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A contre-courant

Par Ethiqueemois

Je suis en train de lire ce livre: Réussir sa mort, de Fabrice Hadjadj. Le titre est aguicheur. Ce livre n’est pas du tout un manuel du suicide réussi, mais un point de vue sur la vie, la mort, l’homme. Un point de vue catholique, tellement catholique que tous les grands thèmes chers à l’Eglise y sont couverts. Le suicide, l’avortement, l’euthanasie, les origines de l’homme, les origines du monde. il y a de nombreux moments où la lecture m’est insupportable. Lire une remise en question du big bang ou un manifeste contre l’avortement me révolte tant que j’ai parfois envie de me débarasser du bouquin, vecteur en papier d’idées qui me heurtent. De plus je suis interpelée par le changement brutal de bord de l’auteur: de l’anarchisme athée au catholicisme convaincu: ça ressemble terriblement à une oscillation entre extrèmes. Mais je persévère. Parce qu’il est intéressant de lire autre chose. Parce que c’est une sorte d’éloignement du droit chemin, une échappée à contre-courant. Mais je n’aurais pas été bien loin si ce livre n’avait pas touché une corde sensible, si il n’y avait pas eu résonnance dans mon être tout entier.

L’auteur dénonce un société de “revenants” qui se noient dans un divertissement pascalien et éliminent la mort de leur vie. Ce faisant, la vie est également éliminée. L’auteur relie notre peur de la mort à une société niant la violence et la laideur. Mais alors c’est la société entière qui devient laide et violente, par peur d’affronter ces choses qui font partie de la vie. Comme cela résonne en moi! Je suis heurtée par la médecine moléculaire. Ma réaction épidermique est de me dire: “mais le monstrueux a aussi le droit d’être”. En cela ce livre me touche. Car je ressens très fort cette exigence de lisseur, de joliesse, cette interdiction du laid et par là même, du profond.

Mais je réalise aussi que mon ressenti de cette société violente m’appartient. Un enfant qui nait avec un handicap ne sera peut-être pas du même avis: il sera au contraire bien heureux de pouvoir rectifier son handicap et vivre plus longtemps, plus consciemment, plus pleinement. Je suis absolument convaincue que ce n’est pas en interdisant l’avortement par exemple qu’on va amener la société à accepter ce qui fait peur. Ce n’est pas en éliminant le diagnostic pré-natal qu’on va améliorer les conditions de vie des handicapés.

C’est pour ça que ces questions de bioéthique m’intéressent. Il y a la réaction, réactionnaire, et la raison superficiellement raisonnable. J’aimerais ne pas avoir à faire de choix radical entre l’une et l’autre, mais les intégrer dans une démarche cohérente.


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