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Tim Burton : à mi-chemin entre le gothique et le Pays des merveilles

Par Bscnews
Tim Burton par Sylvain Pompom - Lauréat du Concours TIM BURTON du BSC NEWSPar Julie Cadilhac - BSCNEWS.FR / Déclinée sur le mode kitsch, férue d'effets spéciaux d'avant-guerre ou de contes de fée parodiés où les sorcières et les vilains canards prennent toute la vedette et ne laissent que des rôles pâlichons aux beaux gosses et aux princesses, Tim Burton devrait être applaudi d'abord parce qu'il décomplexe. Ses héros sont souvent dotés de lourds handicaps, d'angoisses cauchemardesques, de psychoses irrépressibles qui en font des parias de la société. Et c'est avec une poésie toute de noir et blanc, de traits électriques et de folie polychrome qu'il sublime les laissés pour compte et  rend honneur à leur bizarrerie.
Oui, Tim Burton est un réalisateur hors pair car il a tracé une esthétique singulière, une patte originale à mi-chemin entre le gothique et le pays des merveilles. Roi des anamorphoses et des antithèses, ses oeuvres fascinantes sont tissées de récurrentes obsessions. Au pays des croque-mitaines enjoués, des chauve-souris étourdies de soleil, des masques qui libèrent le fou et l'introverti, des squelettes rieurs, des araignées qui jouent de la glotte, l'incongru flirte avec le décalé, le délirant avec l'excentricité.
Dès lors qu'on se plonge dans ses entretiens avec Mark Salisbury, on découvre à quel point Tim Burton est un INCROYABLE personnage qui possède une biographie bien plus extraordinaire que tous les héros qu'il a mis en lumière - dans les ténèbres.  
Tim Burton me fait l'effet d'un albatros baudelairien qui a brillamment réussi malgré des ailes de géant qui le rendaient pataud et inadapté à la société contemporaine; il a su bousculer les mentalités étroites et conservatrices de ses prochains et a ouvert une porte inconfortable  mais troublante, celle d'un au-delà moins effrayant avec lequel on trinque et l'on plaisante bras dessus bras dessous. Oui, cette mort rieuse et barrée qui déstabilise le non averti, embrasse l'oeil du spectateur à grands coups d'orbites expressives, de rayures de bagnards, de mains squelettiques et de sourires à dentiers généreux, c'est l'oeuvre d'un  bonhomme étrange qui a essuyé les plâtres chez Disney - summum à ses débuts de la naïveté et de la mièvrerie - et a réussi à s'imposer avec son trait biscornu et irrégulier face à la rondeur bien-pensante du monde.
Burton, c'est une invitation douce à la transgression du prêt-à-penser, une symphonie d'antithèses délicates et poétiques qui bercent nos coeurs d'enthousiasme - polycorde. Et c'est à tort qu'on l'accuse souvent d'excès d'originalité : ses films tendent tous à plaire et retiennent leur folie par excès de respect pour les producteurs qui ont investi de l'argent et le public qui a investi une confiance.
 Lorsqu'on lit les confessions de l'artiste, démiurge de toutes ces créatures mythiques de l'histoire du cinéma que sont Willy Wonka, Sweeney Todd, Le joker, Pingouin, Edward aux mains d'argent, Pee Wee, Beetlejuice, Ichabod Crane, Catwoman, Batman, Vincent, Jack, Victo Van Dort et bien d'autres, on ne peut que constater la volonté du réalisateur de privilégier le divertissement de son public à  l'unilatérale peinture d'un monde sombre et sans espoir. Certes, son esthétique se nourrit de ténèbres et de destinées glauques et sinistres mais... dans Batman le défi, par exemple, Gotham s'illumine sous la chaleur des guirlandes de Noël et des animations de fêtes foraines, ce sont des clowns qui constituent l'armée tapageuse de Pingouin et ce dernier se déplace dans les égouts sur un énorme canard de plastique!
Un mot pourrait définir le travail de cet amoureux des dissonances et de l'intuitif au détriment d'une logique trop implacable: OXYMORE. L'oxymore est une  figure de style qui consiste à placer à côté deux mots sémantiquement opposés: "cette obscure clarté" de Corneille ou la notion de "mort-vivant" siéent à la perfection au trait burtonien.
La noirceur du monde qu'il dépeint est ambivalente car dans les oeuvres les plus représentatives de son travail  éclosent des fleurs humaines, aussi pures que sublimes. Ainsi est Edward, Charlie Bucket, Katrina Van Tassel, même Alice...et leur peau tatouée de blancheur diaphane rayonne en osmose avec leurs regards profondément sensibles...
 Au fur et à mesure de ma lecture de l'interview brillamment documentée de Mark Salisbury , j'ai été autant conquise par l'homme que par le réalisateur. Il y a dans la sincérité du propos et sa modestie une authenticité qui sonne presque trop juste. En outre, la lettre rédigée par Johnny Deep, qui fait office de préface, montre à quel point Tim Burton a toujours privilégié le talent à la notoriété et s'est battu contre vents et marées pour soutenir ses intuitions ( N'oublions pas que la participation de l'acteur à la série 21 Jump Street ne le prédisposait pas à cette carrière époustouflante) ...
J'avoue, une biographie est synonyme d'ennui dans ma tête de liseuse. Pourtant j'ai dévoré cette consistante interview comme j'aurais goûté aux mots choisis d'un conteur. J'ai donc relevé, ça et là, quelques mots précieux, quelques idées de ce génie qui combat ceux qui ont le "syndrome du happy end", le sympathisant des chiens, l'amoureux des yeux des gens, le faiseur de "décors à la géométrie brisée", celui qui storyboarde de moins en moins ses films " parce qu'il est plus amusant de préparer une scène et de la laisser prendre sa forme définitive sur le plateau " et je vous les livre, assaisonnés des travaux de deux artistes que je remercie d'une révérence de froufrous de dentelle, Arnoo et Pierre Gable.Julie Cadilhac Découvrir le dernier numéro du BSC NEWS MAGAZINE et son DOSSIER TIM BURTON >>>

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