Magazine Cinéma

[Critique DVD] La Poison

Par Gicquel

« La Poison » de  Sacha Guitry ( Gaumont)

Sortie dvd le 15 juin

Le film

3.5 out of 5 stars

Les bonus

[rating :3.5]

Ce film écrit au début des années 1950 , en noir et blanc,  tourné en 11 jours , et avec peu de moyens , est encore aujourd’hui un prodigieux plaidoyer pour l’immoralité dans tout ce qu’elle a de plus sincère, de véridique et d’humaine.

[Critique DVD] La Poison
C’est du Guitry au vitriole avec une goutte d’ironie et trois rasades d’excellente mauvaise foi. Un film anarchiste dont le remake de Jean Becker « Un Crime au Paradis » excellent au demeurant atténue la  propension subversive.

Pour avaler la mixture , un grand Michel Simon, se coltine le personnage principal avec une aisance, une maestria qui tient du naturel « Une seule prise » était sa seule exigence. J’ai pensé à Louis Jouvet , à Jean Gabin et aujourd’hui peut-être Depardieu pour tenir un rôle de composition qui requiert autant de grâce et de bonhomie. De ruse et de couardise aussi, avec le culot pour couronner le tout.

Il lui en faut à Paul Braconnier , qui lassé de vivre avec une mégère alcoolique,  décide de la supprimer , sur les conseils bien involontaires d’un célèbre avocat.  C’est tout ce processus que Guitry développe tranquillement, économisant  sa mise en scène , au profit d’une écriture jubilatoire qui libère des dialogues d’une folle exubérance .

[Critique DVD] La Poison

Michel Simon et Sacha Guitry : un couple d'exception

Plus d’une tirade, plus d’une scène mériteraient d’être ici rapportées, et le bons sens que trimballe Braconnier fournit à lui seul des monologues incroyables. Sa plaidoirie , car son avocat bien que célèbre, ne peut en placer une, est d’une remarquable finesse , d’une grande intelligence.

C’est la période où Sacha Guitry jette toutes ses forces dans la bataille , pour dire tout le bien ou le mal qu’il pense de la société de ce milieu de XX è siècle , sur sa justice,et  le spectacle qu’elle induit , préférant à sa bienséance , une vision peu morale de l’âme humaine. Le pire c’est que l’on en rit et qu’à la victime on préfère le bourreau accueilli comme il se doit dans son petit village, devenu célèbre grâce à lui. Les commerçants respirent, leurs petites affaires vont pouvoir reprendre, et le panneau indicateur ne se prive pas de mentionner la vedette qui y vit.

L’étude de caractère que mène Guitry est ainsi joyeusement théâtralisée , Pauline Carton, alors célèbre comédienne , donnant de la pipelette une image bien franchouillarde , servie par ses détracteurs qui l’accusaient de mysoginie.

[Critique DVD] La Poison

Un rôle écrit pour lui

Les bonus reviennent longuement sur le sujet , relevant avant tout le talent d’un écrivain qui a su d’un trait de plume, relayé par une caméra perspicace, décrire un microcosme à la hauteur d’une nation. Sans  y déceler aujourd’hui la moindre ride. Et surtout pas sur un générique d’ouverture qui soixante après demeure un petit bijou…

Mais aussi

Dans la version de Jean Becker, que je vous recommande quand-même, Jacques Villeret tient le rôle principal, avec Josiane Balasko dans celui de l’ épouse, et  André Dussollier , l’avocat.

LE SUPPLEMENT :

«  De la vie à l’écran, misère et splendeur d’un monarque » (60 mn )

Une suite d’entretiens avec Jean Becker , Alain Decaux, Raoul Sangla ( journaliste et scénariste ), et les écrivains Henry Gidel et Claude Gauteur .La vie de Sacha Guitry, autour d’un film analysé à la loupe et dont l’originalité multiple se focalise sur son générique d’ouverture. On y voit l’auteur présenter dans les décors du film tous les membres de l’équipe, un par un ou en petit groupe avec une mention particulière à Michel Simon dont la dédicace demeure célèbre : « Vous êtes exceptionnel, unique.Entre le moment où vous cessez d’être vous-même et celui où vous jouez votre rôle, il est impossible de voir la soudure et il en va de même lorsque cessant de jouer, vous redevenez vous-même. »

[Critique DVD] La Poison

Germaine Reuver n'a pas le beau rôle, mais elle assume

Il est vrai que ce film avait été écrit pour le comédien qui posa comme seule condition de n’effectuer qu’une seule prise «  après j’interprète et ce n’est pas bon ». Ce qui fut dit, fut fait , ce qui explique les 11 jours seulement de tournage.

Guitry misogyne, Guitry collabo, ses deux thèmes sont largement abordés, avec chaque fois de la part de ses amis , un acquittement franc et massif. « Il incarnait  l’esprit français et pendant la guerre il sera beaucoup apprécié par l’occupant allemand ». Ce qui lui vaudra  quelques années de mise à l’écart, des accusations et deux non lieu, mais le mal était fait. Depuis l’homme désespéra Guitry qui à travers son œuvre se chargera de le lui rappeler.


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