« The world is big » de Stephan Komandarex
Sortie cinéma le 09 juin
3 out of 5 stars
« Des amis sont partis à l’Ouest avec de grands espoirs mêlés de nostalgie et de confusion. Partir ou rester ? » s’interroge Stephan Komandarev le jeune réalisateur bulgare, qui aborde ici les thèmes de l’exil et de l’enracinement , à travers un prisme particulier, l’amnésie.
Alex, un jeune Bulgare élevé en Allemagne, en est atteint, suite à un accident de voiture. Son grand père organise alors son retour dans son pays natal au cours d’un périple initiatique à travers l’Europe. Sur un tandem, le duo s’engage à la recherche d’une mémoire perdue, celle d’Alex , mais aussi et peut-être avant tout celle d’un peuple , qui il y a peu tremblait encore devant les petits chefs du parti et les patrons inféodés à l’Union Soviétique.
Au fur et à mesure que progresse ce road-movie , adapté du roman éponyme de l’écrivain bulgare Ilija Trojanow , Alex retrouve dans ses rêves les images de son enfance qui peu à peu le ramène à son port d’attache.Là où autrefois vivait une famille unie , et heureuse malgré tout. C’est l’autre histoire du film, celle de cette tribu recentrée autour de la forte personnalité du grand-père, qui aujourd’hui n’est plus, aux yeux du régime communiste, que le roi du backgammon. Un jeu ancestral très présent dans les Balkans et dans le cœur du réalisateur qui en fait avec les nombreux flash-back, la pièce maîtresse de sa réalisation. Ses règles, sa philosophie, c’est un regard métaphorique sur le monde que va redécouvrir Alex, « avec le charme du parler des joueurs, leur humour, l’atmosphère singulière que l’on rencontre dans ces cafés où l’on joue. »
Une famille bulgare alors heureuse, malgré les contraintes sociales et politique du moment
Miki Manojlovic interprète ce grand-père et une fois encore l’acteur serbe, et cosmopolite est prodigieux dans ce rôle de composition atypique .On se souvient des ses précédentes prestations, aux extrêmes toujours raffinés, de« Largo Winch » ( dans ce blog ) , au personnage de Miki pour l’excellent « Irina Palm » ( également dans ce blog). C’est un maître à sa façon, un philosophe des temps modernes. « Certains peuvent tenter ce voyage en solitaire ou user d’une méthode très commune à l’Est – devenir l’apprenti d’un maître qui a déjà trouvé des réponses à toutes ces questions. »
Il confère à l’histoire sa réelle dimension et compense les faiblesses d’un film trop joueur avec la caméra et les sentiments. Le jeu de Carlo Ljubek ( Alex) repose sur cette sensiblerie affectée au détriment d’une interprétation plus profonde sur les questions de l’identité que pose le film. Elles ont le mérite de vivre au cœur d’un récit prenant et qui à plusieurs reprises m’a fait frissonner. De peur, de stupeur ou d’un bonheur conjugué à l’espoir d’un monde encore à inventer.