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Errare humanum est. Perfect is not in this world.

Publié le 04 juin 2010 par Vinz

En passant par ici (et très exceptionnellement), je n’ai pu m’empêcher de vous raconter ce que j’ai vu. Surtout qu’à partir de la semaine prochaine, le grand déchaînement des passions risque de faire perdre beaucoup d’objectivité et de raison quand on parle du sujet de ce texte : l’arbitrage.

Dans le baseball majeur, la grande polémique tourne autour de l’événement qui s’est produit le mercredi 2 juin au Comerica Park de Detroit. Ce soir-là, les Tigers de Detroit accueillent les Indiens de Cleveland. Le score en lui-même n’a pas beaucoup d’intérêt (3-0 Tigers) car le problème n’est pas là.

Non, le problème est venu à la toute fin du match. Neuvième manche, Cleveland en attaque, 2 retraits. Armando Galarraga, le lanceur des Tigers, est en train de réussir un exploit : accomplir le match parfait. Il a retiré les 26 premiers frappeurs des Indians et Jason Donald se présente. Au compte d’une balle et une prise, Donald s’élance, frappe vers le joueur de premier but. Miguel Cabrera capte la balle et remet à Galarraga qui fonce vers le premier but et touche la base alors que Donald arrive une fraction de seconde trop tard… mais l’arbitre Jim Joyce, sans doute masqué, déclare Donald sauf et du coup met fin au rêve du match parfait !

L'action du match. Celle qui ruine l'espoir d'un match parfait.

L'action du match. Celle qui ruine l'espoir d'un match parfait. Joyce semble très bien placé pour juger l'action mais a-t-il été masqué par la jambe de Galarraga ? (Photo AP)

La polémique s’installe. Jim Leyland, le manager des Tigers proteste pendant que Galarraga n’intervient pas, il reste calme et accepte la décision. Finalement, le troisième retrait est obtenu.

C’est alors que l’affaire a éclaté. Certes, ce n’est pas la dernière action du septième match de la Série Mondiale, qui fait basculer la rencontre. Non, c’est un anonyme match de saison régulière entre un prétendant aux séries et une équipe complètement dépassée. Mais l’enjeu est la performance de Galarraga. UN MATCH PARFAIT. Imaginez-vous, cela n’a été réussi que 20 fois dans l’histoire moderne du baseball. Et, chose incroyable, deux autres matches parfaits ont été réalisés cette saison : Dallas Braden le 9 mai et Roy Halladay le 29 mai, soit samedi dernier. Oui, une première fois depuis 1880 : deux matches parfaits dans une seule saison et c’était avant la création de la MLB.

Le monde du baseball est en effervescence après ce double exploit (qui n’a pas été réussi entre 2004 et 2009 jusqu’à ce que Mark Buehrle le réalise l’été dernier). Les Américains adorent les statistiques et le baseball en fourmille. Réussir un match parfait change la vision de la carrière d’un joueur. Il y a eu de grands lanceurs qui l’ont accompli (Addie Joss, Cy Young, Sandy Koufax, Pedro Martinez, Randy Johnson, Roy Halladay), beaucoup ne l’ont pas fait alors que des lanceurs moins dominants ont réussi l’exploit (Don Larsen, le seul à le faire en Série Mondiale, Dallas Braden). Oui, gâcher par une erreur d’arbitrage cet exploit hors de l’ordinaire. Surtout que cela aurait été une première dans l’histoire des Tigers.

L’action commentée par Jim Joyce.

Mais Joyce, passablement ébranlé, a reconnu son erreur après le match en voyant les images. C’est sûr que dans d’autres milieux (football, basket-ball en particulier) de tels comportements sont assez rares mais si les contestations sont légion dans le baseball (comme les erreurs sur des actions similaires à celle incriminée), l’attitude globale des joueurs reste assez correcte par rapport au corps arbitral. On ne va (ne peut non plus) pas chercher à duper l’arbitre, on le laisse juger. Question d’éducation. Les critiques arbitrales existent mais elles sont sanctionnées par des amendes aux Etats-Unis et les dirigeants sont assez rares à se mêler de ce genre de question (à part M. Cuban), alors qu’en Europe des ignares comme Aulas ou Dassier se permettent des critiques déplacées.

Mais revenons au fait. L’histoire a enflé, comme toute affaire concernant le sport national qu’est le baseball. Joyce, arbitre compétent et pas connu pour son mauvais comportement (2 Séries Mondiales arbitrées quand même), a reconnu son erreur et Galarraga ne lui en a pas voulu. Jim Leyland a été mesuré dans ses déclarations. Mais l’histoire s’est poursuivie jeudi 3 juin : Cleveland et Detroit se retrouvaient pour le dernier match d’une série de trois (Detroit a facilement gagné 12-6) et Jim Joyce s’est retrouvé arbitre de marbre alors que la MLB lui avait proposé de prendre une journée de congé.

