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Une Palme d'Or, des controverses, la défense du cinématographe et quelques broutilles

Publié le 02 juin 2010 par Petistspavs

La semaine dernière, impossible de publier La séance du mercredi, faute de temps. Mais j'avais commencé un édito agacé, comme je les aime. Le sujet ? L'attitude d'une certaine critique ciné réactionnaire face à certains films présentés à Cannes et, singulièrement, La Palme d'or. Cette attitude méprisante contre de prétendues élites, évidemment coupées du public, aux productions évidemment incompréhensibles, éminemment chiantiques, qui n'intéressent personne. Des gens du Figaro, du Parisien et de La croix qui enfonce le clou...
Or, j'ouvre ce soir le site des inrocks pour vérifier s'ils abordent déjà les sorties de demain (nous sommes mardi) et je découvre une interface totalement rénovée, très bien (VOIR) + plein de vidéos intéressantes + un article qui reprend exactement la substance de mon édito de la semaine dernière, que j'avais envie de vous refourguer, car le sujet m'intéresse. Comme les inrocks s'en prend exactement aux mêmes titres que moi, je reproduis son article (en bleu, puisque ça semble être la couleur du nouveau site des inrocks) in extenso. Avec un petit commentaire, in fine.

Mais d'abord un peu de musique. Je regardais tout à l'heure un extrait de Top Hat dans lequel Fred Astaire, après avoir conduit Ginger Rogers dans un parc pour la protéger de la pluie londonienne et la draguer, lui susurrait dans l'oreille "Isn't it a lovely day to be caught in the rain ?", avant de l'achever par quelques pas de danse, vite devenant pas de deux. Je vous propose une version récente de It's a lovely day d'Irving Berling par la délicieuse Stacey Kent.

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Depuis quand un film primé à Cannes n’avait-il fait autant fait ja(cas)ser la presse française? Depuis 1999, la Palme d’or pour Rosetta des Dardenne et le Grand prix pour L’Humanité de Bruno Dumont ?

Dès le lendemain des résultats de cette édition 2010, le Figaro frappait en qualifiant Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures de « palme de l’ennui » et en s’y attaquant méchamment, sur son site, dans une vidéo intitulée « Les nanars du 63e festival ». « Assommant », « pitoyable », « interminable », serinaient, mine satisfaite, les journalistes maison, dans ce vieux style droitier qui consiste à se vanter de ne rien comprendre à un œuvre d’art pour la déconsidérer, puisque tout ce qui échappe au « bon sens » et au « sentiment », au pré-mâché, est forcément bête et ennuyeux… (Barthes a écrit quelques pages définitives sur le sujet dans Mythologies).

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Apichatpong Weerasethakul à Cannes après sa Palme d'or
(Jean-Paul Pelissier / Reuters)

Marie Sauvion, du Parisien, dans un article au titre moins mesuré que son contenu ("C’est quoi cette palme?"), estimait : « Tim Burton et son jury ont décerné dimanche la Palme d’or à un film bizarre, radical, formidablement inventif pour les uns, en gros, les cinéphiles aux goûts pointu, drôlement rasoir pour les autres en gros, le reste du monde. »

Sur Europe 1, Bruno Cras trouvait que Oncle Boonmee est un film « trop pointu qui se coupe du monde ». Pour La Croix, un film « abscons filmé avec une lenteur décourageante ». Sur France Inter, Eva Bettan cachait mal sa déception. Mais la plus grosse surprise venait de Pierre Murat de Télérama, qui trouvait cette Palme « totalement inconséquente », lui reprochant d’être "réservé à des « happy few » !"

"Ce cinéaste au nom islandais"

Curieusement, certains journalistes semblaient aussi s’inquiéter du sort commercial d’une palme qui ne les intéresse pas, lui prédisant un échec public cinglant, mais ajoutant aussitôt que ce genre de considération ne doit, bien sûr, pas entrer en ligne de compte dans un choix esthétique…

Plus surprenantes, toutes les blagues liées au nom de son réalisateur, considéré comme imprononçable, y compris sur les chaînes de télévision publiques, où chacun semblait s’être refilé la vanne de la semaine: « Apichatpong Weerasethakul, ce cinéaste au nom de volcan islandais »…

Curieuses réactions, vraiment, pour un film qui nous a plongés dans cet état d’émerveillement, de joie et de plaisir que nous procuraient les films de Disney ou La Belle et la bête de Cocteau quand nous les découvrions enfants. Alors pourquoi tant d’incompréhension ?

