Temps mort de l'écriture.
Ca me fait tout drôle; le temps me manqua pour écrire aujourd'hui. En général, je planifie mon agenda de telle sorte que je puisse écrire au moins deux heures par jour à mon manuscrit. Soit en me levant à l'aurore (5h du matin), soit en écrivant tard le soir (jusque 1h)
Cette fois, ce fut, bulle.
Ce climat ensoleillé me conduisit à parcourir les grands espaces verts, à m'arrêter devant des cerisiers, et à cueillir des paniers entiers de ces petits baisers.
L'accomplissement du geste répétitif d'arracher une cerise de la branche, et de déposer ce trésor dans la manne, entraîne l'esprit à se poser dans une sorte de concentration paisible; on pourrait appeler cela une méditation, ou un état qui rend la personne en parfaite harmonie avec ce qui l'entoure : la cueillette est mesurée, l'ouïe est attentive aux moindres bruissements, et la vue, elle, englobe cet ensemble vivant mais silencieux que représente la nature. Seule la parole se tait, alors que pourtant elle vibre dans toutes les langues à l'intérieur de l'être.
Consciente de cet instant, je savourai de me savoir là, en arrêt dans le temps, uniquement à me tenir devant cet arbre croulant sous ses fruits, entourée de silence et de paix.
Il y a comme une sorte de remplissage intérieur qui se crée, celui d'accueillir la vie en toute simplicité, sans fards ni prétention, telle qu'elle est offerte à nous : émouvante par tant de beauté humble.
Une fois le panier rempli à ras bord, il me fallut bien songer à reprendre le chemin. Je n'eus pas envie, pas encore, pas tout de suite. Avant de mouvoir mes pieds, je m'accordai ce répit : je songeai à ce que j'étais en train d'écrire dans mon roman. Une sorte de lucidité m'envahit, sur l'écriture que j'allais devoir encore travailler, sur la structure et la narration qui commençaient sérieusement à me passionner, et puis sur un personnage secondaire que j'étais en train de peaufiner, de mettre plus en avant, de rendre plus vivant. Je réalisai que je les aimais mes personnages. Un principalement. Un vieillard, de quatre-vingt ans.
L'évidence me sauta alors aux yeux : tous mes personnages tiennent de moi, mais certains représentent tout ce que je ne veux surtout pas être dans la vie. Je compris que ce vieil homme auquel je me suis attachée, avait raté l'essentiel.
Après avoir longuement mesuré ce que représentaient finalement tous ces personnages par rapport à moi, je me jurai de ne jamais ressembler à celui-là.
Et je ne pus m'empêcher de me dire que j'avais pourtant un peu de lui.
Demain, ce vieil homme me retrouvera, et je l'accompagnerai dans sa vie, en me posant mille questions tout en le façonnant.
Panthère.