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Demy-article

Par Yoya

Demy-articleImmeuble du cinéma Georges V. Le petit local des Cahiers du Cinéma. Godard, Rivette, Rohmer, Truffaut, la petite bande à part de la nouvelle vague. 1956, Jacques Demy rencontre les jeunes cinéastes. Demy, l’a part de la bande à part.

Qui n’est jamais tombé, un jour de pluie ou de tristesse, en zappant convulsivement, sur les parapluies de Cherbourg ou sur les Demoiselles de Rochefort ? Qui n’a pas en tête la chanson des demoiselles, ces : « sœurs jumelles nées sous le signe des gémeaux. », ou n’a souhaité confectionner le cake d’amour de Peau d’Âne ?

La plupart d’entre vous n’ont probablement jamais vu de films de Jacques Demy et pourtant, vous le connaissez, il vous est familier, comme un vieil ami de la famille, celui qui connaît toujours pleins d’histoires, qui arrive aux diners avec des vêtements colorés et excentriques, qui porte malgré son humour une mélancolie souterraine, un espoir tinté d’un passé triste.
Jacques Demy n’est pas kitsch, il est encore en avance. Ce qui gène probablement les mauvaises langues, c’est l’intrusion du féérique, du sourire et des chants dans le quotidien. Le parlé/chanté n’est pas quelque chose de vieilli, c’est un oracle merveilleux que personne encore, n’a su faire l’écho. La preuve en est que ses films ne sont jamais ridicules, mais touchant, ils vous rappellent non seulement votre enfance, mais vous ramènent à vos rêves et à vos aspirations. L’omniprésence du destin et de la chance dans le cinéma de Demy en fait des contes, mais pas seulement pour enfant, des contes du quotidien, des leçons de vie, mais sans morales ni jugements (abstraction faite du Pied Piper), juste des vies montrées, croisées, en filature, avec ou sans avenirs. Ce cinéma miraculeux n’a qu’un ennemie : notre propension à réduire nos affectes, notre refus à l’incohérent, au bariolé, à ce qui pourrait amener la honte. La volonté de vouloir s’affirmer dans le trop sérieux mais le trop sérieux et le trop révérant ne sont jamais que des fermetures, des passages à côté, des moins êtres.

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Je vous parle d’un cinéma du sourire et de l’enchantement, je vous parle d’une forme qui pourrait réveiller mille âmes tristes de leur torpeur, mobiliser la vie, magnifier le quotidien. Je vous parle également d’un cinéma ou les femmes sont parfois un peu cruelles, mais toujours belles, envoûtantes, sensuelles jusque dans les bas fond d’un bar pour marins, prisonnières de passés trop lourds ou de vies trop confinées. Demy comprends la volonté d’indépendance des femmes, leur force et les ardeurs passionnelles qu’elles peuvent provoquer chez l’homme un peu romantique. Son regard sur les mères seules et délaissées est je crois, sincèrement doux et affectueux. A travers ses films, il cherche aussi à rendre espoir à ces femmes là, qui on perdu leur mari trop tôt, à cause de l’Histoire et des tourments que son mouvement peu causer, à cause d’une erreur, d’une peur qui chamboule tout au dernier moment.

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Il y a longtemps j’avais entrepris un petit texte que devait s’appeler Cécile à Demy. On devait y revoir pour la troisième fois Cécile (Anouk Aimée, cf photographie) après l’avoir découverte dans Lola pour la première fois en 1960 puis dans Model shop ou Demy la retrouvais à Los Angeles en 1968.  Il s’agissait de savoir ce qu’avait bien pu devenir cette incarnation de la femme idéale, qui tirait toute sa beauté de son côté un peu mélancolique et lointain, depuis 40 ans. Je peux dire que je suis réellement amoureux du personnage de Cécile. C’est assez rare de tomber amoureux comme ça, d’un personnage. En général c’est plutôt d’un acteur ou d’une actrice qu’on tombe amoureux, de ce qui se dégage de stabilité et de choix derrière les personnages incarnés. Il est plus facile de faire aimer au spectateur Anouk Aimée  que les personnages qu’elle incarne. Je ne sais pas si cet effet est produit par l’actrice (qui était déjà irrésistible dans le personnage de Maddalena dans La Dolce Vita de Fellini) ou par l’extrême finesse du regard de Demy à propos des femmes, de l’amour… Lola et Model Shop constituent deux très grands films de la Nouvelle Vague, par la vérité qu’ils véhiculent sur les sentiments.

Je ne vous parlerai pas ici des Parapluies, des Demoiselles, de Peau d’âne ou de l’évènement ayant prévu d’écrire d’ici peu un court article sur la belle Catherine Deneuve… J’aimerais cependant attirer votre attention sur le film Trois Places pour le 26 le dernier film de notre réalisateur. On y retrouve Yves Montand dans son propre rôle, retournant  à Marseille dans sa ville natale pour y jouer la première d’un spectacle (le 26) sur sa vie. Montand est fantastique dans le rôle du vieux comédien colérique et don Juan. Mais à Marseille, plus qu’un succès pour sa pièce, c’est son grand amour de jeunesse qu’il va retrouver.Mais je n’en dis pas plus, le 26 est un film qui sauve une vie par la gaité et la fougue qu’il dégage, un film qui redonne le sourire et l’envie de chanter, comme ça, pour rien !

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J’espère que ce court article vous poussera à (re)découvrir entièrement l’œuvre de Jacques Demy.

Petites Pensées Superflues.

A lire : Le Cinéma Enchanté de Jacques Demy, Taboulay Camille, Ed. Cahiers du Cinéma (1996). Une excellente étude sur le cinéma et le contexte créatif de Demy, riche en photo et documents, avec un bio/filmographie sympa, et des informations capitales pour qui est comme elle le dit un : « allumé du cinéma de Jacques Demy ».

Dans son Histoire(s) du Cinéma, Godard dit : « Il est des temps qui ont trop de mains et pas assez de cœurs oui, des temps sans cœur mais pas sans travail lorsqu’une époque est malade et n’a pas de travail pour toutes les mains c’est une nouvelle exhortation qu’elle nous adresse l’exhortation à travailler avec nos cœurs au lieu d’y employer nos mains et je ne connais pas d’époque pas encore qui n’eût pas d’emplois pour tous les cœurs ».



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