Avant le match, les managers des deux équipes remettent à cet arbitre (il y en a quatre au baseball majeur) la composition des équipes. Quand Joyce se présente avec ses collègues, on le voit assez ému, pas vraiment remis de sa bourde. Et quand Galarraga se présente pour remettre la composition d’équipe des Tigers, c’est autant pour qu’on l’acclame que pour marquer que celui-ci n’en veut pas à Joyce. On a vu celui-ci pleurer (Joyce a 55 ans au passage et 22 ans d’expérience). Galarraga a donné une tape amicale dans le dos de Joyce qui lui a rendu la pareille.

Que retenir de ce fait ?

Que l’enjeu et l’importance d’une performance ne doivent pas prendre le dessus sur une certaine éducation. Galarraga pourrait mériter le prix de la sportivité car il n’a jamais perdu son calme.

Que l’arbitre peut et doit reconnaître ses erreurs mais à partir du moment où son autorité n’est pas sapée par des dirigeants sans compétence, des joueurs excités et sans grande éducation. Et malgré l’enjeu…

Qu’il faille généraliser la vidéo dans le baseball ? Elle est employée exclusivement pour savoir si un Home Run est frappé ou non. Mais si on le fait pour les jeux de ce genre, pourquoi pas non plus pour les prises. Dans ce cas, les parties de baseball risquent de durer 1 ou 2 heures de plus (déjà que cela dure en moyenne 2 h 40). Sans doute faudra-t-il élargir le champ d’utilisation de la vidéo mais aussi en limiter la fréquence comme au football américain.

Faut-il valider le match parfait de Galarraga ? Bonne question. Bud Selig, le sémillant et toujours aussi controversé Commissaire des Ligues Majeures, a décidé qu’on ne remettrait pas en question le match, donc pas de match parfait. Déjà qu’il refuse de réintégrer Joe « Shoeless » Jackson… Et faut-il le faire ? Si oui, cela risque de créer un précédent. Mais il y a eu un précédent encore plus dramatique. Lors de la Série Mondiale de 1985 entre les Cardinals de Saint-Louis et les Royals de Kansas City, l’arbitre déclara sauf le coureur des Royals (Jorge Orta) en neuvième manche alors que Saint-Louis menait 1-0 dans le sixième match. Or c’est ce coureur qui marqua le point égalisateur un peu plus tard, forçant une prolongation que les Royals remportèrent. Kansas City égalisa à 3 victoires partout et remporta le match 7.

Accorder le match parfait pourrait saluer l’exploit de Galarraga autant que libérer la conscience de Joyce. Surtout que cela n’engage pas grand-chose. Et puis 3 matches parfaits dans une saison, et même dans un mois, cela ne s’est jamais vu.

En tout cas, c’est une nouvelle leçon à méditer. De sportivité de part et d’autre même si beaucoup de forumistes se déchaînent contre Joyce. Personnellement, l’âge aidant et la passion étant mesurée, je me garde de plus en plus de me déchaîner sur l’arbitrage, tant la pression est difficile à gérer.

Il faut aussi accepter que l’homme est humain et la vidéo ne remplacera pas un jugement humain puisque c’est l’homme qui jugera (voir les limites au rugby et au foot US). Alors qu’on ne reprochera pas au joueur d’avoir raté le but immanquable, le panier immanquable, la réception archi-facile. Le baseball n’échappe pas à la règle, aucun sport n’y échappe.

Comme tout n’est pas rose non plus et pour nuancer tout le propos précédent, je vous narre cette anecdote qui s’est déroulée la semaine dernière lors d’un match entre les White Sox de Chicago et les Indians de Cleveland (encore !!!). Mark Buehrle commet deux feintes irrégulières en début de match. Après la première, son manager Ozzie Guillen des Sox, sort et va vertement converser avec l’arbitre Joe West pour lui dire sa façon de penser. Les échanges sont peu amènes et West décide d’expulser Guillen. Et après la deuxième feinte irrégulière, Buehrle jette son gant par terre et se fait expulser à son tour par West qui officie au premier but.

Ce genre d’incidents entre un manager et un arbitre est fréquent et l’expulsion aussi (il y en a toujours un qui se fait sortir dans la semaine… sur 85 matches !). Mais la MLB a décidé de sanctionner tout ce beau monde : Buehrle et Guillen pour leur attitude mais aussi Joe West dont la réputation de médiocrité est assez connue dans le baseball majeur. Guillen a reproché aussi l’égocentrisme de West qui cherche plus à faire parler de lui qu’à arbitrer.


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