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Uffie : "Une chronique de ma jeunesse, un chapitre qui s'achève"

Publié le 14 juin 2010 par Albumsono
Uffie
De l'électro-pop accordée au contact des Français M. Oizo et Mirwais. Anna-Catherine Harley, alias Uffie, sort son premier album, "Sex, Dreams and Denim Jeans", porté par le single "Pop the Glock".

D’où vient votre pseudonyme ?

Je n’en suis pas tout à fait sûre. Mais, d’après ce qu’on m’a dit, quand j’étais petite, mon père me disait toujours : « Enough ! Enough Enough ! » [« Assez ! Assez ! Assez !]. Mon père est de Liverpool, mais il parle bien le français. Et il s’est dit, « enough », est un petit œuf. Et puis, c’est devenu Uffie. Il m’a toujours appelé comme ça depuis. Mon père travaillait dans la mode, côté commercial. Ma mère s’occupait de nous.

Vous êtes née où ?

En Floride, on a bougé a Hong Kong quand j’avais 4 ans. J’y suis resté jusqu’à neuf ans. Puis on est retournés en Floride, on a voyagé à travers différentes villes. Quand j’avais 15 ans, mon père habitait Paris, je suis allé lui rendre visite, je m’y plaisais bien et donc j’y suis restée.

Vous avez quels souvenirs de Hong Kong ?

C’était bizarre. J’étais tellement jeune. Et à l’époque, c’était encore britannique. C’était cool parce qu’il y avait des petits villages de pêcheurs et des plages, à l’écart de la ville. Je parlais cantonais quand j’étais petite. Mais plus trop maintenant. J’amenais mes poupées au marché… C’était un endroit très sûr et un bel endroit pour grandir. Il y avait tellement de cultures, c’était une ville internationale.

Vous y êtes retournée depuis ?

Oui, j’y allais au moins une fois par an. Mais cela fait deux ans que je n’y suis pas allée. Après Hong Kong, le retour en Floride, donc… Oui puis, le Connecticut, le Missouri… Une enfance du genre bohème !

C’était quand même un peu strict ?

Ma mère était un peu plus stricte. On voyait assez peu mon père parce qu’il travaillait beaucoup. Ma mère était du style : « Faut aller à l’église aujourd’hui ! » Mais moi, je ne suis pas d’accord avec les églises. On pourrait croire que la religion donne de l’espoir, mais elle détruit plutôt le monde. Je ne crois pas forcément en Dieu, mais en quelque chose de plus puissant que nous. Une énergie, un truc comme ça.

Pop the glock :


Vous vouliez faire quoi quand vous étiez enfant ?

Tellement de choses ! Danseuse… J’ai fait du ballet pendant onze ans. Je voulais être dentiste aussi. J’ai les dents anglaises de mon père, donc j’ai pas mal vu le dentiste. Je voulais être écrivain aussi car j’adorais les cours de littérature et d’histoire.

Vous lisez ?

Oui, avant d’avoir un bébé. Depuis, je n’ai pas ouvert un seul livre. J’aime Michel Houellebecq, Bret Easton Ellis… Ses livres sont tellement déments. C’est comme si on prenait de l’acide. Par ailleurs, j’adore aussi "Las Vegas Parano". Le film était bien, mais alors le livre ! Je me rappelais de la partie avec les chauve-souris, pendant que je lisais, je me tapais des barres de rire.

En résumé, danseuse, dentiste et écrivain…

Et peut-être aussi styliste de mode. Mon père travaillant dans ce milieu, ça me paraissait naturel.

Vous êtes toujours proche de vos parents ?

Ma mère est aux Etats-Unis, mon père et moi, on est comme des meilleurs potes. C’est mon meilleur ami.

Et quand vous étiez ado, vous écoutiez quoi ?

Du hip-hop. Lil Wayne, Pharrell, Jay-Z… Quand je suis revenu aux Etats-Unis, j’ai vu MTV et wouah… C’était plus fun, énergique et happy.

L’indie rock européen ?

Non, je n’en écoutais pas. Et je ne connaissais pas vraiment la scène électro avant de venir à Paris.

Pourquoi avoir décidé de rester en France ?

C’était difficile de retourner aux Etats-Unis après avoir vécu en Asie. J’étais toujours la fille qui a vécu à Honk Kong. Les Etats-Unis sont très fermés sur eux-mêmes, c’est un pays si jeune… En Europe, le rythme de vie est plus agréable. On peut se promener partout à pied. On peut prendre l’avion et se retrouver en deux heures dans une autre culture. Mon père vit dans le Sud de la France maintenant, en Dordogne.

Add SUV :


Vous êtes sur le label électro Ed Banger. Parlons un peu de clubbing…

Aux Etats-Unis, il faut avoir 21 ans pour faire quoi que ce soit. Arrivée en Europe, c’était la liberté, on peut acheter de l’alcool ! J’allais au Rex Club tous les vendredis. Et puis j’ai commencé à faire des tournées, c’est si fatigant. Vous ne pouvez pas imaginer cette sensation d’être si fatiguée que la seule chose que vous voulez faire, c’est rester allongée au lit et lire un bouquin et pourtant vous devez aller à une fête. C’est un sentiment horrible.

Vous êtes sortie où ces dernières semaines ?

Je suis allée à l’afterparty de LCD SoundSystem. James Murphy, c’est mon putain de héros. Je l’adore. Au festival Sonar, à Barcelone, je fais leur première partie, j’ai hâte.

Votre héros, pourquoi ?

Il est génial. Il fait une musique électronique chantée très émouvante. C’est pas seulement « Party ! Party ! Party ! ». Et la chanson "Someone Great"est très associée pour moi à une rupture amoureuse difficile.

