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Emblèmes de la mutualité et mutualité compagnonnique

Par Jean-Michel Mathonière

L'insigne qui est ici présenté ne manquera pas d'attirer l'attention des compagnons de l'Union Compagnonnique. On y voit, appendu à un petit ruban vert, une ruche et des abeilles entourée de rameaux de chêne et d'olivier, et, en dessous, deux mains qui se serrent.

Emblèmes de la mutualité et mutualité compagnonnique
© Photographie Laurent Bastard, D.R.

Est-ce pour autant un insigne de l'Union Compagnonnique ?

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Très probablement non. En effet, ces emblèmes étaient très courants au XIXe siècle, car ils exprimaient des idées partagées dans la société de cette époque : la ruche était un vieux symbole du travail et plus précisément du travail collectif. Il figure à ce titre dans d'innombrables images politiques et surtout dans l'iconographie mutualiste, qui prit un très grand essor sous le second Empire. Les rameaux de chêne et de laurier sont pareillement des emblèmes classiques de la force et de la victoire. Quant aux mains qui s'enserrent, qu'on appelle une "bonne foi" en héraldique, il s'agit d'un emblème parlant de la réconciliation et de la solidarité. Bref, cet insigne est sans doute celui d'une des nombreuses sociétés de secours mutuels du XIXe siècle.

Ceci nous amène à rappeler qu'un emblème, un rite, des mots du Compagnonnage doivent toujours s'appréhender dans leur contexte historique. Beaucoup d'entre eux ont une histoire. Ils ne sont pas issus des temps immémoriaux des fondateurs des Devoirs. Les compagnonnages ont évolué dans un contexte religieux, politique, social. Les compagnons avaient sous les yeux, cent fois répétées, des images qui exprimaient des idées. Pourquoi aller chercher ailleurs ce que tous leurs Pays et Coteries étaient à même de comprendre aisément ? Ils ont donc, au fil des décennies, sans parfois même s'en rendre compte, puisé dans ce qui leur semblait clair, parlant, accessible. Parfois aussi dans ce qui leur paraissait plus prestigieux.

Et c'est pourquoi, en pleine période mutualiste, alors que se constituaient des sociétés d'anciens compagnons réunis, ils ont logiquement adopté les emblèmes de la mutualité à laquelle la Fédération puis l'Union Compagnonnique étaient très attachées. C'est dans un deuxième temps que ces mêmes emblèmes ont pu recevoir une interprétation plus compagnonnique, en accord avec les idéaux et les traditions des Devoirs. Ces emblèmes sont alors devenus compagnonniques, avec une signification spécifique.

Dans un troisième temps, ils se sont effacés du contexte social et iconographique où ils étaient apparus mais sont restés présents au sein du Compagnonnage. C'est alors qu'un observateur extérieur ou un compagnon est tenté, de prime abord, de les considérer comme propres aux Devoirs, alors qu'il n'en était rien quelques décennies plus tôt. Un constat analogue peut être fait en ce qui concerne des usages désormais bien ancrés chez les compagnons, alors qu'il s'agissait de pratiques récentes empruntées à d'autres sociétés ou partagées par d'autres groupes, tels que le port de rubans, la chaîne d'alliance, le port des joints ou la voûte de cannes.

Emblèmes de la mutualité et mutualité compagnonnique

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)


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