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Un shincha made in Tokyo

Par Florentw
 Parlons un peu de Tôkyô, ou plutôt du département métropolitain de Tôkyô, car il n'existe pas à proprement parler de "ville de Tôkyô". Il s'agit d'un département composé de 23 arrondissements, d'un certain nombre de localités situées sur des îles au large, dans le Pacifique, et, à l'ouest des 23 arrondissements, s'étalant largement dans les montagnes, du district de Tama 多摩地域, composé de nombre de villes et villages.L'image que l'on veut donner de Tôkyô à l'étranger est tout à fait erronée. Gratte-ciels, carrefours noir de monde, .... cela n'est pas le vrai visage de Tôkyô, cela ne reflète qu'une infime partie de cette métropole, les alentours de quelques grandes gares. Le reste, et je parle du centre, des 23 arrondissements, m'apparaît comme un grand agglomérat de village, une immense zone résidentielle, calme, avec des bâtisses ne dépassant que rarement les 2 étages, on y croise pas grand monde, quelque enfants de retour de l'école, des vieux, des chats......Mon conseil aux voyageurs à Tôkyô est le suivant, "éloignez-vous des grands centres, perdez-vous à pieds, et découvrez le vrai visage de Tôkyô".Voilà qui est étonnant, mais le district de Tama l'est encore plus, c'est la campagne, et même franchement la montagne à l'extrême ouest. Pourtant, officiellement, c'est Tôkyô.
Pourquoi est-ce que viens raconter tout ça dans mon petit dossier Shincha 2010 ? Le lecteur avisé l'aura compris, c'est que j'ai mis la main sur un sencha, un thé japonais nouveau cultivé à Tôkyô, Tama, ville de Tachikawa 立川市. Proche du centre, Tachikawa reste me semble-t-il un endroit urbanisé, en tout cas, pas du tout en montagne.
Tôkyô est une toute petite région productrice, 144 ha, contre 19200 pour Shizuoka. On ne parle pas de "Tôkyô-cha", non, le thé produit à Tôkyô est appelé Sayama-cha 狭山茶, tout comme celui produit dans le département de Saitama, juste au nord de la capitale.
Je suis tombé par hasard sur un petit évènement, exposant des produits agricoles du département de Tôkyô. Un marchand de thé s'y trouvait présent. Les différents thés proposés montraient tous un très bel aspect, le plus cher était cueilli à la main, mais c'est finalement la "version" en dessous sur laquelle se porta mon choix : raison, le cultivar, Sayama-kaori, alors que les autres étaient tous de classiques et sans surprise Yabukita.
Sayama-kaori est un cultivar un peu hâtif qui fut développé par le Centre d'expérimentation en thé du département de Saitama et enregistré en 1971. Cette variété connue très vite un grand succès, propulsée par ses qualités sur le devant de la scène des cultivars à sencha. Sa plus grande qualité, une grande résistance au froid, critère très important même à Shizuoka. Les récoltes sont abondantes, et le thé obtenu est très parfumé. Néanmoins, depuis quelques années, son succès tend à diminuer... il faut dire que ce cultivar est loin d'être exempt de défauts : une astringence qui à tendance à ce faire trop remarquer, tendance des feuilles à noircir et de la liqueur à laisser apparaître des reflets bruns, et grande faiblesse face aux maladies. Il n'en reste pas moins à la 4ème ou 5ème place des cultivars les plus utilisé, après notamment Yabukita, Yutaka-midori, oku-midori.
Franchement, ce thé nouveau de Tôkyô a bien su éviter les travers du Sayama-kaori. C'est un fuka-mushi sencha, que certain appelleront chû-mushi, temps d'étuvage moyen aux vus des habitudes actuelles. Peu de poudre, les feuilles dans l'ensemble conservent une belle forme d'aiguilles, très fines et uniformes. La couleur est également d'un beau vert profond, sans reproche, avec du lustre. Le coloris de l'ensemble est perturbé, ce n'est pas par manque d'uniformité de la teinte de feuilles elles-mêmes, mais plutôt par quelques fines tiges passées au travers du triage. Un shincha made in Tokyoau delà de leur aspect visuel, ces jolies feuilles dégagent un parfum doux, pâtissier et acidulé, qui vraiment, met en "appétit". Ce sublime parfum n'est pas en lui-même unique, mais il est vraiment très prononcé, puissant, net. Cela par contre n'est pas si commun..... peut être est-ce bien là le point fort d'un Sayama-kaori fabriqué avec soin. 
Après infusion, on voit une liqueur verte, qui ne tire pas sur le jaune, et encore moins sur le brun (allez, disons quand même qu'il vaut mieux faire attention au temps d'infusion, en approchant de la minute, peut être, soyons honnête, que l'on peut vaguement apercevoir ces petits défaut du Sayama-kaori). Sur ce point, pas de quoi se rouler par terre, mais c'est quand même du bon niveau. Un shincha made in Tokyo 45 secondes, voilà un temps d'infusion qui me semble adapté. Il permet de conserver une belle couleur, et est largement suffisant pour dégager les qualités gustatives de ce thé. Certes astringent, mais riches en douceur. Une saveur très riche, fraicheur et rondeur se superposent avec délice, et l'arrière goût qui reste en bouche fait long feu. 
Friand ces derniers temps de sencha qui laissent se délecter de ce que j'appellerai une "luxueuse astringence", ce thé est l'un mes plus grands coup de cœur depuis plusieurs mois. D'une très très grande qualité pour son prix (1500 yens), il est aussi une petite rareté, un thé "made in Tôkyô", une grande surprise. 
Avec grand retard, la première récolte 2010 arrive sur sa fin. Les Sayama arrivent peu à peu, Uji traîne encore un peu la patte, mais il ne s'agit plus que d'une question de jours...... reste alors à venir les thés de Murakami, venant du département de Niigata, limite nord de culture économique du thé au Japon. Ce ne fût pas sans peine cette année, mais malgré tout (retard, cour du marché très très cher, faibles quantités, etc), des thés formidables ont cette année encore vu le jour...... reste alors à se battre pour tenter de transmettre ces trésors aux japonais, qui décidément trop nombreux (et de plus en plus) à ne pas savoir ce qu'ils ratent !

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