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Women Without Men

Par Fibula
Women Without MenWomen Without Men, Shirin Neshat, 2009
J'avais vu une expo de Shirin Neshat il y a 9 ans au Musée d'art contemporain de Montréal.
C'est donc avec beaucoup d'intérêt que je me suis rendue au visionnement gratuit offert par la fondation DHC/Art à la salle Maxwell Cummings du Musée des Beaux-Arts de Montréal le 1er juin dernier.
Accompagnée d'une amie artiste, je lui ai demandé de nous faire un compte-rendu de ce film.
Shirin Neshat / Women Without Men / La puissance des images
Caroline Pierret
Une femme seule sur un toit, ses cheveux longs dans le vent, on entend la prière dans la ville. L’image est épurée, les lignes sont simples, les couleurs neutres. On sent une tension, le personnage de dos contemple le vide. Tout est dit dans ce premier plan.
Voilà l’univers de Shirin Neshat qui nous décrit, dans un savant mélange de sensualité et de réalisme brutal, les destins croisés de quatre femmes en 1953, sous fond de coup d’état. On est en Iran. Le film est basé sur des faits politiques et historiques, mais se penche davantage sur la question humaine, identitaire et plus précisément celle des femmes.
Ce film poétique fait directement appel à nos émotions, la poésie de Shirin Neshat frappe fort, elle montre la violence comme seules les femmes peuvent la montrer, sans voyeurisme, sans esthétisme gratuit. Elle suggère plutôt qu’elle montre, qu’il s’agisse du viol, du suicide, ou de la violence physique, on imagine, on s’identifie, cela fait mal. En opposition, elle propose la beauté, souvent métaphorique en créant des espaces paradisiaques, des forêts luxuriantes avec des lumières flamboyantes où l’être va pouvoir retrouver sa liberté en toute plénitude, sans regard pour le tuer ou le soumettre à l’esclavage. Ce temps de pause aura une fin et les personnages devront retrouver leurs destinés. Par cet antagonisme criant, elle signifie que de tels lieux sont possibles mais que de terribles mentalités s’y opposent.
On avait vu la rétrospective de Shirin Neshat au Musée d’art contemporain de Montréal avec ses installations, ses photos. On était déjà imprégné de ses images, de son esthétisme avec ces longs voiles noirs que portent les femmes contrastant avec les chemises blanches des hommes aux torses dégagés. Ces images symboles, toujours aussi frappantes sur la condition des femmes en Iran et dans le monde. Une fois vues, elles restent gravées tant elles sont personnelles et identifiables.
Women Without Men est une belle surprise. Elle a su parfaitement installer sWomen Without Menes codes visuels dans un carcan cinématographique classique d’1 h 30. Ce mélange de codes avec ceux du cinéma est si puissant qu’il touche un terrain encore vierge et nous ouvre le regard. On voyage dans les plans toujours très construits, hyper léchés, telle une photographie exposée dans un musée dans laquelle on pourrait entrer, se laisser emporter et voyager. On est dans l’image, la caméra devient notre regard, qui témoigne d’un univers onirique et somptueux avec ses parts de contrastes, de douceur et de violence. C’est dans la surprise que l’on découvre, que l’on apprend. C’est dans l’émotion que l’on intègre. Elle a encore une fois touché cet endroit si précis du cœur qui éveille la conscience. Elle y arrive parfaitement. Cela fait du bien de voir une artiste partager son discours de façon si singulière.
Petite note en passant… Merci à la Fondation DHC de nous offrir la possibilité de voir gratuitement des œuvres d’une intelligence et d’une nécessité absolues. Depuis 2007, année de création de la fondation, on peut constater la présence d’œuvres majoritairement réalisées par des femmes, Eija-Liisa Ahtila, Michal Rovner, Sophie Calle, et la prochaine et non des moindres Jenny Holzer, à partir du 30 juin. On oublie trop souvent que les femmes sont encore et toujours sous représentées dans le monde des arts et de la diffusion, malgré de nombreux articles et pétitions mainte fois écrits à ce sujet. Chez DHC, cette programmation semble naturelle et les œuvres sont toujours accompagnées de services éducatifs qui permettent à tout un chacun d’accéder aux sens profond des œuvres. Merci DHC d’offrir l’art à tous, ce qui devrait être son but ultime : le partage dans la diversité et pour tous les budgets…

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