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L’inquiétante réforme du système de retraites : quel âge pour quelle retraite ?

Publié le 06 juin 2010 par Delits

Cotisations, annuités, solidarité, allongement de la durée de vie, réforme, acquis social, pénibilité du travail, système par répartition, âge légal … Voilà autant de termes auxquels on ne peut échapper ces derniers temps. A l’heure où le Gouvernement progresse dans sa réflexion sur la réforme des retraites qu’il souhaite mener «  dans un esprit de justice et de dialogue », chaque jour qui passe est l’occasion d’une nouvelle annonce, d’une nouvelle réaction / querelle, d’une nouvelle expertise et de sondages toujours plus nombreux qui prennent le pouls de l’opinion sur cette question vaste et complexe.

Une forte préoccupation quant au financement des retraites

Dans le contexte économique et social particulièrement difficile de ces derniers mois (voire même de ces dernières années) et les prévisions peu réjouissantes annoncées pour les prochains mois, avec un taux de chômage historique et un endettement record pour le pays, la question de l’avenir du système des retraites par répartition et de son financement se présente comme un élément de plus dans la longue liste des mesures et autres réformes qui pèsent sur le moral des Français. En avril 2010 dans le baromètre des préoccupations des Français réalisé par TNS Sofres, le financement des retraites constitue la deuxième source d’inquiétude (avec 54% de citations – 73% chez les 50-64 ans, soit la tranche d’âge la plus proche du passage à la retraite) juste derrière le chômage et l’emploi qui demeurent la première source d’inquiétude des Français (75% de citations) et ce quel que soit le profil sociodémographique des interviewés, devançant la santé et la qualité des soins (52%) et l’évolution du pouvoir d’achat (50%).

Une prise de conscience des limites du système…

Lorsqu’il s’agit de se projeter dans l’avenir, plus des deux tiers des Français se déclarent inquiets du montant de la retraite qu’ils percevront (78%) et 70% ont peur pour leur futur niveau de vie. Aussi, plus qu’un problème de société dans le lequel le système des retraites fondé sur la solidarité entre les générations est mis à mal, du fait notamment de la combinaison de différents facteurs, ce sont avant tout les conséquences directes et personnelles qui suscitent de l’inquiétude chez les Français. Dans le baromètre LH2 du suivi de l’opinion sur les retraites réalisé pour le compte de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (la CNAV), près des deux tiers des Français expriment leur manque de confiance quant à la possibilité de toucher plus tard une retraite satisfaisante par rapport à leurs revenus actuels (64%, dont 33% n’ont même « pas du tout confiance »), une proportion qui est passée à 76% en janvier 2010 (soit une progression de 12 points), dans un sondage Ifop (81% chez les 25-34 ans et à 86% chez les 35-49 ans, autrement dit les actifs encore loin de la retraite).

Face à ce climat anxiogène, on comprend aisément la position de l’opinion qui perçoit très majoritairement la dimension urgente et nécessaire du débat lancé sur la question des retraites par le gouvernement. Ainsi, en avril 2010, 78% des français interrogés par l’Ifop[6] désapprouvaient l’idée selon laquelle « le débat exagère le problème des retraites qui n’est pas si important » et, parallèlement, près des trois quarts déclaraient qu’il s’agit bien d’un problème grave qu’il faut régler d’urgence (73%).

… et de la nécessité de le réformer

Outre cette notion d’urgence majoritairement partagée et des inquiétudes quant aux futurs montants des retraites versées, c’est une certaine défiance à l’égard du système actuel par répartition qui émerge. Il est ainsi jugé fébrile (54% des Français considérant qu’il n’est ni solide, ni fiable) et inéquitable (58%). La mise en lumière dans le débat des différences entre le privé et le public et ou des conditions de départ en retraites des régimes spéciaux qui ne concernent qu’une minorité, entre autre, explique probablement en partie ce sentiment. Aussi, alors que près du quart des Français (23%) considère qu’il faut conserver en l’état le système actuel, proportion qui atteint 41% chez les 55 ans et plus, une très large majorité des actifs a conscience qu’il faut le réformer pour le préserver (64% ; 73% chez les CSP+ et 69% pour les salariés du privé). L’attachement au système adopté par la France est encore très prononcé au sein de l’opinion.

Parmi les différentes pistes de réforme évoquées et testées dans les sondages, rares sont celles qui recueillent l’adhésion des Français, à l’image de l’allongement des cotisations, 47% d’accord (54% en 2008, -7 points en 1 an) selon l’institut LH2, 41% selon l’Ifop, ou encore de l’hypothèse de partir plus tôt en retraite quitte à bénéficier d’une retraite plus petite (18% à 23% d’accord).

L’épineuse question de l’âge légal du départ à la retraite

Mais la question qui fait actuellement le plus débat est celle du très impopulaire recul de l’âge légal du départ à la retraite (34% à 42% d’adhésion). Pour autant, et en dépit des mouvements sociaux des dernières semaines, les Français semblent lucides et résignés face à la réalité. Pour 41% des personnes interrogées par l’institut BVA, « puisque l’espérance de vie s’allonge, il est logique que l’âge légal de départ à la retraite soit repoussé au-delà de 60 ans ». Pourtant, à la question « Si le choix ne dépendait que de vous, à quel âge partiriez-vous à la retraite ? » 48% des interviewés se positionnent entre 56 et 60 ans et seulement 11% après 60 ans, soit un âge moyen idéal de 57 ans. S’agissant de l’âge contraint en revanche, c’est-à-dire de l’âge jusqu’ auquel ils devront travailler, 64% pensent que ce sera après 60 ans (46% entre 61 et 65 ans et 18% à partir de 66 ans et plus), soit un départ autour de 64 ans ou 65 ans (selon les sources). Face à ce différentiel de 7 à 8 ans entre volonté personnelle et réalité, les Français sont prêts à couper la poire en deux en fixant à 62 ans en moyenne l’âge acceptable de départ à la retraite, c’est-à-dire l’âge jusqu’auquel les Français se déclarent prêts à travailler pour s’assurer d’une bonne retraite (40% des interviewés le fixe entre 56 et 60 ans, 38% entre 61 et 65 ans et 7% tout de même après 66 ans).

Inutile de dire que le débat est loin d’être achevé et que la question encore vaste à traiter, mais comme à chaque fois que le Gouvernement s’attaque à cette question des retraites, la contestation sera forte au sein de l’opinion qui protège ses acquis sociaux. En outre, ce projet de réforme s’inscrit cette fois-ci dans un contexte social et économique qui a rarement été aussi tendu et dans lequel l’emploi des seniors est déjà problématique dans le pays. Les chefs d’entreprises, en dépit de la volonté du Gouvernement de subventionner l’emploi des seniors, considèrent pour une majorité d’entre eux  que maintenir  les salariés dans leur emploi au-delà de 60 ans est difficile (57% dont 26% déclarent même que c’est quelque chose de très difficile), proportion qui passe à 72% dans le secteur de la construction (avec en fond de toile la question de la pénibilité du travail dans certains secteurs d’activités) et à 64% dans le commerce. Il ne reste plus que quelques mois au Gouvernement pour trouver des solutions et défaire une situation qui parait inextricable, attendons de voir …


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