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Taipan nous aime, nous non plus

Publié le 11 mai 2010 par Www.streetblogger.fr

Je dis souvent que les meilleures choses dans la musique sont principalement celles qui passent en dessous des fréquences et qui se transmettent de connaisseurs à connaisseurs, et ceci est valable pour le rap français. Taipan fait partie de ces artistes-là, ceux qui sont restés longtemps dans l'ombre avant d'être providentiellement révélé au grand jour, comme sur ce remix de "No Life" d'Orelsan. Correspondance avec un phénomène à lui tout seul qui balance des punchlines comme il respire, même en interview.

Taipan nous aime, nous non plus

Tu débarques dans les bacs avec une réputation de punchliner déjà bien justifiée avec tout le buzz sur Internet notamment. Peux-tu nous retracer ton parcours, tes débuts et ce qui te motive à faire du rap ?

J'ai commencé le rap vers 12ans, direct du gangsta rap west coast. Un jour je me suis aperçu que j'avais jamais tué qui que se soit alors j'ai arrêté... Pour recommencer vers l'age de 15ans plus sérieusement avec CHI. Ce qui m'a motivé? un jour j'ai vu le clip d'IAM avec Sunz of Men, mon cerveau a vrillé, je me suis dit c'est ça que je veux faire!

Ton flow est assez nonchalant, un peu à la Stomy, tes lyrics assez cyniques et des punchlines monstrueuses qui valent celles d'un Booba. Ce sont tes modèles ? Comment te situes-tu dans le rap français ?

Oula! si tu compares mon flow à celui de Stomy on va arrêter l'interview ici, à la limite je préfère les punchlines de stomy époque Ministere AMER et le flow de booba que l'inverse... Sinon mes modèles de flow on va dire Biggie, Method Man et Jay-z et pour l'écriture, celle de Louis Ferdinand Céline représente mon saint Graal intouchable. Les rappeurs m'intéressent pas trop à vrai dire.

Ton street-album (lire la chronique) donnait des grosses baffes à chaque coin de phrases alors que sur ce premier album j'ai comme l'impression que le ton est moins choquant, moins égotrip mais à l'inverse terriblement plus ironique et personnel. Plutôt une prise de risque non ?

Choquer n'est jamais mon but, si ça arrive je m'en excuse... Sur cet album je ne voulais pas faire du rap pour des rappeurs ou des gens qui gravitent dans le microcosme du rap, mais quelque chose qui puisse parler à tout le monde, donc aucun égotrip, exercice à l'intérêt très limité. J'ai essayé de concevoir cet album comme un bon pinard. Si j'ai réussi mon coup, en principe, je devrais pouvoir ressortir cet album dans quelques années sans en avoir honte... Prise de risque? je pense pas, dans la mesure où comme je te dis, j'ai conçu cet album comme potentiellement apte à parler à plus de monde, la prise de risque c'est peu être faire du rap pour n'être écouté que par des rappeurs.

Est-ce que tu prends conscience de ton potentiel de MC ? Des rimes comme ça, comment fais-tu pour en garder encore sous le pied (ou le coude...) à chaque morceau ? As-tu un processus particulier pour l'écriture ?

Je me gratte le cul et ça vient, d'ailleurs si je fais disque d'or j'engage une assistante pour le faire à ma place.


Taipan - Balade au pays haut
envoyé par LZO_Records. - Clip, interview et concert.

Tu prouves justement que tu peux avoir une écriture mélancolique et acerbe de la société, des gens... J'aime bien les titres comme « Mademoiselle », « Je commence demain » et « Viens là mon frère ». Hormis tes talents de MCs, quelle image voudrais-tu que l'on garde de toi en tant que personne ?

Un gros connard égocentrique égoïste incapable de faire quoi que ce soit d'autre que ce rap de merde serait une image assez fidèle. Mais si après ma mort on veut dresser des mausolées en mon honneur, dire quelle personne extraordinairement généreuse j'étais, je laisserai une lettre à mes ayants-droits pour leur dire de pas gueuler.

Autre détail qui frappe : la qualité des instru est très satisfaisante et 'artisanale', avec quelques incursions de jazz, loin de la tendance actuelle. Peux-tu nous parler des producteurs ?

