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Le capitalisme chinois en crise ?

Publié le 28 mai 2010 par Raphael57

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Rien ne va plus ces derniers temps dans le capitalisme chinois : après le scandale du lait frelaté à la mélamine qui a touché des dizaines de milliers d'enfants au bas mot, après la "découverte" de la toxicité des jouets made in China et leurs conditions de fabrication, voici que le capitalisme chinois subit des revendications salariales !

En effet, le constructeur japonais Honda Motor a annoncé jeudi qu'une grève dans une unité de production de pièces automobiles du sud du pays l'avait contraint à arrêter ses quatre usines en Chine. Les revendications portent sur les salaires : les grévistes souhaitent que leurs salaires mensuels, qui oscillent aujourd'hui entre 1 000 et 1 500 yuans (1 500 yuans = 179 euros), soient augmentés, pour atteindre entre 2 000 et 2 500 yuans.

Il s'agit déjà, selon les médias locaux, de la grève la plus importante jamais répertoriée dans l'industrie chinoise. Bien que les dirigeants cherchent à minimiser l'impact de ce mouvement social sur la production, personne n'est dupe qu'avec 576 223 véhicules vendus l'an passé (+ 23 % sur un an), la Chine représente un débouché de taille pour l'entreprise japonaise. Chaque jour de grève ne peut donc qu'éloigner un peu plus Honda Motor de son objectif d'expansion consistant à y produire 830 000 véhicules en 2012 !

Mais le plus intéressant est probablement le traitement médiatique qui en est fait, puisqu'on en trouve trace dans des médias de grande audience : China Daily, National Business Daily,... Ainsi, le grand atelier du monde vient-il de découvrir que la logique capitaliste aboutit aux mêmes maux quel que soit le pays où elle s'applique : à force de vouloir réduire les coûts pour augmenter les profits d'une minorité, on dégrade les conditions de travail jusqu'à un point où les salariés finissent par ne plus supporter l'exploitation dont ils sont victimes et revendiquent dès lors des améliorations.

Chez Honda Motor, les ouvriers chinois revendiquent une hausse salariale, mais cela ne doit pas faire oublier que l'amélioration des conditions de travail ne rime pas uniquement avec argent ! En témoigne la vague de suicide chez Foxconn, premier sous-traitant mondial d'Apple, où depuis le début 2010, 11 salariés se sont jetés du haut des bâtiments de l'usine (la plus jeune avait 16 ans...). Le PDG de l'usine, aussi fin en psychologue qu'un requin dans un aquarium de salon, a jugé utile de déclarer que "le taux de suicide dans une société augmente avec la hausse du produit intérieur brut". Et pour répondre au malaise de ses salariés, il a fait installer des filets de sécurité et créé plusieurs hotlines à destination des ouvriers. Mais je vous ai gardé le plus cynique pour la fin, puisque notre PDG requin-psychologue a fait distribuer une circulaire aux salariés, les invitant à "ne pas se faire de mal", à "accepter d'être envoyé à l'hôpital en cas de problèmes mentaux" et à ne pas "poursuivre la société en faisant des demandes de compensation excessives". En somme, souffre, mais par pitié fais-le en silence et hors de l'usine qui sent déjà le gaz.

Certes, le patron de cette entreprise fait valoir que ses salariés peuvent toucher jusqu'à 2 000 yuans par mois avec les heures supplémentaires (avec un minimum de 12h par jours tout de même...). Mais l'argent est-il encore une compensation (à quoi d'ailleurs ?) lorsqu'un représentant étranger avoue que cette entreprise est "typique du management à la taïwanaise : un patron hyperdur, multimilliardaire et connu pour ses frasques d'un côté, et de l'autre, en usine, une pression forte, aucun droit à l'erreur, et une gestion de style militaire" ?

En définitive, même si les bases de production sont différentes en Chine (capitalisme encore largement "guidé" par l'État...), le capitalisme semble aboutir inévitablement à la même exploitation des salariés et aux mêmes injustices partout dans le monde. Tout simplement parce qu'on a laissé voler en éclat les compromis indispensables entre gestion du capital et gestion de la main d'oeuvre. Dans ce cas, il n'est pas étonnant que selon un sondage IFOP pour Challenges publié vendredi 5 mars, la société française soit jugée "injuste" par 69 % des sondés. Et je ne parle même pas du modèle de société que nous aurons en Europe une fois les plans d'austérité mis en place...

Mais que font les États face à la révolte qui couve ?


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