Robert Merton a étudié la genèse des découvertes. Il observe (au moins) deux phénomènes curieux :
- Toutes les découvertes ont été faites en multiple. Ce qui distingue un « géant », au mieux, est qu’il a participé à un très grand nombre de découvertes multiples. Autrement dit, c’est la société qui produit les découvertes, tel ou tel individu ne fait qu’exprimer synthétiquement le travail de tous. (J’observe aussi qu’au cours des siècles la nationalité des découvreurs à changé, preuve que sans une bonne équipe l’intellect individuel est de peu de conséquence.)
- L’effet Matthew : on donne aux riches, on prend aux pauvres. Dès qu’un scientifique commence à avoir un peu de notoriété, un grand nombre de phénomènes se conjuguent pour lui en donner de plus en plus. Inversement, un homme, éventuellement d’un mérite supérieur, qui aurait mal démarré dans la vie, s’enfonce dans l'obscurité et se décourage de publier. Ce phénomène peut expliquer pourquoi certains noms paraissent avoir été sans égal.
Pasteur disait que « la chance sourit à l’esprit éclairé ». Les grands découvreurs ont su modéliser ce que les circonstances très particulières de leur vie, et de leur milieu, leur a fait rencontrer. Ils avaient certes des prédispositions particulières, mais ce sont les mouvements de la société qui les ont faits ce qu’ils sont devenus. Et puis, comment une découverte pourrait-elle être retenue par l’histoire si la société ne peut la comprendre ?
En tout cas, voilà qui prouve, une fois de plus, que les économistes sont des individualistes forcenés qui ignorent la sociologie.
Compléments :
- MERTON, Robert K., On Social Structure and Science, The university of Chicago press, 1996.
- L'idée de découverte est probablement propre à la culture de l'Occident. Traditionnellement, la Chine tend à attribuer la nouveauté à un glorieux ancien.