CHI signe la majeure partie des intrus , toutes sauf 3 pour être plus précis, je pourrais t'en parler des heures mais pour faire court je peux t'assurer que Just Blaze et Dj Kay-slay on déjà pété les plombs sur certaines de ses instrus, on trouve aussi une prod de Skeezo producteur de fat flow staff et rachid wallas qui a également signé une prod pour Raekwon the chef sur la Vatican mix-tape 2, une prod de Jee 2 Tuluz qui a produit notement pour Kondho, et une prod de Homemade chez qui j'ai enregistré la première version de l'album.

J'en termine avec la question traditionnelle : le message que tu veux passer aux Streetbloggers ?

Qu'ils ont bien raison de streetbloguer, sinon ils n'auraient peut être pas pu savoir que le 8 mai sort le meilleur album de rap jamais écris parmi tout les gens de ma famille, à savoir "Je vous aime". Restez à l'affut sur www.lzorecords.com!

Taipan nous aime, nous non plus
Il aura fallu quelques mois pour se remettre du K.O assené par sa Punchliner mixtape. La douleur provoquée par les contusions font mal quand on y songe à nouveau. Maintenant voilà qu'il revient avec un premier album, qui s'appelle Je vous aime. Gonflé le mec ! Un cadeau pour se faire pardonner ? À la voir nous tendre une rose, c'est à se demander si... et les épines qui vont avec ? Non sérieusement ça part d'une réelle et sincère intention. Comme il le dit sur « T'arrives bien », cet album est le nôtre. « Prenez-le comme vous voudrez mais prenez-le quand même ».

Un album principalement produit par son partenaire, le très versatile CHI, qui dévoile ce rappeur tel qu'il est, ses pensées, sa vision, sa réalité des choses, ses sentiments enfouis, avec son attitude pépèrement irrévérencieuse qui, en se familiarisant rapidement, devient jubilatoire, son flow légèrement 'husky' et nonchalant, et des propos dotés d'un cynisme qui saute aux oreilles et d'une vulgarité imprévisible genre « vlan, prends ça, c'est gratuit. » C'est vrai que son sens de l'ironie et que ses écarts de langage peuvent heurter les âmes sensibles. On s'en cogne remarque, c'est pas du rap de fillette.


Taipan - au feu à droite
envoyé par LZO_Records. - Regardez plus de clips, en HD !

Quand il nous rappe « Je t'aime bien » en s'adressant à plein de monde, on ne sait pas s'il est sérieux ou pas, et c'est là que sa personnalité est intéressante, pas seulement ses formulations assassines et ses piques placées à la volée. À quel degré faut-il le prendre, pour le savoir il faut voir l'état des brûlures qu'on se prend aux fesses, mesurer les jets d'adrénalines quand il vide ses cartouches sur les « Sales Flics ». Encore un titre odieusement provocateur et haineux visant à susciter la polémique ? Je laisse ça aux puceaux de la vie ou pseudo-journalistes sans nom, Taipan n'a pas l'air de calculer, rien ni personne, et c'est ça l'essence du rap : dire ce qui lui traverse la tête sans se retenir. Mais il y a bien un côté qu'on apprécie chez lui, c'est cet humour acide ou caustique, c'est selon, que ce soit sur l'instru entrainant de « Mademoiselle », qui ravive ce vieux cliché qui dit qu'elles sont 'toutes tes salopes', prêtes à se faire croquer sur le laid-back et soulful « Les Loups » la nuit quand les chat(tes) sont grises. Ou encore sur le trop réaliste « Je commence demain » quand on n'a pas la gueule de l'emploi, un titre plein d'humour en compagnie de Soklak qui ne ménage personne, ni les employeurs, ni les syndicalistes, ni Pôle Emploi d'ailleurs. Rachid Wallas participe également sur « L'horloge n'attend pas ».

Comme je le disais dans l'interview, le travail à la production est tout à fait remarquable et à la musicalité insoupçonnée, jusqu'à incorporer des guitares électriques par endroits (« T'étais Où » par exemple). Oula j'en ai dit déjà beaucoup, je termine, enfin Taipan termine ce premeir album en bouclant la boucle avec la version originale de sa « Balade du Pays haut » stylé Westcoast... comme ses premiers amours.

Pour écouter, télécharger légalement ou acheter l'album, c'est ici que ça se passe.


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