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Tabou

Publié le 09 mai 2010 par Annepaulerville

 

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  13 février 1898 : L’Affaire Dreyfus par Caran d’Ache

Vignette 1 :  Surtout, ne parlons pas de l'Affaire Dreyfus.

Vignette 2 : Ils en ont parlé.

Lorsqu'éclate l'Affaire Dreyfus en 1898, les passions déchaînées entre Dreyfusards et Antidreyfusards sont d'une telle violence que le caricaturiste Caran d'Ache illustre le climat tendu avec ces deux vignettes où tout est dit. "Surtout, n'en parlons pas."

Force est de constater en effet que la société française, "patrie de la liberté", est très prompte à fabriquer des tabous. Etrange qu'au pays de Descartes et des Droits en tous genres, cette pratique qui relève de la pensée magique ait tant de succès. Car décréter tabou tel ou tel thème revient à croire que taire un problème suffit à le résoudre, et qu'en parler réveille le pouvoir occulte d'une dangereuse malédiction. Et c'est bien en effet de religion et d'idéologie qu'il s'agit. Ces chantres de la tolérance (les plus prompts à excommunier), ces apôtres autoproclamés de la bien-pensance et de la liberté d'expression (la leur exclusivement) ont pris le relais des bigots d'antan. Tartuffe a encore de beaux jours devant lui : "Cachez ce réel que l'on ne saurait voir".  Magnifiquement ouverts d’esprit, (mais seulement avec ceux qui pensent comme eux), ils bâillonnent le débat d'idées, assènent leurs certitudes ou éludent dès qu'ils sont mis face à leurs contradictions, entretenant la confusion avec une habileté superficielle mais suffisante pour embrouiller les sots. Croyant que le sarcasme et le second degré peuvent tenir lieu de réflexion politique, ils brandissent leur deuxième arme, l'anathème, quand la première ne suffit pas. Il est certes bien plus simple de frapper d'interdit un sujet que d'argumenter. A la moindre velléité de raisonnement dialectique, ils sortent leur album Panini de cartes de partis, et essaient de vous coller sur le dos une étiquette politique qui vous rendra fréquentable ou non. Mais on ne se laisse pas encarter si facilement. 

Hop, encore raté ! C'est ballot !

La bêtise, c'est simple comme un jeu de cartes.

Publié dans l'Hebdo du Vendredi le 9 avril 2010


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