Magazine Journal intime

Les meufs de chez Perrotin (3)

Par Markhy

On n’avait pas trop le vice nous. On voulait juste La Baise et un peu la vanne. Mais dans l’entourage, le vice était partout, on avait un pote, on l’appelait carrément: Le Vice. On aimait bien donner des noms à tout. Le Vice, si il te tendait la main, il avait forcément laisser un mollard dedans. Si il te filait un bout de suisse au chocolat, c’est qu’il était tombé par terre ou il y avait un donormyl caché dedans, et tu somnolais toute l’aprèm en cours comme un con. Un jour il faisait super chaud, on avait pile poil la thune pour acheter une boite de Magnum à la supérette. Et Le Vice, c’était son daron qui tenait la supérette, il avait regardé la météo la veille et avait vidé le stock. Ton père il a plus de Magnum, on a dit. Il a rigolé et il s’est barré, nous on crevait de chaud. Il est revenu avec sa glace, genre il commençait à la manger. Oh le bâtard, on a tous dit. Et là il fait : je vous en vends. On a dit « Ok ». Il voulait nous vendre la glace au prix de la boite. Le Vice. Tu fais du business sur le dos de ton daron? On a demandé pour le faire culpabiliser, qu’il nous lâche une glace quoi. Il a dit : Juste pour vos gueules. Oh le bâtard, on a tous dit.

Le Vice est mort aujourd’hui. Moi hamdoullah, ça va. Je viens de l’apprendre par sms. Mon meilleur pote qui me le dit pendant que je reprends mes esprits. On n’avait plus trop de nouvelles, il avait déménagé genre à Maubeuge ou j’sais pas où. Son père voulait retourner à l’usine pour toucher une mutuelle qui démonte. Il a fait un arrêt cardiaque, Le Vice. Il était grand et super maigre, La Vigie on l’aurait appelé si c’était pas déjà Le Vice, il s’était grave musclé pendant son adolescence, il allait tous les jours à la salle, il prenait une douche et finissait à la Mosquée ensuite. Comme tous les mecs du quartier, il cherchait un plan pour faire le coach à la salle pour les petits du quartier. Le genre de plan qui se termine en un tournoi PES financé par la mairie. Je suis pas trop sous le choc, je ne me suis jamais attaché aux gens. Il parait qu’on fera un truc au quartier pour lui rendre hommage, manger une glace sur un banc, ou trainer sur un toit pour disperser ses cendres mais comme on aura pas ses cendres, on ira acheter du thym à la supérette et on en fera des cendres qu’on dispersera. J’habite plus au quartier, je ne serai pas là, mais, par sms, je fais le mec impliqué, le mec qui veut savoir et qui propose.

Mais j’ai qu’une image en tête, le petit cul qui fait de l’horloge devant moi.

Je stalke le couple de loin, le casque toujours sur les oreilles pour faire genre, le mec a parlé de PZK, j’ai fait « woké ». Les meufs de Perrotin s’habillent bien. C’est dans le contrat. Mais elles ne s’habillent pas de clichés. En fait c’est difficile à appréhender une meuf de Perrotin, elle n’est pas vraiment hipster, dans des robes sophistiquées de friperies ou de créateurs en micro entreprise. Elle met des bottes sans mettre de bottes, je sais pas si c’est clair. Elle n’est pas art appliqué avec un jean serré, des bottines et un t-shirt enfantin dessiné par Mooz. Elle met des t-shirts parfois, des tshirt qu’elle fait elle même comme dans les bouquins. Elle n’est pas beaux-arts non plus, à marcher les pieds nus en ville avec un air perpétuellement ahuri. Elle le garde pour les dimanche en famille, son air ahuri. Les meufs de Perrotin doivent être modelées par Perrotin lui même, je pense qu’il les commande à un prêteur sur gage. Je te file un Peter Coffin contre cette brunette à frange qui sourit timidement. Il les fait circuler comme les oeuvres de ses galeries, il s’y intéresse peut être pas autant que ses artistes, mais elles ne sont pas là par hasard. Je crois qu’il aime les profils anti-élite, il est comme science po paris, il fait de la discrimination positive de la meuf. Ces meufs, chez Perrotin, ne semblent pas être des filles à papa, elles sont déguisées comme tel, mais je le dis, pas de filles à papa, ça se voit, petite, elle était en jogging mickey portant un cartable de 10 fois son poids. Emmanuel Perrotin, j’ai peur de le rencontrer, moi les noms que je vois écris sur des plaques de métal, j’ai l’impression qu’ils n’existent pas, ce sont des noms abstraits impossible de connecter à des têtes et même si je vois les photos, je dis « non ça ne peut pas être eux ». Edouard Leclerc et Emmanuel Perrotin c’est un peu pareil pour moi. Des commerçants.

Mon iphone sonne, j’ai sursauté, la sonnerie a crié dans le casque. Mon meilleur pote. C’est une photo de lui torse nu, poilu, en train de porter une enceinte démontée sur l’écran. « On te voit alors ? Tu reviens au quartier la semaine pro ? » Tu crois vraiment que je vais jeter du thym du haut de l’immeuble ? « Non mais on fera peut-être pas ça, on va peut-être trainer en voiture je sais pas ». Mais mec ça fait dix ans qu’on n’a pas vu Le Vice, on s’en fout, non ? « C’est juste pour se réunir comme ça, peu importe ». Toute façon j’ai un autre plan samedi. « ..? » Je vais avoir besoin de toi en plus. « Mmh? » Youssouf Fofana mon pote, tu te rapelles ? je vais devenir le Youssouf Fofana de chez Perrotin. « Va falloir que tu m’expliques ».



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