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Getting used to the silence.

Publié le 05 mai 2010 par M.
Je change de nom comme on change de culotte. Ma patience s'use autrement, c'est désolant, sans déc' mec, j'ai de moins en moins envie d'attendre, pour tout. Et tu serais étonné du nombre de sens que cette phrase peut prendre. J'ai toujours été jalouse, toujours été rageuse, toujours croupi dans l'ombre de mes distorsions mentales et de mes tortionnaires serviles. Je suis fatiguée, légèrement écorchée, de ma pelote de nerfs, j'ai envie d'être cette fille dont ils parlent comme une bonne histoire, ce quelqu'un dont ils se souviennent pour ce qu'il fait, pas juste pour sa tête à claques. Les pieds raclant le passage clouté, je me suis dit, c'est drôle, je n'ai pas l'impression de voir la réalité, dans le monde d'aujourd'hui la balance des blancs est ratée. C'est mes yeux, c'est ça ? Comment on sait qu'on voit la vérité, dis moi. Apprends moi ces trucs, ces tours et ces envolées qui font que la foule toujours te court après. Ces choses qui nous rendent immortels. Écoute, j'ai l'impression qu'à force de frotter mes bronches contre le béton, l'eau est en train de passer dans mes poumons, les écluses ne tiennent plus, je sens dans le fond de mon ventre les poissons tourner en triangle. Le brouillard me monte à la tête. Enfant illégitime de mes désirs prédécoupés, des poitrines de plastique, je suis trop mon propre clandestin pour pouvoir réclamer. De l'air en barres, c'est ça l'enjeu. J'en veux un coffre entier, une chambre forte, des lingots d'oxygène compact, une machine qui turbinerait fort fort fort pour que je n'ai plus peur d'oublier de respirer. Pour pouvoir voler à 200 à l'heure. J'ai toujours bien aimé les maths, comme des petites béquilles rassurantes sur quoi placer des toits de chaume, des refuges de fortune, j'ai fait des équations comme on se recroqueville dans les bras de quelqu'un, pour sauver ma peau. Tu sais pourquoi j'en parle, tu devrais savoir je crois, pour conjurer le sort de tous ces gens qui face aux chiffres partent en gueulant. Non ça va mec, laisse tomber. J'ai accroché ma montre sur un lacet, je me suis étranglé avec, je laisse un peu au temps celui de me rattraper. Je crois que je n'ai jamais vraiment su rester un enfant, ça a l'air chouette pourtant mais ça ne me va pas, je ne crois pas pour autant que ça fasse de moi une adulte, et alors, dis moi toi, je suis quoi. Dans tout, pour tout, il y a ce je suis quoi, pourquoi, comment, qu'est ce que je fous là. J'ai des réponses mais il y a des vides, des cases laissées à l'abandon qui jaunissent, je suis du genre à éclater pour un détail mais il y a un bout de temps maintenant que je reste sage, et pourquoi. Comment. La ribambelle des voix internes, de fil en fil, en écheveau et en aiguille, les guérillas. Il faut sûrement que je me tire de là. Au dessus de ma tête, l'ampoule grésille et clignote, je crois qu'elle va claquer, et mon filament perso c'est la même : il vacille. Heureusement je suis un peu Murray ; jamais mort. Tu vois le pire c'est qu'il n'y a rien de grave, il n'y a rien du tout, c'est le quotidien qui me ponce il faut que je change de maison, on dirait que le sol est devenu perfide, qu'il s'est gangréné de tous les litres de rouge qu'il a morflé dans les rainures, et qu'avec ça, il est devenu contagieux. Moi, je ne veux pas pourrir. La morve au nez mais les manches propres, on dirait que quelque chose est sur le point de m'échapper, tout va bien pourtant, tout est sous contrôle, bientôt, je vais travailler. T'emballes pas, c'est pour le pognon seulement. Mais ouais je suis satisfaite merci, tu vois ça laisse seulement ce délicat goût amer derrière les dents, il gagne un peu mon père, il a voulu que je sois grand et. Je. Suis. Grand. Quand on prend trop de place, on se sent seul, j'aurais bien aimé être minuscule. Je me serais planquée dans tes cheveux. Comme un poux amical. Et cette ampoule qui tremble, on dirait un cœur qui palpite putain, si je l'éteins on pourra m'accuser de meurtre, c'est comme si elle voulait délivrer un message. Genre messie électrique. Passez moi un tuyau, il faut que je dépressurise à l'intérieur avant que tout n'ait explosé. Avec cette lumière qui vacille dans le creux du dos, j'ai l'impression que tout est en flammes derrière moi, je suis obligée de me retourner pour vérifier, et tu comprends au fond ça n'aurait pas trop d'importance que tout parte en cendres et lignes de fumée, mais moi, moi, je ne veux pas brûler vive. Je repense à ce type un peu con sur les bords, celui qui m'a dit j'aime bien votre histoire, on dirait quelque chose en permanence sur le point de mal finir. Il faudrait m'expliquer, j'ai une sorte de maladie on pourrait dire, je ne me vois pas. Nulle part. Ou partout. C'est un peu pareil. Je me catalogue toujours là où je ne suis pas supposée pioncer, j'ai envie d'exister pile là où je me cherche sans me trouver. Bouge de là, mec. C'est un miroir, pas un putain de film sur l'infini des possibles. Bon alors, tu veux quoi. Heu, une médaille du mérite ? Mort de rire mon gars, ça me démange presque de caser un lol. Et pourtant ça n'a jamais fait partie de mon vocabulaire. Outrage à mes chairs disloquées m'sieur l'agent ! J'écris pas pour la mise en bière tu comprends mais pour la sonorité des mots, en résonance dans le plexus solaire - et pour être honnête, ça m'arrange que le fond s'écrase sous la forme ciselée. J'ai toujours été vorace tu sais, nous, on se tirait dans les coudes, on les a jamais serrés. C'est parfois venu plus tard - trop tard. C'était à qui flinguerait les autres pour avoir la meilleure part, et viscéralement tu vois, même si après je me suis marché sur la langue pour écraser tout ça, viscéralement parlant, j'ai jamais su partager. Pas le plus important. Et là, sarcasme ultime, j'entends les rangs du fond de la salle se marrer. Mais c'est eux qu'ont raison, même si je le vis bien, je suis de la pure contradiction. Genre, en mode bâtard capuche et compagnons. Ainsi soit-il, c'est comme ça qu'on dit pour décharger les consciences, pas vrai ?

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