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5 questions à Sarah Chiche

Par Sophielit

Sarah Chiche est née en 1976. Elle termine des études de psychologie clinique et de psychopathologie à l’Université Paris-Diderot et dirige également une collection littéraire (essais). Son deuxième roman, “L’Emprise”, vient de paraître.

www.sarah-chiche.blogspot.com

1. VOUS ETla lecture ?

Il y a des semaines où, compte tenu de mon emploi du temps, j’ai à peine le temps de lire. D’autres où j’ingurgite quasiment un livre par jour.

Mes auteurs de prédilection ? Fernando Pessoa, d’abord, et par dessus tout. Il a su dire mieux que quiconque l’effacement et le sarcasme du mélancolique. J’aime aussi bien le minimalisme de Yoko Ogawa, la délicatesse de ses phrases, sa façon de basculer, en trois mots, dans le fantastique que la sobriété de Raymond Carver ou l’univers excentrique et décadent des romans de Huysmans, Barbey d’Aurevilly ou Jean Lorrain ; j’adore mourir de peur en relisant Edgar Poe ou HP Lovecraft ; j’apprécie les livres d’Imre Kertész, de Kafka et de Beckett pour leur belle ironie glacée ; les nouvelles de Zweig, pour la finesse des portraits psychologiques ; la poésie exigeante de Sébastien Smirou et sa nouvelle revue de littérature, LIGNE 13 ; je suis loin de partager les vues politiques de Richard Millet, mais pour moi c’est un styliste remarquable, un vrai grand écrivain (j’aime surtout Ma vie parmi les ombres, Le Renard dans le nom et ses nouvelles Corps en dessous) ; je ne crains pas de dire que j’aime aussi Sade et Bataille.

J’entretiens un rapport quasi-charnel aux livres depuis l’âge de quatre ans, date à laquelle on m’a offert mon premier livre de lecture et d’écriture, Mico mon petit ours, que j’ai gardé. J’aime certains livres comme on peut aimer des êtres. A la différence près que les livres ne meurent jamais.

La plupart du temps, je lis les livres neufs, mais il m’arrive d’en dénicher d’occasion chez les bouquinistes. J’aime les laisser vivre dans mon sac, les annoter, les corner. Des années après, j’y retrouve des gribouillis improbables, enthousiastes et ridicules. Mais, je l’avoue, j’ai beaucoup de mal à prêter mes livres. J’aime donc en offrir.

Oui, je crois résolument à l’avenir du livre électronique, mais en complément du livre-papier. Je visite fréquemment le blog« Mon iPhone m’a tuer » qui est très en pointe sur ces questions-là.

2. VOUS ETles livres ?

Les derniers livres que j’ai lus et que j’ai aimés :La blessure et la soif, de Laurence Plazenet. Un récit magnifique entre la France et la Chine au XVIIe siècle dans une langue qui touche à la perfection. Pour moi, c’est le chef d’œuvre de la rentrée 2009.Sévère, de Régis Jauffret. Un bel exercice de style tricoté à partir de l’affaire Stern. J’attends de découvrir ce que Jauffret va faire de l’affaire Fritzl.Les Effondrés de Mathieu Larnaudie. Une évocation vertigineuse de la crise financière de 2008, peuplée de phrases immenses. Brillant.  Je suis en train de lire Le syndrome Nerval de Caroline Gutmann. C’est plaisant et envoûtant. Un vrai bon thriller, très bien ficelé. Je me prends au jeu et me réveille en me demandant ce qui va arriver aux personnages. Le prochain sur ma liste : Omega Mineur, de Paul Verhaeghen.  

Je ne lirai jamais un livre sous prétexte qu’il est primé. Il y a des trésors publiés par des petites maisons d’édition qui ne sont jamais mentionnées sur les listes de prix, de même qu’il y a des gens qui écrivent merveilleusement bien qui ne seront jamais publiés. Je fonctionne au coup de cœur.

  3. VOUS ET l’écriture ?

J’écris dès que je le peux. Parfois, dans la rue, si une phrase me vient, je m’arrête pour la noter. Mais il est vrai que je suis plutôt « clavier ». J’aime écrire en écoutant de la musique. J’ai écrit L’emprise en écoutant Les Doors, Bach, Tartini (la femme de Victor Grandier, le thérapeute diabolique de mon roman, est une violoniste virtuose. La musique de son violon a une fonction précise dans le roman) et des Requiems. Quand j’écris, je perds toute notion de ce qui se passe autour de moi. Il m’est arrivé de rester seize heures face à mon ordinateur à écrire, sans rien faire d’autre.

Un auteur est aussi un bon lecteur. Lire de grands textes m’aide à m’améliorer. Cela me permet aussi de me confronter à mes limites. C’est une belle école de l’humilité.

4. VOUS ET Internet ?

J’ai voulu, via mon blog, créer un espace de travail, une sorte d’atelier qui me permettrait de parler de l’univers de L’emprise et, à plus long terme, des livres que j’ai aimés, des articles de neurosciences ou sur la psychanalyse qui m’ont intéressée. Jusqu’au mois de juin, je vais être assez débordée donc je n’aurai pas trop le temps de l’alimenter… Je m’y consacrerai davantage après.

Grâce à ce blog, j’ai quelques échanges très intéressants avec des lecteurs. C’est très enrichissant. D’une manière générale, je suis favorable aux blogs. Je suis frappée de voir qu’on y trouve parfois des critiques bien plus fouillées, bien plus sincères et touchantes et, parfois, bien mieux écrites, que dans les journaux. Je regarde bien sûr ce qui peut s’écrire sur mes livres en tâchant de ne pas être trop froissée en cas de mauvaise critique. En matière de blogs littéraires, Internet prête le flanc aux enthousiasmes les plus fous comme aux descentes en règle les plus vulgaires. C’est amusant de voir à quel point certaines personnes peuvent perdre toute dignité et se laisser aller à des commentaires fielleux absolument insensés, très pulsionnels, très archaïques, qui n’ont plus rien à voir avec la littérature.

5. VOUS ETvos projets ?

J’aimerais beaucoup que L’emprise soit adapté au cinéma. Un certain nombre de lecteurs me disent que ça ferait un bon film. Mais ça ne dépend pas de moi…

Je commence à penser à un troisième roman, avec une coloration très différente de L’emprise, un récit assez épique, qui s’étalerait des années 1945 au début des années 1970, entre la France et l’Afrique. Cela prendra du temps. Et c’est une bonne chose. Plus je vieillis, plus j’aime ce qui prend du temps.

Je participerai sans doute à des salons pour la promotion de L’emprise mais je n’ai pas encore de calendrier exact.

Ecrire est plus qu’une occupation. C’est une nécessité. Mais j’ai aussi un travail : je m’occupe d’une collection d’essais et, dans le cadre de mes études de psychologie, je suis stagiaire dans un service de psychiatrie adulte. J’apprends beaucoup des patients que je suis amenée à côtoyer. Ce sont des héros anonymes. L’année prochaine, j’aurai mon diplôme. Je pourrai alors exercer en institution et en libéral. 


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