèse de « Une révolution du management – Le modèle Google. » agrémentée de quelques commentaires. De quoi se faire une première idée du géant de Mountain View.