En couverture de son livre, L’enfance de l’art, Elzbieta a mis le dessin d’une fillette se regardant dans une armoire à glace et dont le reflet a la forme d’une souris. Cette simple image, avec l’ombre de l’armoire, ce qu’elle peut contenir, mériterait à elle seule qu’on en parle avec les enfants, avec les adultes. Mais restons-en au reflet. Les animaux à qui Elzbieta fait vivre des aventures sont le reflet des enfants qui les lisent, ou les voient dans les adaptations théâtrales.
Flon-Flon et Musette, ce sont donc des enfants que la guerre va séparer. Mais cette guerre est ici vécue depuis l’impuissance de l’enfant, les questions auxquelles répondent du mieux qu’ils peuvent les parents. Flon-Flon subit l’événement qui le prive de son père, et de son amie. Et, même quand la guerre est finie, quand elle dort et qu’il ne faut pas la réveiller, Flon-Flon reste avec cette forme d’impuissance que vient heureusement bousculer l’ingéniosité et la volonté de Musette.
La Compagnie Créature, qui présentait ce spectacle à Saint-Denis (93) dans le cadre du Festival Et moi alors?, a choisi la lenteur, comme on lit lentement ces petits livres où chaque dessin mérite qu’on s’y arrête, où chaque phrase, pour simple qu’elle paraisse, vient se loger dans la tête. Par ce rythme, les images remplissent l’espace, en largeur, en profondeur, le rouge des coquelicots vient saigner dans l’incendie des bombardements à l’horizon. Un homme, vêtu de noir, raconte l’histoire que lui confie Flon-Flon, tourne les pages, les déplie, les referme, et passe de l’une à l’autre, alternant marionnettes, projections, ombres, tandis que la lune et le soleil continuent le cycle des jours, des mois, des saisons.