Magazine Culture

Poezibao a reçu (livres) n° 130, dimanche 6 juin 2010

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l'actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Poezibao. Il ne s'agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.
°Michèle Grangaud, Les Temps traversés, P.O.L.
°Emmanuel Hocquard, Ruines à rebours, Éditions de l'Attente
°Charles Dobzynski, J'ai failli la perdre, La Différence
°William Shakespeare, Sonnets, P.O.L.
°Patrick Quillier, Orifices du murmure, La Différence
°John C. Stout, L'Énigme-poésie, Entretiens avec 21 poètes françaises, Rodopi
°Antoine Dufeu et Marius Guérin, Amour singulier et Élans, Dernier télégramme
°Abdo Wazen, La Lampe de la discorde, La Différence
°Justine Landau, Sommaire, Les Cahiers de la Seine
°Anne Belin, À distance des corps, La Dragonne
°Diane Meunier, Haïe coups, Pâte à prose brisée, Abattre les Cathédrales & Poésie aggravée, Écrits de la Chouette
°Aurélie Ougier, Les Caprices de la Bulle, Éditions Praelego
Et aussi
°William Shakespeare, Tragédie du roi Richard II, P.O.L.
Devant l'affluence des revues cette semaine, Poezibao les traite en un article " Poezibao a reçu " distinct.
Notices détaillées de chacun de ces ouvrages en cliquant sur " lire la suite de... "

*Michelle Grangaud
Les Temps traversés
P.O.L.
21 € - sur le site de l'éditeur, présentation et premières pages
Le magnifique dictionnaire historique d'Alain Rey, paru en 1998, est la base sur laquelle l'ensemble du travail présenté dans Les Temps traversés, a pu être réalisé. Il se trouve que ce que les oulipiens nomment les bimots (substantif + adjectif) sont très présents, dans ce dictionnaire, datés, et en quantité suffisante pour qu'il soit possible d'en tirer des poèmes en forme de " Morale élémentaire ", forme inventée par Raymond Queneau dans les dernières années de sa vie, et forme spécifiquement visuelle. Forme conçue pour la lecture silencieuse (les yeux seuls, avec le secours éventuel de l'oreille interne), lecture plus recueillie que l'autre. Les morales élémentaires ici présentées sont millésimées, comme les vins, c'est-à-dire que, pour chacune tous les mots qui y sont utilisés (à l'exception des mots outils, articles, prépositions, conjonctions, verbes auxiliaires, etc.) proviennent d'une même et unique année ; parfois, mais exceptionnellement, quelques années (une dizaine au maximum, le plus souvent deux ou trois) sont réunies pour former un seul poème.
La langue y apparaît pour ce qu'elle est en permanence, un cru délicieux. Cette œuvre séculaire qu'est la langue française, presque entièrement anonyme, et d'ailleurs collective, possède indiscutablement, comme toutes les autres langues du reste, un charme surpuissant.
*Emmanuel Hocquard
Ruines à rebours
Éditions de l'Attente
11 €
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Tanger retrouve son statut international, perdu sous l'occupation par l'Espagne franquiste et connaît, dans la décennie qui suit, une prospérité et un art de vivre sans précédent. Durant cette courte période, son cosmopolitisme très particulier - un des charmes de la cité - atteint son apogée. Après son rattachement au Maroc en 1956, la ville se recroqueville lentement sur elle-même jusqu'à la première guerre du Golfe. Les capitaux en fuite se remettent à affluer et grâce aux spéculateurs et promoteurs, la ville et ses alentours commencent alors à se hérisser de constructions démesurées, vides et clinquantes, qui ruinent peu à peu ce site exceptionnel. Chaque jour qui passe, les traces du Tanger international s'effacent irrémédiablement et ″cette ville qui était entourée de cimetières depuis toujours [...] est devenue elle-même un cimetière″. " (Angel Vasquez, dos du livre)
*Charles Dobzynski
J'ai failli la perdre
Coll. Clepsydre, Éditions de la Différence, 2010
14 €
La conscience d'aimer
avance à petit pas
avec les aiguilles du temps
qui tombent
quand l'automne les brise

