2010 s’apprête à être une année particulièrement réjouissante pour les nostalgiques des films d’action des années 80 et 90. Leurs stars, ces héros déchus dont les longs-métrages ne cherchent plus à agripper la première place du box-office mais une étagère placée à hauteur d’yeux et pas loin de la caisse du vidéoclub – quoi que la notion même de vidéo club perde de sa superbe en ces temps de téléchargement et d’automatisation - retrouvent en effet presque tous des rôles leur offrant une exposition sur grand écran. Ca les change.
Depuis quelques années, comme l’a si bien montré JCVD de Mabrouk El Mechri, ceux qui ont forgé leur carrière sur l’action se trouvent désormais pour la plupart à tourner leurs films avec des budgets microscopiques à l’échelle américaine, non plus sur les flamboyants plateaux hollywoodiens, mais dans des hangars désaffectés d’Europe de l’Est pour des faiseurs plus que pour des cinéastes. Leurs noms évoquent la gloire de l’action man, la force américaine aux dernières heures de la Guerre Froide pour lesquels les spectateurs aimaient il y a 15, 20 ou 25 ans à se délecter de leurs prouesses martiales ou armées. Sylvester Stallone, Steven Seagal, Wesley Snipes, Dolph Lundgren, Jean-Claude Van Damme, Arnold Schwarzenegger… Cette liste avait peut-être de la superbe en 1990, aujourd’hui elle ressemble plus à un cimetière de carrières fanées.Qui se souvient de la dernière apparition dans un long-métrage ciné de Steven Seagal, Wesley Snipes ou Dolph Lundgren ? Eh oui, ça se compte en années. Pourtant, tous trois pourront être vus sur un écran de 8 mètres de large en cette 2010.
Pour Wesley Snipes, le film est déjà visible, il s’agit d’un polar social de très bonne tenue, L’élite de Brooklyn d’Antoine Fuqua. Snipes y campe un ancien caïd tout juste sorti de taule, hésitant entre reprendre les rennes perdus lorsqu’il est parti entre quatre murs et se détacher de ce milieu qui lui a tant pris. Sobre et juste, Snipes a rarement été aussi bon, pas depuis des années en tout cas. L’air de rien, l’acteur découvert par Spike Lee il y a 20 ans a passé les dernières années à jouer les gros bras dans des séries B pour le marché vidéo, disparaissant totalement d’Hollywood. Ses ennuis avec le fisc américain n’ont rien arrangé, mais sa performance chez Fuqua laisse espérer que l’acteur, qui avait reçu le Prix d’Interprétation à la Mostra de Venise en 1997 pour Pour une nuit de Mike Figgis, reviendra doucement vers un cinéma de qualité qui semble si loin pour lui.
Au moins, Snipes a connu le cinéma de qualité dans sa carrière, en plus de ses rôles d’action guy dans Passager 57, Demolition Man ou Drop Zone. On ne peut pas en dire autant de Steven Seagal, qui étonnamment n’a pas une filmographie si longue que cela. L’homme aux bras les plus dangereux du cinéma américain n’a tourné qu’une dizaine de films dans les années 90, avant de tomber dans la case « ringard » pour marché DVD. Son moment de gloire, Piège en haute mer. Son meilleur film (oui je sais je dis cela parce que c’est un de mes péchés mignons), Ultime Décision dans lequel il laissait la vedette à Kurt Russell en claquant à la fin de la première bobine. Au cours de la décennie qui vient de s’écouler, Seagal est resté cantonné dans les productions de troisième zone, défrayant plus la chronique pour son engagement auprès de la police sous les caméras américaines, les attaques en justice de femmes se plaignant de harcèlement sexuel, ou (mais là il ne s’agit pas de défrayer la chronique) ses concerts pour sa reconversion musicale.
Pourtant, comme Wesley Snipes, Steven Seagal débarque lui aussi en 2010 sur grand écran dans un film dans lequel on ne l’attendait pas forcément. Ce film c’est Machete, le nouveau Robert Rodriguez. Le réalisateur de Une nuit en enfer et The Faculty transforme là en long-métrage la fausse bande-annonce qu’il avait réalisé il y a quelques années pour Grindhouse, la version double sortie aux États-Unis du diptyque Planète Terreur / Boulevard de la mort. Le héros de cette série B sanglante qui s’annonce savoureuse a beau être l’acteur fétiche de Rodriguez, Danny Trejo, le plus étrange membre de la distribution du film, au côté de Robert De Niro, Jessica Alba et Lindsay Lohan, est à n’en pas douter l’ancien champion d’aïkido qu’est Steven Seagal.
Seagal, qui s’est évertué à incarner les héros en tous genres depuis ses débuts d’acteur à la trentaine passée, semble parti pour prêter ses traits dans Machete au premier méchant de sa carrière, alors qu’on ne l’avait plus vu sur grand écran depuis Mission Alcatraz au printemps 2003 (vous allez rire, j’étais allé le voir…). Saura-t-il nous surprendre comme Van Damme et Snipes nous ont surpris dans JCVD et L’élite de Brooklyn ?
Bien sûr il est impossible de parler du retour des gros bras des années 90 sans évoquer The Expendables de Sylvester Stallone. Ce dernier a voulu engager toutes les anciennes gloires du cinéma d’action, ses anciens concurrents au box-office, en plus de quelques petits « jeunes », pour peupler sa nouvelle réalisation. Toutes les ex stars du genre se sont vus appelées par Sly, qui leur a proposé un rôle dans son film, au premier rang desquels Van Damme qui a ouvertement refusé d’y prendre part faute d’un rôle suffisamment écrit (étrange tout de même de la part d’un acteur qui peine à transformer l’essai deux ans après JCVD, se cantonnant pour le moment à ce qu’il fait depuis des années).
Faute d’avoir pu engager Van Damme ou Seagal, l’attraction du casting de The Expendables se nomme Dolph Lundgren. Le géant suédois, célèbre pour être la plus grosse tête des stars du cinéma d’action (il est diplômé en ingénierie chimique), a été éloigné d’une sortie en salles depuis encore plus longtemps que ses collègues. Il semble qu’aucun de ses films n’ait trouvé le chemin des salles obscures aux États-Unis depuis le milieu des années 90, ce qui en dit long sur l’état de sa carrière. On trouvera à ses côtés, dans une courte apparition, Arnold Schwarzenegger et Bruce Willis, et dans des rôles plus conséquents, Jason Statham, Jet Li et Mickey Rourke.
En 2010, revoir tous ces gros bras sur grand écran a beau être étrange et quelque peu anecdotique, une part de ceux qui ont grandi avec ces mecs s’en réjouit un peu. Mais je me demande quand même quand quelqu’un ramènera Chuck Norris sur un plateau de cinéma, autrement que pour un cameo comique avec Ben Stiller. Les réalisateurs craignent peut-être que Chuck mette les pieds où il veut… et tout le monde sait bien que c’est souvent dans la gueule.