Certains critiques (disons plutôt « commentateurs » de cinéma, selon la belle expression forgée par le cinéaste Pierre Léon) continuent à juger le cinéma selon des critères insensés, feignant d’ignorer par exemple que l’ennui est un sentiment trop subjectif pour qu’on puisse juger une œuvre d’art à son aune.

Et puis il y aurait peut-être la peur de se couper d’un lectorat aux goûts fantasmés, et qu’on souhaite influencer avant qu’il ne pense par lui-même. Le jour de la saillie potache de ses collaborateurs énervés, sur le site du Figaro, on pouvait lire cette phrase de Charles Péguy : « Le triomphe des démagogies est passager, mais les ruines sont éternelles. »

Les inrocks

Deux vidéos. Des gens du figaro, puis des critiques des inrocks font le bilan de Cannes.

Le Figaro (Neuhof tuerait Dassault pour un bon mot...)

Les gens des inrocks.

Pour La Croix, la Palme d’or "ne trouvera pas de public". La croix enfonce le clou (oui, je me répète, mais j'aime bien...) de la mauvaise foi réac en contestant le Prix de la Mise en scène, attribuée à Amalric, qui n'est quand même pas "le meilleur metteur en scène des 19 films en lice" et se croit spirituelle en feignant de noter  la remise. du prix Un certain regard (compétition officielle parallèle), présidé par la réalisatrice Claire Denis, au Coréen Hong Sangsoo pour son film Ha Ha Ha, "dans l’incompréhension générale". Suit cette phrase qui me réjouit vraiment : "Des hommes et des dieux demeurera le phare de cette édition 2010. Il a d’ailleurs reçu le Prix du Jury œcuménique et celui de l’Éducation nationale". C'est dire si c'est un bon film...

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Cette propension au nihilisme d'une partie de l'intelligentsia française m'exaspère et m'effraie un peu. Ces gens proches du pouvoir, qui ont fait de longues études, se sont fait les militants d'un retour à une sorte de tradition française qui ne saurait s'embarrasser de complexité. Le cinéma, donc, doit pour leur plaire rester constamment simple d'aspect et accessible sans effort de réflexion, un peu comme les personnages féminins d'Histoire d'O, interdites de culottes afin d'être toujours prêtes à satisfaire un désir ou un caprice. C'est un cinéma d'alcôve qui leur conviendrait, un cinéma prostitué, avec du corps, du rythme, des berceuses pour caresser des esprits alanguis, mais pas de cerveau, pas
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de mystère, pas de problème, pas de degrés divers de lecture, aucune délicatesse de complexion. Un cinéma à la portée d'un président de la République qui se gausse des lecteurs de La Princesse de Clèves et pour qui les intellectuels ne sont pas des ennemis, mais des étrangers, ou des serviteurs à acheter (quelques cerveaux errent, comme des ames malades, dans les couloirs et les boudoirs de l'Elysée).
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J'aime le cinéma, j'aime l'aventure, le western, la comédie, la science fiction. J'ai vu deux fois le dernier Indiana Jones en salle. MAIS IL N'Y A PAS QUE CA, IL NE PEUT Y AVOIR QUE CA !
Le système économique du cinéma français (qui n'est pas le pire, d'ailleurs) laisse peu de place aux "petits films", qui se révèlent souvent des grands films à petit budget, peu de place aux films réputés "difficiles" (difficiles généralement parce qu'ils ne s'accomodent pas à la façon dont on nous a appris à regarder les films).
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Il est déshonorant pour qui a la chance de faire le beau métier de critique de cinéma de ne pas défendre les producteurs, les cinéastes et les acteurs qui prennent des risques pour faire des films qui ne ressemblent pas à des produits pré-formatés pour le prime time de TF1 ou France 2 et de se contenter de flatter l'académisme sensé plaire au "bon peuple" qu'on méprise, en passant et qu'on tente de niveler par le bas.
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Je dis aux Neuhof et autres Trissotins qui se moquent de ce qu'ils ne comprennent pas que l'ambition artistique, doit-elle passer par des arcanes dont l'accès est codé, n'est pas le signe d'une médiocrité. Qui peut prétendre tout comprendre à l'univers d'Ozu ou aux mondes peuplés d'ombres de Murnau ou Dreyer ? Faut-il jeter Ozu, Murnau et Dreyer, au nom d'un cinéma accessible à Mr Neuhof du Figaro ? Qui peut prétendre avoir percé tous les mystères de Lautréamont, de Borges ou de Tanizaki ? Doit-on bruler leurs livres ? Qui peut prétendre avoir tout saisi des images complexes de la Bible, du Coran, de la Torah ? Le critique de La croix est-il d'accord pour qu'on en finisse avec des religions peu lisibles ?
La complexité est une richesse. Certains cinéastes viennent, parfois, nous le rappeler. Sachons les écouter.