*William Shakespeare
Nouvelle traduction par Frédéric Boyer
P.O.L., 2010
13 €
Il est probable que certains de ces sonnets commençaient à circuler dès l'époque de La Tragédie du roi Richard II (1595). Quatre cents ans plus tard, on réécoute avec stupeur la franchise de ce quiproquo amoureux qui nous fait régulièrement aimer celle ou celui qu'il ne faudrait pas. Qui célèbre la trop grande beauté de l'ami, la noirceur d'une maîtresse aux amours pluriels, le trouble parfois morbide de la passion, l'irritation du désir, les paradoxes narcissiques de la gloire, de l'amour, la vanité de l'existence...
Le sonnet shakespearien est une petite machine poétique proche du chant bref qui tient en équilibre sur des paradoxes, des renversements, des antiphrases et autres oxymores. La voix poétique de ces sonnets est celle d'une existence contrariée, de sentiments doubles, de passions inversées. La voix légère et grave de l'existence.
La forme sonnet a atteint ici son efficacité presque magique. Interpellations, malédictions, serments, regrets, éloges, prières et supplications...
Pourquoi retraduire, une fois de plus, les sonnets de Shakespeare, ou Tragédie du roi Richard II ? Pour Frédéric Boyer, traduire n'est pas une simple opération linguistique. C'est d'abord une forme d'engagement, une confrontation sur un sol nouveau avec une patrie qui ne sera jamais tout à fait la nôtre. Mais en nous déportant dans l'autre langue d'une œuvre nous apprenons alors que nous n'étions d'aucun sol particulier, d'aucune patrie. Traduire, et retraduire, est une nécessité pour nous sauver, collectivement et individuellement, de l'oubli dans lequel nous sommes. Nous sommes oubliés des œuvres et de leurs langues. Les retraduire c'est réveiller leur mémoire de langage. Leur dire nous sommes là nous aussi, et faire en sorte que nous puissions nous entendre. Leur faire dire: faites-vous entendre en nous, réveillez-nous, je vous prends dans mes mots, dans ma langue imparfaite et inachevée.
*Patrick Quillier
Orifices du murmure
coll. Clepsydre, Éditions de la Différence, 2010
15 €
Le premier vers du recueil Office du murmure évoquait " toute une tentation de ténèbres ", non pour revendiquer une posture hermétique, mais par référence aux leçons de ténèbres de la musique baroque, dans lesquelles l'inévitable travail du deuil se fait œuvre de vie. Le " murmure " est donc le modèle, non seulement de la musique mais aussi du poème, répétition tremblée de la force fragile du vivre, inlassable ostinato de liberté et de révolte. Voix ténue qu'on n'entend guère, si ce n'est grâce à une fine écoute, à l'instar de la fin'amor des troubadours.
Dans Orifices du murmure, cette polyphonie éclot dans le cadre d'une forme déjà présente secrètement à la fin du premier recueil, le sonnet, qu'elle soumet ici à toutes sortes de distorsions. La situation triangulaire présentée par les Sonnets de Shakespeare (deux hommes, une femme) est transposée dans les temps actuels, ce qui construit en filigrane toute une histoire amoureuse à trois protagonistes. " La force fragile du livre " cherche à y faire retentir l'éloge de la bisexualité, à travers les rythmes qu'un langage comme fécondé par la vie ne cesse de produire en autant de variations des désirs et des plaisirs. (Prière d'insérer)
*John C. Stout
L'Enigme-Poésie
Entretiens avec 21 poètes françaises
Chiasma 27, Rodopi, 2010
voir l'article de Françoise Hàn dans Poezibao
L'Énigme-poésie présente une série d'entretiens avec vingt-et-une poètes françaises contemporaines. Une grande diversité de voix et d'approches face à l'objet poème se fait entendre dans ces discussions exceptionnelles. A travers un dialogue en profondeur, chaque poète cherche à définir et à explorer sa conception et sa pratique de la poésie. Les écrivaines reconnaissent toutes l'influence des ancêtres poétiques, surtout celle des poètes de la modernité française et européenne. Ces entretiens fournissent une excellente introduction à la poésie française contemporaine, ce volume s'adressant à la fois aux universitaires et à un plus large public qui essaie de s'orienter face à la production poétique actuelle. Les échanges servent aussi de guide permettant aux lecteurs et aux lectrices de découvrir des œuvres et des pratiques individuelles richement impressionnantes qui méritent d'être infiniment mieux connues. La question du féminisme revient, certes, souvent dans ces entretiens mais la plupart des poètes interviewées expriment une certaine ambivalence à l'égard d'étiquettes parfois trop contraignantes.
Les 21 poètes interviewées, par ordre chronologique des entretiens : Marie-Claire Bancquart, Andrée Chedid, Annie Salager, Françoise Hàn, Esther Tellermann, Anne Teyssiéras, MarieÉtienne, Jeanine Baude, Jeanne Hyvrard, Claire Malroux, Gabrielle Althen, Anne Portugal, Vénus Khoury-Ghata, Michelle Grangaud, Janine Mitaud, Jacqueline Risset, Liliane Giraudon, Florence Pazzottu, Sandra Moussempès, Hélène Sanguinetti, Fabienne Courtade.
*Antoine Dufeu
Amour singulier
Fabrikasharia, Chants de construction, Saison 11
&
*Marius Guérin
Quelques singuliers élans amoureux
Dernier Télégramme, 2010
14 €
Livre tête-bêche à deux auteurs, Antoine Dufeu et Marius Guérin.
*Abdo Wazen
La Lampe de la discorde
Traduit de l'arabe (Liban) par Antoine Jockey et préfacé par Jean-Michel Maulpoix
coll. Le Fleuve et l'écho, Éditions de la Différence, 2010
20 €
Voir un extrait de ce livre et une note sur le poète dans Poezibao.
*Justine Landau
Les Cahiers de la Seine, Éditions Henri Lefebvre, 2010
10 €
" Racines dans leur manière si spontanée de se ressembler, là, dans l'entrelacs des souches et des corps les uns sur les autres, d'accroître les spores de la putréfaction ? Qu'ils confondent le, ils se mettent à, nom des corps étrangers et leur structure d'alvéole. Voir l'humus, serein, sur leur génération animale. L'une serait avec leur fort, il. "
(34)
*Anne Belin
A distance du corps
La Dragonne, 2010
15 €
Quatre ensembles constituent ce livre comme le récit de quatre expériences : un éclair de lucidité au cours d'une promenade, une confrontation avec les tâches ménagères, un épisode de désarroi touristique, et une conversation avec l'enfant. Le récit se fait un chemin dans les bribes et les brisures du sens.
Ce livre conforte la singularité de la poésie d'Anne Belin, tout à tour fluide et heurtée, qui explore les failles du langage et de la conscience et où l'expérience formelle a toujours partie liée avec le vécu.
Anne Belin est née en 1961. Elle a publié TV (série, au Dé Bleu. Elle est également l'auteur d'illustration et de livres d'artiste.
*Diane Meunier
Haïe coups, Pâte à prose brisée, Abattre les Cathédrales & Poésie aggravée (4 opuscules différents)
Écrits de la Chouette
Utiliser les miettes, les rogatons, les fantômes, les atomes cristallisés
de ces temps mythomanes
pour en parfumer l'œuvre et la humer
Ainsi se cristallise le sens du monde
par des images, des odeurs, des sons originaux
Ainsi se pétrifie le faux réel
se justifie le non-sens du monde
par l'absurde
l'impossible
l'inconcevable
l'inexplicable
l'irrecevable
mensonge

