Aujourd’hui dans l’anthologie permanente de Poezibao deux poètes libanais, dans le
but aussi de rendre hommage au beau travail de passeur et de traducteur d’Antoine
Jockey.
Wadih Saadeh
SOUVENIR D’AIR
Il ne sait pas comment
En l’absence d’air
Il respire,
Peut-être s’agit-il d’un souvenir d’air
Qui traverse maintenant ses poumons.
Le souvenir aussi passe dans les poumons
Et le souffle parfois n’est pas air
Mais souvenir
Ceux qui entrent et qui sortent avec sa respiration ne sont pas ses parents ni
Des résidents mais des visiteurs passagers
Et lui n’habite pas dans sa respiration mais
Dans leur passage.
Il ne sait pas d’où vient son souffle ni où il habite
L’air le traverse
Et lui
Traverse ceux qui l’habitent
°°°
LA LANGUE
Ni l’appelant n’appelle, ni l’appelé n’écoute c’est le vent
Qui converse avec son propre passage.
Il balance des mots dans le vent
Non pas pour dire quelque chose mais
Pour que les mots se désarticulent
Et disparaissent.
La langue est dans ses infimes parcelles
La parole est
L’effacement de la voix.
Dans l’anéantissement des lettres
Dans le vent
La langue.
Wadih Saadeh, Le Texte de l’absence et
autres poèmes, préface de Salah Stétié, anthologie poétique établie et
traduite de l’arabe (Liban) par Antoine Jockey. Coll. Sindbad, Actes Sud, 2010,
pp. 159 et 161 - (16 €)
Né en 1948 à Chatîn, dans le Nord du Liban, Wadih Saadeh a travaillé comme journaliste à Beyrouth, Londres,
Nicosie et Paris avant de s’installer à Sydney, en Australie. Il a déjà publié
dix recueils de poèmes qui l’ont placé par les poètes arabes contemporaines les
plus originaux.
Présentation
de ce livre dans Poezibao
•••
Abdo Wazen
LA PIERRE DE L’ENNUI
à Akl Awit
Dis ce que tu attends, là, assis sur la pierre de l’ennui, scrutant un horizon
sans nuages !
Dis ce que la nuit t’a offert lorsqu’elle t’a visité, ce que le soleil a laissé
dans tes mains ouvertes !
Dis ce qui t’a assailli lorsque la lumière t’a inondé et que tes yeux ont
vieilli dans le feu de la révélation !
Dis ce que tu as vu lorsque les steppes se sont dépeuplées devant tes yeux, lorsque
tu es tombé sous le charme d’une fin de journée langoureuse !
Dis qui tu es, toi qui reposes sur la pierre de l’ennui !
Ton visage ne reflète pas tes jours passés et tes yeux ne livrent pas tes
secrets
La tempête qui t’a jeté là ne t’aurait-elle pas suffi ?
Le feu qui a brûlé tes doigts ne t’a-t-il pas apporté la souffrance des dieux ?
Dis, toi qui es assis ici, sur la pierre de l’ennui, le cœur fleurira-t-il un
jour ?
La rose de la douleur poussera-t-elle ?
Une larme tombera-t-elle de l’œil du ciel désert ?
Abdo Wazen, La lampe de la discorde, traduit de l’arabe (Liban) par Antoine
Jockey et préfacé par Jean-Michel Maulpoix, coll. Le Fleuve et l’écho, Éditions
de la Différence, 2010, p. 131. (20 €)
Abdo Wazen est né à Beyrouth en
1957. Auteur de six recueils poétiques en langue arabe, d’un récit érotique, Le
Jardin des sens (1993), censuré à sa sortie au Liban pour ″luxure et
libertinage″ - et de plusieurs essais consacrés à des mystiques comme Hallâj,
Saint Jean de la Croix et Thérèse d’Avila, il est aussi traducteur en arabe de
nombreux poètes français, dont Baudelaire, René Char, Pierre Jean Jouve,
Prévert... Il est rédacteur en chef des pages culturelles du quotidien panarabe
Al-Hayat.
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