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L'invention de Morel, d'Adolfo Bioy Casares

Publié le 07 juin 2010 par Onarretetout

linventiondemorelUne île. Un homme y trouve refuge, un fugitif dont on ne connaîtra pas le crime (et peu importe, d’ailleurs), qui sait que cette île est potentiellement dangereuse, mais qui préfère ce danger à la justice de son pays. Une île, un isolement, une solitude, celle de l’écrivain peut-être, confronté aux images qu’il porte dans son imagination.

Sur cette île des constructions humaines, semblant dater de près de vingt ans, s’animent de temps à autre d’une société qui écoute de la musique, danse, discute, regarde la mer, se promène, s’ébat dans la piscine… Le narrateur, un peu paranoïaque, croit d’abord qu’il s’agit d’un piège tendu pour le capturer. Puis, peu à peu, il découvre la vraie nature de ces personnages : ce sont des images réalisées grâce à une machine inventée par Morel, machine qui enregistre les faits et gestes, les paroles et les pensées, la conscience et peut les répéter à l’infini. Ainsi est acquise une sorte d’éternité.

La façon dont Adolfo Bioy Casares raconte cette histoire, comme sous l’effet d’un délire, parlant de miracle puis revenant à la chronologie pour la rompre sans cesse, donne le vertige au lecteur. On sent bien qu’il y a un mystère : le musée, qui pourrait être un hôtel, a un souterrain qu’on découvre et qu’on ne visitera que plus tard. Mais ce mystère, assez vite, on comprend qu’il n’est pas surnaturel. Ici, pas de diable à qui l’on vendrait son âme. Les images sont produites par un procédé qui exploite à l’extrême celui de la photographie, du phonographe, du cinéma (le livre a été publié en 1940, avant l’invention de l’hologramme).

L’intérêt de ce roman ne repose pas uniquement sur cet aspect technique. Il réside aussi sur la façon dont le narrateur cherche à s’intégrer dans les images pour devenir, malgré l’écart des années, un protagoniste des journées enregistrées, protagoniste aux yeux de ceux qui viendraient après lui sur cette île, de ceux qui entreraient dans ce roman…

Quitter la réalité périssable, en garder la trace pour toujours, et inscrire sa propre présence là même, et dans une époque, où l’on n’était pas, n’est-ce pas un effet de l’écriture, de la création (littéraire, mais pas seulement) ?

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Ainsi, lorsque Judith Baudinet reprend le récit de Bioy Casares pour en faire une installation vidéo (c’est à elle que je dois ma curiosité vis-à-vis de ce livre), elle intègre son image parmi les estivants de l’île. En cliquant sur l’extrait ci-contre, vous atteindrez la bande annonce de la création de Fugitif-s-, par KSKF.


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