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Vie quotidienne et éveil sont incompatibles - Méthode pour éveiller un disciple XIII

Publié le 10 juin 2010 par Anargala

Suite et fin du petit texte de Shamkara, Méthode pour éveiller un disciple (Shishya-pratibodha-vidhi). La traduction complète peut être téléchargée ici (en bas de la page).

39.

Si le (disciple) dit : "Ô bienheureux, admettons que (ma vraie nature) soit

"Sans intérieur ni extérieur"

"Non né, à la fois intérieur et extérieur"

"Une masse homogène de conscience"

"Un Soi dépourvue de toute différenciation formelle"

"Comme un morceau de sel (dilué dans l'océan salé)"

"Homogène comme l'espace"

Mais alors, de quoi s'agit-il et de quoi parle-t-on, à la fois dans l'usage commun et dans la Révélation et la Tradition, quand on entend parler de pratique, de but à atteindre et de pratiquant ? Et pourquoi cela fait-il l'objet de centaines de théories contradictoires (si cela est si simple) ?"

40.

Le maître doit répondre : " Tout ce qu'on observe et que l'on entend (en ce monde) n'est qu'un produit de l'ignorance. Mais en réalité, le Soi est absolument un, qui paraît multiple dans une vision (conditionnée) par l'ignorance, de même qu'un homme affecté de diplopie voit plusieurs lunes ! La dualité est un produit de l'ignorance, car cela est justifié par la condamnation de la vision dualiste par les passages suivants :

"Quand il y a comme une différence"

"Quand il y a un semblant de dualité, on voit alors un autre (et puis) un autre (et ainsi de suite)"

"Il va de la mort à la mort"

"Quant on voit un autre, quand on entend un autre, quant on perçoit un autre, cela est néant[1], et ce qui est néant est mortel"

"Le nom est une modification dérivée de la parole. La vérité (des pots de terre et autres ustensiles de terre), c'est sont seulement la terre (dont ils sont faits)"

"Cela est différent (de moi); je suis différent (de cela)'

Et les passages suivants montrent que l'unité est prescrite par la Révélation :

"Absolument un, sans second"

"Quand ce (connaisseur de l'absolu)"

"Alors, quelle confusion, quelle tourment y a-t-il ?".

41.

(Le disciple) : "S'il en va ainsi, ô bienheureux,alors pourquoi la Révélation parle-t-elle d'une pratique et d'un but à atteindre, ou d'une origine et d'une fin (du monde) ?"

42.

Le (maître) répond alors : L'ignorant qui a les différentes (qualifications) telles que un corps adulte, qui croit que le Soi (est une entité) qui doit atteindre ce qu'elle désire et éviter ce qu'elle ne désire pas est incapable de discerner ce qui désirable ou non, ainsi que leurs moyens. L'enseignement (de la Révélation) a pour but d'éradiquer peu à peu cette ignorance, et non de révéler un but à atteindre et une pratique. Car en effet, l'ignorance n'est rien d'autre que la croyance en cette différence (entre la pratique et le but à atteindre, entre le désirable et l'indésirable) qui se manifeste sous la forme d'un "Le cycle (tout entier) est indésirable !". L'enseignement extirpe (cette croyance)en montrant rationnellement (upapatti) l'unité de la production de la dissolution (du monde).

43.

Dès que l'ignorance a été extirpée par les (passages) de la Révélation et de la Tradition, comme :

"Ininterrompu, sans extérieur"

"Non né, à la fois intérieur et extérieur"

"Pareil à un cristal de sel (dissous dans l'océan)"

"Le Soiun, conscience parfaitement homogène"

"Homogène comme l'espace",

c'est alors que la compréhension s'affermit et s'unifie et que le (disciple) contemple la vérité ultime. Dès lors, il n'y pas de raison de soupçonner ne serait-ce qu'un parfum de l'impureté qui serait liée à la dualitéentre une pratique et un but à atteindre, ou entre une origine et une cessation (du monde) etc."

44.

Voilà aussi pourquoi celui qui aspire à réaliser cette vision de la vérité ultime doit s'émanciper (vyutthāna) du désir d'avoir un fils, des richesses, des désirs mondains ou portant sur l'au-delà, désirs quintuples engendrés par la fausse identification à l'état social et à la caste. Et la (Révélation) démontre que cette identification est contraire à la vision de la non dualité car elle s'oppose à une réalisation correcte (de l'unité). En effet, quant l'intellect à compris que le Soi un n'est pas du domaine du cycle (des renaissances) grâce aux démonstrations rationnelles de l'enseignement, l'état d'esprit contraire ne peut subsister ! En effet, il ne peut y avoir un intellect qui comprend la fraîcheur du feu, ni l'immortalité du corps[2]... Par conséquent, celui qui est établi dans la vision de la vérité ultime doit renoncer à tous les rituels ainsi qu'aux moyens de leur mise en œuvre, comme par exemple le cordon sacré, car tout cela n'est nécessaire que du point de vue de l'ignorance[3].

FIN



[1] Alpa : "peu".

[2] Affirmation on ne peut plus claire du rationalisme de Śaṃkara. La réalisation de l'unité est fondé sur l'intellect, et sa démonstration sur le fait que, selon Śaṃkara, l'intellect ne peut former de représentations contradictoires comme celle d'un "feu froid", par exemple. Abhinavagupta soutient exactement le contraire.

[3] Autrement dit, de même que ces deux visions - dualité et unité - sont incompatibles, on ne peut être à la fois délivré et vivre une vie normale, engagée dans le monde humain. Alors que pour Abhinavagupta, la véritable non dualité est précisément la possibilité d'une coexistence harmonieuse de l'unité et de la dualité.


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