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Une Messe à tout chœur

Publié le 19 mai 2010 par Philippe Delaide

Concert le mardi 11 mai en l'église Saint-Etienne-du-Mont à Paris. Raphaël Pichon dirige la Messe en Ut de WA Mozart, à la tête de son chœur OTrente et du nouvel ensemble instrumental qu'il vient de créer, Orchestre 430, sur instruments d'époque.

Raphaël Pichon m'a confié à quel point cette tentative d'aborder un nouveau répertoire, avec une toute nouvelle formation était pour lui une expérience "nouvelle et haute en émotions" pour reprendre ses termes.

Indéniablement cette émotion, je dirais même la ferveur avec laquelle il a attrapé cette messe à bras le corps, était particulièrement communicative.

Messe en ut Mozart Pichon
En guise d'introduction, le chef dirige le chœur OTrente a cappella sur un Ave regina caelorum a double chœur de Michael Haydn d'une modernité saisissante. J'y ai retrouvé les indéniables prémisses de grands compositeurs modernes de musique sacrée comme Franck Martin, tant la facture de cette œuvre paraissait contemporaine. Le chœur OTrente impose d'emblée sa belle ampleur sonore et la direction précise, sensible de Raphaël Pichon nous permet de savourer toutes les nuances qu'il est permis d'imaginer sur une œuvre d'une telle limpidité.

Vient ensuite la pièce maîtresse, tant de fois interprétée, la Grande Messe en Ut de WA Mozart. Raphaël Pichon restitue avec intelligence la forme quasiment opératique de cette messe mais, par rapport aux versions que l'on a pu entendre jusque là, il donne au chœur un rôle clé, prépondérant. La caractéristique principale du style déjà bien affirmé de Raphaël Pichon, à savoir remettre le chœur au centre du dispositif, et que l'on avait déjà remarqué dans son très beau premier volume des Messes Brèves de JS Bach, se trouve ici confirmée avec une plénitude rare. Il est évident que la beauté expressive des parties chorales de cette sublime et atypique messe fournit un matériau extraordinaire pour nous emporter et inonder l'espace sonore de belles sonorités. La complicité du chef avec son chœur est indéniable, ce dernier réagissant aux moindres demandes de nuances. Raphaël Pichon tente alors quelques audaces expressives que je n'avais jamais entendues jusque là comme, par exemple, une alternance de piano et de forte sur le Miserere produisant des effets dynamiques étonnants et tout à fait défendables, ne serait-ce que pour exprimer l'alternance de souffrance et de colère que comprend cette partie de la messe.

La calage orchestre / chœur aurait pu çà et là être un peu plus affiné mais il ne s'agit ici que de points de détail tant on est emporté et conquis par un tel engagement, sincère et généreux, avec une maturité exceptionnelle dans la direction musicale.

Le quatuor de solistes (Sabine Devieilhe (soprano), Gaëlle Arquez (soprano), Emiliano Gonzalez Toro (ténor), Alain Buet (basse)) s'est très honorablement défendu face aux nombreuses embûches que propose cette messe. Sabine Devieilhe a su déployer la nécessaire agilité quasi instrumentale que demandait sa partie, dont le fameux "et incarnatus est". J'ai particulièrement noté la belle prestation de Gaëlle Arquez avec son chant clair et sa belle tenue de voix.

En guise de bis, Raphaël Pichon a dirigé à nouveau le choeur OTrente a cappella sur un motet de Felix Mendelssohn ("Denn er hat seinen Engeln").

Le concert était complet, le public très motivé qui avait au préalable affronté un temps glacial et pluvieux a été conquis et ce à juste titre.

L'essai a été transformé avec une élégance et une finesse rares par l'un des jeunes chefs actuels les plus prometteurs.


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