Ce livre est une biographie, politique et philosophique, de Joseph Jacotot. Ce révolutionnaire exilé, au début du XIXe siècle, a perturbé l’Europe savante en affirmant que l’on peut « s’instruire seul et sans maître », que l’on peut enseigner ce qu’on ne sait pas. « La première vertu du maître est une vertu d’ignorance ».
Cette affirmation repose sur un principe : tout ce qui est humain est dans chaque être humain. L’éducateur qui cherche à transmettre son savoir est, bien souvent, quelqu’un qui se décrète supérieur à un autre. Mais ce régime de supérieurs et d’inférieurs veut aussi que l’on soit tout à la fois supérieur à quelqu’un et inférieur à un autre. Or, pour justifier cela, les éducateurs doivent inventer des formules.
Si tout ce qui est humain est dans chaque être humain, il n’y a plus de supériorité qui tienne, les hommes sont égaux. Ainsi, « celui qui a fait l’addition des fractions est le même être intellectuel que celui qui a fait le mot Calypso. (…) Cet artiste ressemble à celui qui a imaginé les moyens d’écrire le mot dont il s’agit. Il ressemble à celui qui a fait le papier sur lequel on l’écrit, à celui qui emploie les plumes à cet usage, à celui qui les taille avec un canif, à celui qui a fait le canif avec du fer, à celui qui a procuré du fer à ses semblables, à celui qui a fait l’encre, à celui qui a imprimé le mot Calypso, à celui qui a fait la machine à imprimer, à celui qui explique les effets de cette machine, à celui qui a généralisé ces explications, à celui qui a fait l’encre à imprimer, etc. etc. etc… »
Il faut donc travailler à l’émancipation. « Ce que peut essentiellement un émancipé, c’est être émancipateur : donner non pas la clef du savoir mais la conscience de ce que peut une intelligence quand elle se considère comme égale à toute autre et considère toute autre comme égale à la sienne. »
La réflexion qui se mène dans cet ouvrage tourne autour de cette question de l’égalité. Est-ce que la société a pour rôle de mener à l’égalité ? On voit bien que cette formule voudrait qu’il y ait ceux qui mènent et ceux qui sont guidés, ce que refuse Joseph Jacotot. « Il faut choisir de faire une société inégale avec des hommes égaux ou une société égale avec des hommes inégaux. Qui a quelque goût pour l’égalité ne devrait pas hésiter : les individus sont des êtres réels et la société une fiction. C’est pour des êtres réels que l’égalité a du prix, non pour une fiction. »
Et voilà le principe sur quoi s’appuie cet « enseignement universel » : « L’égalité n’est pas un but à atteindre, mais un point de départ, une supposition à maintenir en toute circonstance. » Il s’agit là de l’égalité des intelligences, puisque tout ce qui est humain est dans chaque être humain.