Magazine Beaux Arts

Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie

Publié le 16 mai 2010 par Philippe Cadu

http://exprmntl.fr

Vernissage le jeudi 20 mai 2010 à partir de 19h00

Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie
Cette exposition, sous le titre ‘Matières Premières’, associe deux artistes dont les préoccupations sociales et artistiques se révèlent très proches. Dans cet esprit semblable au dandy (voir le texte ci-après de Didier Semin), Régis Feugère et Thomas Sabourin ont cette attitude commune de refus et de lutte contre ce système aliénant et affligeant où les pratiques même de l’art sont mises à mal. Ces deux artistes nous offrent un ensemble d’oeuvres où se confrontent photographies et sculptures,questionnant notre perception du réel à partir d’éléments d’architecture puisés dans l’environnement naturel.
Ces artistes, avec la discrétion qui les accompagne, ne pouvaient manoeuvrer autrement que sous l’influence
Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie
minimaliste. Cette sobriété du travail qui les rapproche se retrouve de toute part, dans leur aspect formel, dansleurs lignes pures qui à la fois nous rebutent et font écran, comme la série des ‘Candy mountains’ de Régis Feugère aux courbes évocatrices nous indiquant peut-être le chemin à suivre, celui d’une femme, malgré le
danger qui guette et l’angoisse de ne rien voir. Elles ne peuvent plus représenter – ou être un exemple d’architecture – ce qui empêche le regard de s’étendre. Il faut alors recouvrir ces architectures, passer de l’autre côté en ne considérant que la matière.
Matière première, matière à réflexion, sur lesquelles le regard se réfléchit et réfléchit, se décompose et recompose.

Sur les arbres par Thomas Sabourin (extrait)

Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie
Raymond Queneau disait que « Dieu n’aime pas le piano », je vais dire pourquoi à mon sens, les métaphysiciens n’aiment pas (ou ne devraient pas aimer) les arbres. L’exposé qui suit est un parfait a posteriori dont l’a priori fut « l’arbre en miroir » visible dans la galerie. J’insiste sur ce point de méthode qui reflète à mon sens une question de nature : il en va dans cet ordre des actions, de lanature de ce que l’on conviendra d’appeler – au sens le plus large – une « oeuvre d’art ».
Il ne s’agit en fait pas pour moi de donner une « image », pire, une illustration, d’une pensée préalable, mais bien dans une pensée a posteriori de chercher à m’aventurer par la pensée dans ce que j’ai bien pu faire avant d’y penser. C’est un exercice de l’ordre de l’interprétation des rêves : il s’agit de découvrir les sentiments qui sont investis dans une projection de l’imagination, de découvrir ce que j’éprouve à l’épreuve de cette production.
C’est pourquoi une remarque s’impose encore : il ne s’agit pas ici de donner des « clefs » de compréhension, de livrer le paradigme d’une symbolique qui serait cryptée dans une oeuvre, mais bien de s’interroger sur le sentiment précis qui, m’unissant à telle chose,
en l’occurrence ici, les arbres, a pu me conduire – à partir de ce sentiment – à produire une « image » (au sens large de production de l’imagination).La question est donc : quel sentiment des arbres me conduisit à proposer au regard de mes contemporains une chose telle que
cet « arbre en miroir »? Ce sont ces sentiments qui peuvent produire une pensée, et non une pensée qui précédant le « faire » le conditionnerait en le projetant. L’oeuvre d’art doit être grosse d’une réserve de pensée encore indistincte, grosse d’une variété indéfinie d’interprétations possibles, bref, elle se doit d’être l’ouverture des possibilités. Le langage informatif dit quelque chose de quelque chose, une production de l’imagination
constitue le dire dont tout autre langage dira par la suite quelque chose.
La poésie doit pouvoir proférer des énormités dont ni la science ni la philosophie n’ont encore idée, et comme E.A.Poe qui imaginait que la nuit est noir parce que la lumière des étoiles n’a pas le temps de nous parvenir bien avant que cette idée ne prenne place dans les théories de la physique moderne, il n’est pas dément de penser que les astres, soleils et étoiles, de Van Gogh, soient à l’origine de l’invention de la manière moderne de stoker le fourrage, en bales spiralées (c’est une évidence pour qui a vu au moins une
ois ces bales de paille dans le crépuscule du Vexin près d’Auvers). {…}

Philippe Guiot ‘du paysage, moins ‘contemporain’, que marqué par la contemporanéité’

Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie
Sa série « Candy mountains » / « montagnes de sucre » aligne d’énormes tas de graviers que le mode photographique « objectiviste » du photographe permet à peine d’identifier par ses prises de vue identiques qui évacuent d’emblée toute reconnaissance d’une quelconque échelle, ainsi que la lumière constante et le même cadrage qui ne ménagent aucune profondeur de champ. Confronté à cette série, on s’intéresse moins aux motifs, qu’à ce qui constitue une « série », quels sont les indices qui attestent un « air de famille », à quel point les différences sont relatives et comme niées lorsque l’on considère la cohérence de l’ensemble.
On trouvera également une autre série ; « De obstare » qu’il faut appréhender comme une totalité, trois épreuves réalisées à l’occasion d’une résidence dans le Gers. La sérialité n’est plus ici rendue manifeste formellement au travers d’une variation, mais se devine et se dévoile lentement parce que déclinée sur un mode conceptuel. L’artiste, à son habitude, réduit les éléments paysagers et la profondeur de champ à un strict minimum, de sorte que toute localisation devient impossible. D’un même mouvement, il déplace, pour le focaliser, le regard et l’attention vers des objets au pittoresque discutable, mais pourtant bien présents dans les superbes campagnes gersoises, devenues anecdotiques et réduites à la portion congrue…
Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie

Dans ces photographies, l’artiste met en tension des démarches éprouvées ailleurs, et par d’autres, et ses compositions, d’une manière aussi savante que discrète, empruntent beaucoup à l’Histoire de l’Art, celle du paysage et de la nature morte classiques, dont il questionne les règles et celle du paysage photographique contemporain dont il interroge les prétentions à l’originalité formelle et la valeur critique et politique (Hernandez, Blees, Doherty, Horsfield, Collins, Brisley). En les combinant à dessein dans son travail, il produit  un effet de surprise, créait une charge spectaculaire, qui concernent moins le motif lui-même (ce qui étonne c’est sa banalité lorsqu’on l’identifie) que la réception que nous en avons (cette banalité est transgressive dans l’usage culturel de la photographie), que l’attention que nous portons à notre environnement, que notre capacité d’abstraction et de hiérarchisation des phénomènes : que peuvent avoir de si singulier, jusqu’à en faire comme le « portrait », deux caravanes abandonnées aux vitres opacifiées de crasse et amoureusement blotties l’une contre l’autre ? Pourquoi accorderions-nous de l’attention à une souche aux reliefs aheurtés et envahie d’une folle végétation comme une sculpture post-minimaliste au milieu d’un champ d’une remarquable vacuité ?
Pourquoi faire une photographie d’un terrain de foot enténébré, désolé et comme encombré chaotiquement de buts ? Finalement, les motifs sont originaux (et c’est bien ce que nous réclamons ordinairement de l’art en Occident) et le « travail plastique » du photographe remarquable (et c’est bien ce que nous attendons traditionnellement en Occident de cette catégorie de professionnels : une compétence distinctive).

Régis Feugère &Thomas; Sabourin présente Matères Premières à Exprmntl Galerie
D’où vient alors l’étrange malaise que l’on ressent en regardant ses photographies ? Sans doute d’une certaine perversité dans l’utilisation de tout ce qui, ensemble, va constituer son travail : à quoi bon une typologie du tas de sable et pourquoi les nantir d’une dimension presque romantique si on entame une typologie ? A quoi bon dresser le sublime portrait d’objets qui défigurent et dénaturent un paysage, paysage que la volonté commune,
semble-t-il, pousse à réduire à des poncifs champêtres séculaires ? A quoi peuvent bien servir les normes qui structurent le genre « paysage », héritées de l’Histoire de l’Art, au contact de ce que beaucoup considèrent comme trivial ?
Série après série, Régis Feugère nous incite à réfléchir sur la valeur du « lieu commun », avec une pratique photographique qui, pour cela, a un rôle autant documentaire qu’instrumental. Pour mieux saisir l’enjeu d’une telle démarche, on citera Jean-François Chevrier, un critique émérite de la photographie contemporaine : « La photographie a été longtemps et reste encore pour le grand nombre (artistes, amateurs) un modèle
d’appropriation esthétique. Il se peut aussi qu’elle permette de réactualiser un modèle de représentation. Dans le cercle institutionnel de l’art contemporain, l’enjeu est mince.

Ouverture de la galerie jusqu’à 22h le samedi 29 mai
dans le cadre du Week End de l’art contemporain organisé par le réseau PinkPong.

Ouvert du mardi au samedi /de 14h à 19h et sur rdv

EXPRMNTL Galerie
18 rue de la bourse
31000 Toulouse – France
+ 33 562.27.26.92
06.74.70.24.17
www.exprmntl.fr


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Philippe Cadu 34619 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte