Mes Prix littéraires - Thomas Bernhard - Traduit de l’Allemand par Daniel Mirsky - Editions Gallimard
Féroce et réjouissant, drôle et méchant, sincère et mensonger, le livre étant tout petit il est bon de lui trouver une grande quantité de qualificatifs.
J’ai lu et parfois aimé, mais pas toujours, Thomas Bernhard, je savais qu’il détestait son pays et que celui-ci le lui rendait bien mais j’étais loin de me douter qu’il a failli être enseveli sous les prix littéraires, parfois à des périodes difficiles de son existence « comme si je venais de tomber sans rémission dans un épouvantable puits sans fond. J’étais persuadé que l’erreur d’avoir placé tout mes espoirs dans la littérature allait m’étouffer »
On découvre ainsi avec un brin de jalousie que nous ne sommes pas les seuls à cultiver les prix, nos voisins ne sont pas avares non plus. Et plus surprenant que chez nous, il arrive que ces prix soient donnés par d’improbables académies, fédérations industrielles, cercles et associations de tous poils.
Parfois la récompense lui semble un peu iméritée « Le Président Hunger se leva, rejoignit l’estrade et proclama l’attribution à ma personne du prix Grillparzer. Il lut quelques phrases élogieuses au sujet de mon travail, non sans citer quelques titres de pièces dont j’étais censé être l’auteur, mais que je n’avais pas du tout écrites »
Il fait ainsi de multiples voyages qui sont pour lui l’occasion de voyager au frais de la princesse littérature vers des villes qu’il n’aime pas « le Danube ne cessait de s’étrécir, le paysage ne cessait de s’embellir, avant de redevenir d’un seul coup morne et fade, et me voilà arrivé à Ratisbonne »
Les cérémonies sont l’occasion pour lui de s’offrir un costume neuf ou une magnifique Triumph Herald et pour nous de faire connaissance avec sa tante/compagne qui l’accompagne partout.
Une Triumph Herald "la première voiture de ma vie, et quelle voiture ! "
Thomas Bernhard fulmine, se moque, se répand dans son allocution en propos hargneux ou inintelligibles et lorsqu’il se voit traité d’« écrivaillon » par une ministre, il quitte simplement la salle mais ...empoche le prix et en fait très bon usage.
Vous me direz il y a un côté « je crache dans la soupe » oui mais c’est avec un tel talent et un tel humour, les situations racontées sont tellement drôles ou tellement choquantes qu’on y résiste pas même si tous les récits ne se valent pas.