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Shim Chong, fille vendue – Hwang Sok-yong

Par Livraire @livraire

Zulma
Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet
Titre original : Shim Chong, Yongkoteu kil
ISBN : 978-2-84304-499-1

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Quatrième de couverture :
Nous sommes à la fin du XIXe siècle.
En ces temps de disette et de corruption, la traite des enfants est un commerce qui alimente un immense trafic mafieux dans toute l’Asie du sud-est. Shim Chong n’échappe pas à la règle : vendue adolescente, elle va connaître tous les aléas d’un négoce sexuel florissant, des rives du fleuve Jaune aux ports de Shanghai, Taiwan ou Singapour, de la prostitution la plus sordide à la haute courtisanerie des geishas.
Le parcours initiatique de la jeune Shim Chong
s’inscrit de façon magistrale dans une impressionnante saga de la prostitution et des métiers de la séduction à une période charnière où l’Asie, sur fond de guerre de l’opium et de trafic d’armes, s’ouvre aux impérialismes occidentaux. En romancier au souffle épique, fort d’un engagement qui l’apparente aux Zola, Dos Passos ou Soljenitsyne, avec sa vision aiguë du mouvement de l’Histoire, Hwang Sok-yong nous livre une somptueuse fresque romanesque.

Mon avis :
Avant d’être une héroïne de roman, Shim Chong est un personnage de légende coréenne extrêmement populaire.  Hwang Sok-yong a repris la trame de cette histoire en y incorporant des éléments historiques  comme commerce de femmes et le développement de la prostitution en Asie du Sud-Est, l’ouverture du Japon à l’Occident ou encore les guerres de l’Opium.

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Itinéraire de Shim Chong (pris sur le site de Zulma)

Vendue comme concubine à vieux marchand chinois, Shim Chong, rebaptisée Lenhwa (Lotus) va très vite comprendre comment tirer son épingle du jeu et maîtriser l’art délicat de la séduction dans le but d’assurer sa situation. Belle, mais surtout intelligente et sachant conserver  son sang-froid même dans des moments particulièrement sordides, Lenhwa est une maîtresse femme qui au lieu de se lamenter sur son sort a décidé de prendre son destin en main et d’en tirer le meilleur parti possible.

La richesse de ce roman captivant tient essentiellement à son écriture et à un impressionnant travail de documentation. Les descriptions, minutieuses, envoutantes, entraînent le lecteur à la suite du parcours de Chong. De l’art du chant, de la danse, les règles de séductions, les us et coutumes des maisons de passe jusqu’à la religion avec des descriptions de cérémonie chamanique, c’est une véritable étude de mœurs qui est réalisée. Un réalisme parfumé qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère des romans de Pearl Buck (notamment Pavillon de femme et Impératrice de Chine) en moins pudibond. L’érotisme occupe une large place au sein de la narration et Hwang Sok-yong emploie la même minutie poétique pour une transe chamanique et une relation sexuelle, sans faux semblant ou raccourci commode mais sans  jamais sombrer dans le scabreux ou le vulgaire.
Ce roman aurait été plutôt mal accueilli en Corée, en raison de la peinture dégradante qu’il fait des femmes. Tout en nuançant cette information, difficilement vérifiable, je ne trouve pas qu’il y ait quoi que ce soit de dégradant dans le fait de présenter un personnage qui, au lieu de se lamenter sur son sort, fait tout ce qu’il peut pour s’en sortir. Oui, Lenhwa se prostitue. A-t’elle le choix ? Non. Elle doit racheter sa dette. Que lui faut-il faire pour gagner de l’argent ? Se prostituer. Elle pourrait sombrer dans l’opium ou perdre totalement de vue le but qu’elle s’est fixée. Hors, il n’en est rien. Elle profite judicieusement de certaines opportunités et ne laisse jamais marcher sur les pieds. Son ascension et ses choix, parfois stupéfiant prouvent qu’elle est davantage une courtisane intelligente et lucide qu’une femme dominée à qui les hommes imposent leurs volontés.

Une fresque de plus de cinq cent pages que l’on dévore sans y penser, envoûté par ce voyage à travers l’espace et le temps. Tour à tour instructif et émouvant -sans pour autant s’encombrer de sentimentalisme poisseux- Shim Chong, fille vendue est sans nulle doute une lecture qui ne laisse pas indifférent et une très belle découverte.


Classé dans :coréenne, Littérature Tagged: Asie, Chine, Corée, Femme, Fresque historique, Geishas, Japon, littérature coréenne, Taïwan, XIXème siècle

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