PAS DE FILM DE LA SEMAINE

La semaine dernière, pas de Séance du mercredi, soit que je n'avais pas le temps, soit que je n'étais pas inspiré. J'ai pu rater deux ou trois films comme Dans ses yeux ou Les secrets et surtout Policier Adjectif qui me semble, à lire la presse, très excitant, mais c'est ainsi.

Cette semaine, en dehors d'un nouveau documentaire de Michel Creton (voir l'image de la semaine), c'est un calme qui, j'espère, annonce la tempête à venir. Donc, pas de film de la semaine. Allez voir, revoir, re-revoir, lisez-en le texte avec illustrations (chez POL), allez prendre votre pied avec FILM SOCIALISME et c'est pas grave si vous ne comprenez rien. Vous êtes sûr(e)s de comprendre toujours la musique ?

Pour le film qui va cartonner chez les Dindes et leurs minoritaires amis dindonneaux, je vous renvoie à un "Décryptage style : Carrie Bradshaw en pleine traversée du désert" de nos amis Les inrocks et qui m'a fait sourire, alors que j'ai vraiment pas la tête à ça (à sourire). Exemple : "Porter des fausses lunettes à grosses montures passé 17 ans est passible de la peine de mort dans certains pays. Mais visiblement pas aux Emirats arabes unis, où Carrie pousse le vice avec cette monture actuelle agrémentée façon “face-à-main” – un objet culte du XIXe siècle qui a d’ailleurs fait entrer les lunettes dans la catégorie des accessoires de mode."

L'IMAGE DE LA SEMAINE

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L'absolue solitude. Celle qui nous prend quand la vie est un souvenir, ainsi que les gens qu'on a connus et aimés ou détestés, ou rien. Ces corps usés qui ne servent plus à rien ni à personne, on les rassemble dan,s des "maisons" et c'est une banalité de parler d'antichambres de la mort. Françoise Lebrun, actrice, est venue plusieurs semaines lire des extraits de La recherche du temps perdu dans une maison de retraite médicalisée, près de Fécamp. La construction d'une résidence de tourisme et de loisirs étant prévue, les pensionnaires vont bientôt être replacés ailleurs, en centre-ville. Maniquerville, film français de Pierre Creton, serait mon film de la semaine, s'il y en avait un. On doit à Pierre Creton, cinéaste rural aux antipodes d'un vulgaire Jean Becker au pétainisme sous-jacent, le scénario du très beau Temps des grâces (2009) de Dominique Marchais et la réalisation de Secteur 545 (2005). Il se dit "cinéaste paysan" comme d'autres sont prêtres ouvriers.

En outre, l'affiche est magnifique.

Françoise Lebrun fut La Maman, quand Bernadette Lafont était La Putain.

JACQUES TOURNEUR : UN MAIL DE BERTRAND TAVERNIER

Bertrand Tavernier était à Bergerac (ville où j'ai quelque attache) pour un hommage à Jacques Tourneur et, rendant visite au cimetière où repose le réalisateur de La Féline, Vaudou, La griffe du passé, il s'est rendu compte de l'état d'abandon de la sépulture.

Il a envoyé ce mail à un maximum de personnes (pas moi). En ayant eu connaissance, je le partage avec vous. Nostalgie.

