JE l’écoutais, puis j’ai craint de ne plus L’entendre, qui me parle ou qui se parle. Voix lointaine, un enfant qui joue sur la route, Mais la nuit est tombée, quelqu’un appelle. Là où la lampe brille, où la porte grince En s’ouvrant davantage ; et ce rayon Recolore le sable où dansait une ombre, Rentre, chuchote-t-on, rentre, il est tard. (Rentre, a-t-on chuchoté, et je n’ai su Qui appelait ainsi, du fond des âges, Quelle marâtre, sans mémoire ni visage, Quel mal souffert avant même de naître.)
I
LA escuchaba, después tuve miedo de no Oírla más, quien me habla o quien se habla. Voz lejana, niño que juega en la ruta, Pero la noche cayó, alguien llama Donde la lámpara brilla, la puerta rechina Abriéndose más; y esa luz colorea La arena donde una sombra bailaba, Entra, susurran, entra, es tarde. (Entra, han susurrado, y yo no supe Quién llamaba así, del fondo de las edades, Cuál madrastra, sin memoria ni cara, Cuál mal sufrido justo antes de nacer.)
II
OU bien je l’entendais dans une autre salle. Je ne savais rien d’elle sinon l’enfance. Des années ont passé, c’est presque une vie Qu’aura duré ce chant, mon bien unique. Elle chantait, si c’est chanter, mais non, C’était plutôt entre voix et langage Une façon de laisser la parole Errer, comme à l’avant incertain de soi, Et parfois ce n’étaient pas même des mots, Rien que le son dont des mots veulent naître, Le son d’autant d’ombre que de lumière, Ni déjà la musique ni plus le bruit.
II
O bien yo la escuchaba en otra sala. No sabía de ella más que la infancia. Los años han pasado, casi una vida Habrá durado su canto, mi único bien. Cantaba, si eso es cantar, pero no, Era más bien entre voz y lenguaje Una manera de dejar que el habla Errara, en lo anterior incierto de sí. Y a veces no eran siquiera palabras, Sólo el son de donde quieren nacer, El son tanto de luz como de sombra, Ni ruido ni música todavía.
III
ET je l’aimais comme j’aime ce son Au creux duquel rajeunirait le monde, Ce son qui réunit quand les mots divisent, Ce beau commencement quand tout finit. Syllabe brève puis syllabe longue, Hésitation de l’iambe, qui voudrait Franchir le pas du souffle qui espère Et accéder à ce qui signifie. Telle cette lumière dans l’esprit Qui brille quand on quitte, de nuit, sa chambre, Une lampe cachée contre son coeur, Pour retrouver une autre ombre dansante.
III
Y la amaba como amo ese sonido Donde rejuvenecería el mundo, Ese sonido que une donde las palabras dividen, Ese bello comienzo cuando todo acaba. Sílaba breve tras sílaba larga, Vacilación del yambo, que anhelaría Atravesar el paso del aliento que espera Y acceder a lo que significa. Así es esta luz en el espíritu Que brilla cuando dejamos, de noche, su habitación, Una lámpara escondida contra su corazón, Para encontrar otra sombra que baila.
IV
ET la vie a passé, mais te garda Vive mon illusion, de ces mains savantes Qui trient parmi les souvenirs, qui en recousent Presque invisiblement les déchirures. Sauf : que faire de ce lambeau d’étoffe rouge ? On le trouve dans sa mémoire quand on déplace Les années, les images ; et, brusques, des larmes Montent, et l’on se tait dans ses mots d’autrefois. Parler, presque chanter, avoir rêvé De plus même que la musique, puis se taire Comme l’enfant qu’envahit le chagrin Et qui se mord la lèvre, et se détourne.
IV
Y la vida ha pasado, y te guardó Mi ilusión viva, con esas manos sabias Que seleccionan entre los recuerdos, que cosen Casi invisiblemente las desgarraduras. Salvo: ¿qué hacer con esa tira de tela roja? La hallamos en la memoria cuando desplazamos Los años, las imágenes: y, bruscas, las lágrimas Suben, y callamos sus palabras de otro tiempo. Hablar, casi cantar, haber soñado Más que la música incluso, después callarse Como el niño a quien invade la tristeza Y que se muerde el labio, volviéndose.
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ARTURO CARRERA
Arturo Carrera, poète et traducteur argentin, est actuellement en résidence au CITL, où il traduit Le Nom du roi d'Asiné de Yves Bonnefoy.
Auteur incontournable de la poésie hispano-américaine contemporaine, il a récemment publié: La inocencia (Buenos Aires, Ediciones Mansalva, 2006) , Las cuatro estaciones, (Buenos Aires, Ediciones Mansalva, 2008) et Fotos imaginarias con nieve de verdad (México, Apuntes de lobotomía, 2009).
Il est enfin à l'origine du projet Estación Pringles, lieu de résidence et d’évènements artistiques et littéraires dans une ancienne gare désaffectée au milieu de la pampa argentine.
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