Diane Meunier est poète, éditrice artisanale ("l'écrit de la chouette"), comédienne, auteure-compositeur-interprète de 5 CD (Universal Jeunesse, co-fondatrice de la Cie R.A.O.U.L. & R.I.T.A. avec Thierry Lefever, et elle peint et dessine
A propos de ces 4 livres, voir son site
*Aurélie Ougier
Les Caprices de la bulle
Éditions Praelego, 2010 (4, rue Scipion, 75005 Paris)
12 €
Des histoires courtes pour les pressés de pendule, d'autres lunaires, d'autres éphémères. Des poésies à emporter. Un marque-page qui fait des plis, un tourniquet, des pâtisseries en chocolat et même un traversin : voici un échantillon des personnages du livre d'Aurélie Ougier qui se définit elle-même comme " la Tricoteuse de mots ".
et aussi
*William Shakespeare
Tragédie du roi Richard II
Nouvelle traduction de Frédéric Boyer
P.O.L., 2010
15 € - sur le site de l'éditeur présentation et premières pages
Frédéric Boyer a voulu écrire cette tragédie comme un long poème en prose, sportif, souple et acéré. Bannir le romantisme de la traduction. Il a voulu s'attacher à l'étrangeté poétique de ce monde perdu, peuplé de morts, et dans lequel les survivants tentent d'échapper à leur destin. Un roi non-roi, persécuté pas sa propre souveraineté, des rivaux aussi féroces qu'aimants, un félon incapable d'assumer le régicide, une jeune reine résistante et dont la parole fait basculer le drame dans le non sense, pas si loin de Lewis Caroll.
Comme en 2008, avec une traduction qui redonnait vie aux Confessions de Saint Augustin ( Les Aveux, P.O.L), Frédéric Boyer propose une nouvelle lecture de Shakespeare. Tragédie du Roi Richard II sera accompagné de trois textes. De Frédéric Boyer : sur la pièce proprement dite, sur ce qu'elle dit et nous dit aujourd'hui du pouvoir, notamment, et sur la traduction, ses enjeux, ses défis. De Samuel Daniel, poète contemporain de Shakespeare, traduits et adaptés par Frédéric Boyer, trois extraits des Civil Wars.


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