Vous êtes parfois DJ ?

Je l’ai fait à la Gucci Party à Londres en avril dernier. Je le fais rarement et heureusement, j’ai des amis pour m’aider.

Que jouez-vous ?

The Specials, Dead Prez, Joy Division, Biggie, Siouxisie & The Banshees, un mélange de vieux rock et de hip-hop.

Vous avez même repris "Kong Kong Gardens" de Siouxisie & The Banshees dans votre album….

J’adore cette chanson. Ça me surprend que peu de personnes la connaissent. Et puis, je suis allée à Honk Kong, c’était une coincidence amusante.

D’être mère, ça a changé des choses ?

Absolument. J’avais 21 ans quand je l’ai eu. On doit grandir très vite. Je crois qu’un enfant est la seule chose qu’on peut aimer davantage que soi-même. On change tout pour cette personne. C’est la seule personne pour laquelle vous renonceriez à tout. Je dois prendre soin d‘elle, je pense déjà à sa scolarité. Puis maintenant qu'elle est là, je ne sors plus quand je suis à la maison. Je suis en tournée trois fois par semaine alors quand je suis chez moi je préfère rester avec ma fille.

Vous avez un bébé. C’est compliqué de faire une tournée en même temps ?

Vous ne pouvez pas imaginer. Je crois que ma fille pense que sa nounou est sa mère… C’est horrible. J’ai dû partir pendant trois semaines et quand je suis rentrée, elle ne m’a pas reconnue. C’était le pire sentiment que j’ai jamais connu. J’ai l’impression d’avoir manqué un cinquième de sa vie. Mais hier, elle était malade, donc elle a dormi avec moi, elle m’a réveillée, elle faisait un grand sourire. C’est le plus bel enfant au monde.

Quel est son prénom ?

Henrietta. J’aime les prénoms démodés et les prénoms de garçon pour les filles.

Vous avez donc des projets pour elle ?

Il faut être prêt. C’est le futur de quelqu’un qui dépend de vous. Cela dit, d’être mère m’apporte un équilibre. C’est tellement loin des concerts et des tournées.

Parlons de votre album, "Sex, Dreams and Denim Jeans"...

C’est une chronique de ma jeunesse, un chapitre qui s’achève. Le sexe est une partie importante de l’adolescence, rêver aussi. L’album résume toutes ces expériences.

Votre album évoque aussi les relations amoureuses...

L’amour, c’est très important pour moi.

C’était comment la collaboration avec Mirwais ?

Incroyable. J’ai travaillé récemment avec lui sur de nouvelles chansons. Mon album a pris tellement longtemps à se faire. Autant commencer maintenant pour le second ! On s’est rencontrés dans une boite. J’étais fan de lui et de ce qu’il a fait pour Madonna. Je traversais une rupture amoureuse. Je me demandais pourquoi ça me faisait si mal. Il m’a beaucoup écouté. Au départ, on a enregistré un morceau ensemble. C’était "Illusion of Love". Et comme ça marchait bien, on a continué. C’est un plaisir de travailler avec lui. Il n’est pas accroché à sa musique, donc on peut faire des suggestions. Il n’y a pas de clashs d’ego, ce qui est rare dans la musique.

Et le travail avec le label Ed Bangers ?

Avec eux, c’était plus des échanges de fichiers. Avec Mirwais, on s’asseyait avec une guitare. Une belle expérience.

Avec Pharell, ça s’est passé comment ?

On a fait une fête ensemble au Japon quand j’avais 19 ans. Quand j’étais ado, c’était un de mes artistes préférés. Quand je créais ADD, je savais que je voulais un rappeur. C’était mon choix idéal. Je ne pensais pas que cela arriverait. Et si !

Comment vous écrivez les paroles ?

J’écris à la dernière minute. J’aime la pression.

Vous aimez votre voix ?

Je commence à l’accepter. Beaucoup de personnes l’aimaient, je la détestais. Maintenant, je commence à la comprendre. C’est comme un muscle, il faut l’entraîner. Chaque personne possède une tonalité. Je chantais des chansons qui n’étaient pas dans la mienne ! Quand il produit, Mirwais pense beaucoup à la voix, à ce qui va marcher pour moi. Sur ses morceaux, ma voix me paraît complètement différente. Je l’aime davantage. Pour les concerts, je la travaille. Parce que si vous n’avez pas la bonne note au début d’un morceau, vous vous plantez. Et en live, il n’y a qu’une seule prise !

Sex, Dreams and Denim Jeans :


Vous aimez vous produire en live ?

Davantage, maintenant que j’ai un groupe avec moi. Quand on fait les premières parties seule sur scène lors de festivals, c’est difficile. On ne sait pas quel morceau va jouer le DJ après. J’étais terrifiée. Maintenant, comme le groupe et moi on a répétés ensemble, je me sens plus à l’aise.

Vous n’avez pas le trac avant de rentrer en scène ?

Oh si ! Mais je ne vomis plus maintenant !

Quand êtes-vous contente d’un concert ?

Jamais. Je suis quelqu’un de perfectionniste. Je me dis toujours que ça aurait pu être mieux.

Que faites-vous après le concert ?

J’avais l’habitude de ramener des personnes à l’hôtel pour des after-partys. Maintenant, je dois me lever à 9h du matin et rencontrer des journalistes. Alors, je vais me coucher. C’est dingue, j’ai vraiment un emploi du temps très chargé. On est dans le speed jusqu’à ce qu’on arrive sur scène. Les gens crient : « On t’aime, on t’aime », puis on rentre à sa chambre d’hôtel et on est si seule. Cette solitude, personne ne peut comprendre à moins de l’avoir vécue.

Recueilli par Lil' Joe


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