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En cette grande Epoque, de Jérôme Lhuillier (par Auxeméry)

Par Florence Trocmé

Bruit des langues mourantes 

À propos de : 
Jérôme Lhuillier : En cette grande époque (Flammarion, 2008) 

Ce livre intitulé En cette grande époque n’a pas été lu. Il est paru il y a deux ans. Je ne l’ai ouvert moi-même que récemment.  
Il fait désormais partie de ma bibliothèque, sur l’étagère des incontournables 
Auxeméry 

Certaines évidences de l’esprit se perdent, et si l’on n’y prend garde, disparaissent sitôt nées, dans le grand gouffre de la distraction et de l’oubli – la dramatique partition que joue l’esprit, précisément, avec le temps, avec la vie & avec la mort de tout ; certaines œuvres, toutes sans doute, mais certaines plus que d’autres, car plus évidentes que le tout-venant, sont obscurcies par cet autre jeu, celui de l’offre à foison, et de la demande sans autre raison que le désir de combler du vide par de la substance comestible, bref, par le jeu vicieux du marché comme il va – de travers, depuis toujours, mais affecté d’un exposant très précis de décomposition rapide, désormais : le marché des biens de consommation est définitivement, on le voit bien dès qu’on fréquente d’un jour sur l’autre les vitrines en passant, l’antichambre de la poubelle universelle ; les égouts du ciel morne de l’époque sont alimentés par la nécessité incessante de passer à autre chose, avant même d’avoir, pas même épuisé ce qui fleurit, mais goûté à ce qui naît. Glissade instantanée vers la pourriture, vers le rebut, vers l’inane, et le dégradé. Permanence de l’impermanent, royauté du déchet. Ersatz à tous les étages : devise fiérote de l’ère du naufrage, où toute signification en devenir se voit intimée d’obéir à l’objurgation : « Brille et flambe à l’instant – dans l’absurde potlatch universel où se tarit toute volonté de saine survie, ou bien crève – à l’instant –, crevure que tu es, d’avance. ». 
Un ouvrage de l’esprit est donc, en notre grande époque de bruyant néant en instance de réalisation, un objet de consommation dont la durée de vie visible touche à peu près instantanément à la date de péremption, et pour peu que personne n’ait eu le courage de se dessiller les yeux durant la brève saison où le marché a consenti à roter cette parcelle de sens, de regarder avec un peu de précision tel ouvrage où ce sens est venu déposer, l’affaire est entendue. La comète est passée, et va s’enfouir dans le firmament indistinct des gloires et des nullités, des objets transitoires brillants ou caducs. Noir intense, ce firmament, sans plus de possibilité de redonner le coup de talon qui sauve, quand le fond est atteint. Et le cours des choses se poursuit. Le rien murmure son chuchotis d’œuvres percluses de rhumatismes neuronaux : sitôt pondues sitôt portées aux nues, sitôt flasques & intégrées à la vase du lit des océans sidéraux. Il y a donc ainsi, me dit-on, comme il y a un marché de l’automobile ou du portable, un « marché de la poésie », en effet : la dictature du message à ingestion et déjection rapides a réussi à faire que cela soit, aussi… ! J’avoue que je suis assez loin de ces étals, personnellement. Mais sans aucun doute ai-je très tort, n’est-ce pas. 
 
par Auxeméry 
 
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