La rubrique Livre du
Jour ne propose pas de notes de lecture critiques mais met en valeur des livres
récemment édités, en les présentant de façon un peu plus approfondie que dans
le cadre de l’article hebdomadaire Poezibao a reçu.
Frank Smith
Guantanamo
Le Seuil
Coll. Fiction & Cie
128 pages
15 euros
www.fictionetcie.com
L’auteur
Frank Smith est né en 1968. Producteur-coordonnateur de l’Atelier
de Création Radiophonique de France Culture, il est l’auteur de plusieurs
documentaires radiophoniques, dont Un
barrage contre le Golfe du Mexique (Grand Prix 2004 de l’Université
Radiophonique et Télévisuelle Internationale). Avec Christophe Fauchon, il a
dirigé deux anthologies, parues chez Autrement : une de poésie, Poé/tri , 40 voix de poésie
contemporaine (2001), et une de réflexions critiques sur la poésie
contemporaine, Zigzag Poésie, formes et
mouvements : l’effervescence (2001). Frank Smith a publié deux
ouvrages : Pas, sur des
photographies d’Anne-Marie Filaire (Éd. Créaphis, 1998) et Je pense @ toi (Éd. Olbia, 2202, réédité par les Éd. du Cygne, mai
2004). Après Le cas de le dire,
éditions Créaphis, 2007, Frank Smith vient de publier Guantanamo au Seuil, Fiction & Cie, en avril 2010. (source, publie.net qui
propose de Frank Smith, Dans Los Angeles)
A visiter : Le site de Frank
Smith. et son blog
Le livre
présentation de Poezibao :
Frank Smith fait dans ce texte la lumière sur un lieu caché, dont on a pu
entrevoir la violence, sans qu’elle soit réellement reconnue par Washington, et
rend ainsi justice aux quelques milliers de prisonniers de Guantánamo. Il
parvient aussi à transcender cette dimension politique par une écriture
poétique.
Le 23 janvier 2006, quatre ans après l'ouverture du camp pour terroristes
présumés sur sa base navale de Guantanamo, le Pentagone est contraint par la
presse américaine, au nom de la liberté d'information (Freedom of Information
Act), de rendre publics les comptes-rendus d'interrogatoires de plusieurs
centaines de prisonniers.
Le département de la Défense décide de ne pas faire appel, s'incline et livre
trois cent dix-sept procès-verbaux – certains comportant les noms des détenus –
sous la forme de CD-rom ou accessibles à la demande sur son site
Internet.
Frank Smith se saisit des documents publiés, les déverrouille pour en faire une
suite de récitatifs.
Ça se lit comme une enquête pour dire l'innommable, par les seuls moyens de la
langue.
Notes critiques, extraits
« Frank Smith convainc et
compose une fiction forte. Une fiction qui trouve en outre son point de fuite
dans celui d’une langue peu assurée d’elle-même malgré ses postures, et qui
n’articule en définitive que des bribes. C’est là le plus probant : ces bribes,
la suspension de la logique, ces bouts, fractions, parties d’une langue échouée
sur quelque rive obscure –et obscure au Pouvoir même qui la parle. L’esthétique
d’une violence dérobée, congédiant la réalité au profit de son simulacre
paranoïde.» Joël Jegouzo, lire
la note
« Mais le livre en lui-même, en ses contenus (courts et denses, 125 pages
à peine), s’inscrit dans la veine récitative de « Holocauste » de
Reznikov, oui. Il formalise son matériau, organise selon plusieurs modalités
les échanges entre interrogeant et interrogé. » Guénaël Boutouillet,
remue.net, lire la note
lire
aussi la note de Philippe Boisnard dans Libr-critique,
et l’article de François
Bon, lors de la première publication, numérique (publie.net), de Guantanamo.
extraits
VII
« On dit que l’interrogé est associé
à Al-Qaïda.
On dit que le nom et le numéro de téléphone de l’interrogé figurent sur une
liste des membres d’Al-Qaïda découverte dans un disque dur saisi lors d’un raid
de l’organisation terroriste au Pakistan.
L’interrogé dit que ce n’est pas son nom qui se trouve sur cette liste, et que
ce n’est pas son numéro de téléphone non plus. Qu’un interrogateur précédent
lui a déjà montré une liste d’Al-Qaïda, il y a près d’un an et demi, une liste
de noms. Que les autres noms étaient biffés. Qu’il y a vu inscrit S.A.A.. Que c’est
ce nom-là qui figurait sur la liste, mais que son nom à lui, c’est M.S.M. Que
son numéro de téléphone, c’est le X. Que ce n’est pas ce numéro qui figurait
sur la liste. Que l’interrogateur précédent a tout vérifié et certifié, par la
grâce d’Allah, que ce n’était pas le nom de l’interrogé »
(p. 31)