ENTER THE VOID de Gaspard Noé

Tenir jusqu’au bout d’un film de Gaspard Noé tient de l’exploit. Multipliant les propositions tout aussi traumatisantes que vides, désespérées que puériles- et ce depuis le plan séquence du viol dans Bellucci dans l’œuvre la plus prétentieuse du cinéma français- Noé ne lâche aucunement sa ligne de conduite (troubler, violenter, explorer), ni ses tics agaçants et ses leitmotivs (bourdonnement incessant, couleurs criardes, déconstruction du temps et de l'espace, hyper brutalité, détresse, monde pourri). Ici, et pendant près de trois heures, on assiste à l’errance d’une âme en caméra subjective au dessus d’un enfer tokyoïte où lampes, néons, embryon de fœtus avorté et autres réjouissances (la fin étant l’apogée du délire) deviennent des vecteurs de ballade pour les restes bouddhistes d’un junkie abattu par la police. Multicolore et simpliste, répétitif et creux, Enter the void pénètre des réalités alternatives sous fond d’électro et dans une atmosphère dégénérée où chair froide et corps désincarnés baisent frénétiquement pour reproduire le cercle de la vie. Si Noé irrite par un nihilisme déprimant, il énerve surtout par la suffisance coutumière qu’il déploie dans son projet. Parce qu’outre une forme kaléidoscopique où paupières et néons clignotent à l’unisson pour signifier la vacuité des choses, de la vie, de la drogue et de la mort, il n’y a qu’un immense trou noir qui avale tout le reste, à savoir émotions, psychologie, profondeur et sens. On y distingue, par bribes, une volonté d’exprimer les douleurs du deuil et de la perte de l’innocence et de l’enfance, mais ces flashs prometteurs sont immédiatement enterrés sous des redites et redondances qui absorbent toute lumière et tolérance. Une immense (et longue, très longue !) arnaque auteuriste.