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« Chers amis, voici une photo prise sur la tombe de Jacques Tourneur que j'ai visitée ce dimanche matin par un temps pluvassieux. Il tombait un crachin sinistre. La plaque funéraire est à droite, à demi effacée, pas entretenue. Je sais qu'il aimait l'ombre et qu'il en jouait de manière géniale mais pas à ce point. Et cela alors qu'on réédite les films, qu'on les étudie, les admire de plus en plus. Cette visite était mélancolique à l'image de beaucoup des fins de ses films, si éloignées du positivisme acharné, du coté affirmatif qui caractérise tant de grands films américains. Cette tombe, vue dans cette bruine quasi bretonne, vous prenait, vous poignait le coeur.
Tourneur était mort loin du cinéma. Après que Pierre Rissient et moi lui avions montré, prouvé en sortant Vaudou, en ressortant La Griffe du passé, La Féline, L'Homme léopard et d'autres que son oeuvre tenait le coup, était admirée et redécouverte. Nous lui avions montré les réactions enthousiastes de tant de critiques (un salut à Guy Tesseire au passage).
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Cette plaque, illisible, toute petite, reflète sa modestie. Ce pèlerinage terminait deux jours de projections de cinq de ses films et un hommage qui lui était rendu (enfin) par la ville de Bergerac. Une quarantaine de personnes sont restés pour voir les 4 films de dimanche (Vaudou, Berlin express,La Griffe du passé, La Flibustière des Antilles). Pour tous ce fut un choc, une révélation.. D'autres sont venus pour un ou deux films. J'ai rencontré sa nièce, ses petites nièces, ses cousins, son médecin, ses voisins. Tous m'ont parlé de sa gentillesse, de sa délicatesse, de sa modestie. De son humour aussi. Et de sa pudeur. Certains sont venus voir les films.Les membres de sa famille m'ont tous dit que c'est la première fois que quelqu'un leur parlait des films de Jacques.
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Lui même éludait les questions. Même celles d'un de ses voisins, plus curieux. Il bottait en touche et cette modestie était réelle même si je crois qu'il l'exagérait pour se défendre contre la tristesse de ne plus pouvoir tourner, pour ne pas sombrer dans le désespoir. C'était la modestie d'un artisan qui met en avant quand on le presse de question, la qualité, la finesse de son travail, le soin avec lequel il le fait. Jacques Tourneur s'était résigné. Il avait accepté d'être exclu du cinéma et pour tenir le coup transformait cela en suite de boutades, pour minimiser ce qui lui arrivait. Il dédramatisait comme dans ses films.
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Voilà à quoi je pensais sur cette tombe et je me disais qu'il fallait maintenant écrire au maire de Bergerac, faire savoir que si la commune ne pouvait rien faire, quelques personnes étaient prêtes à envoyer un peu d'argent pour que le nom de Tourneur existe vraiment sur cette tombe, pour qu'on lui rende hommage. Rien de solennel. Juste un peu de justice. »
Bertrand Tavernier

ON EST PAS DES CHARLOTS : LES CHAPLIN DU MOMENT

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Film Socialisme de Jean-Luc Godard
Les femmes de mes amis de Hong Songsoo
Nuits d'ivresse printanière de Lou Ye

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La reine des pommes de Valérie Donzelli
Mammuth de Gustave Kervern et Benoît Delépine

Cliquer les titres pour découvrir la programmation.

De ces cinq merveilleux films, trois sont vraiment en fin de cycle à Paris (1 salle et pas à toutes les séances), La reine des pommes n'est plus visible qu'à Auxerre et Roscoff. Le Godard est visible sur 42 écrans en France (dont 1 à Paris, donc) et Mammuth (je n'ai trouvé que les salles parisiennes, désolé) continue, tiré par la forte carrure (ou personnalité ?) de Depardieu,il reste présent dans 317 cinémas (France entière, bien sûr).

FOCUS

49ème SEMAINE DE LA CRITIQUE
Reprise à la Cinémathèque
du 3 au 6 juin 2010

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CLIQUER L'AFFICHE
pour consulter la programmation

La plus ancienne des sections parallèles du Festival de Cannes propose une reprise de sa compétition de sept courts et sept longs métrages, ainsi qu’une sélection des meilleures séances spéciales.
Le 3 juin à 20h, en ouverture de cette programmation, Belle Epine en présence de l'actrice principale, Lea Seydoux et de la réalisatrice, Rebecca Zlotowski.

Bonne semaine, bons films.


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