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Fantômes japonais #5 : La maison qui rend fou

Publié le 16 juin 2010 par Luxyukiiste

Un petit interlude dans ce thème des fantômes japonais, puisque le film dont je vais vous parler aujourd’hui n’appartient pas à la vague post-Ring que j’explorais jusque-là. House, alias Hausu, sorti en 1977, est l’oeuvre de Nobuhiko Obayashi, réalisateur de publicités mais surtout de films expérimentaux. Etrange, hilarant, grotesque, angoissant, niais, surréaliste, Hausu réussit l’improbable mélange de l’esthétique de feuilleton à l’eau de rose au film horrifique/fantastique, le tout plongé dans une mare d’effets psychédéliques. Surréaliste et unique, Hausu est une de ces merveilles totalement incomparables qu’on se doit de voir si l’on est un amateur de curiosités…

Imaginez le club des 7 en vacances enquêter à la Scooby-Doo dans une maison vivante pleine de pièges absurdes : l’image qui se formera dans votre tête n’approchera jamais ce qu’est vraiment Hausu. Clairement coupé en deux, le film donne tout d’abord l’impression de se trouver face à une fiction lycéenne niaise comme la mort. Et pourtant, la suite est une des hallucinations visuelles les plus puissantes que j’ai eu l’occasion de voir.

Fantômes japonais #5 : La maison qui rend fou

Commençons d’abord par présenter nos 7 copines : il y a Melody, Fantasy, Prof’, Sweety, Kung-Fu, Mac et Angel, nommées selon leur caractère, la gloutonne, l’intello, la sportive, la musicienne… A l’approche des vacances, elles sont un brin fofolles car elles vont passer quelques jours avec leur professeur préféré, M. Togo, dans l’auberge de sa soeur. Malheureusement, changement de programme : en pleine maternité, elle ne peut s’occuper de l’auberge, les voici donc contraintes de trouver un autre plan. C’est un mal pour un bien : Angel devait passer ses vacances sans elles, chez sa tante, et leur propose alors à toutes de l’accompagner. Une lettre plus tard, les voici ensemble au milieu de la campagne, dans cette mystérieuse grande maison, avec un étrange chat blanc comme compagnie. Il n’en faut pas plus pour que le film bascule : mais, ceci dit, les 25 premières minutes n’étaient déjà pas mal.

En effet, qui peut dire face à quoi il se trouve pendant ce début de film ? On se perd entre le feuilleton lycéen niais, la comédie musicale, l’humour surréaliste, les flashback sépia (avec cartons de film muet), et même une séquence animée qu’on croit toute droit sortie de l’époque psychédélique. Et pendant ce temps, les jeunes actrices surjouent volontairement, et les décors volontairement visibles esquissent le visuel ovniesque du film. Et que dire de la musique ? Un mélange de pianos sirupeux et de pop guillerette qui ne quitte pas l’image une seconde. A ce niveau-là de l’article, vous êtes peut-être en train de vous prendre la tête dans les mains : mais ne partez pas, car cette première partie est véritablement géniale, drôle, étonnante… Obayashi est malin : quand on caste un groupe de filles, il faut jouer des scènes qui représentent leur imaginaire insouciant à l’eau de rose ; et déposer, ça et là, quelques indices mi-déroutants mi-inquiétants pour intriguer le spectateur. Une fois piégé, celui-ci n’a d’autre choix que d’entrer dans ce rollercoaster visuel qu’est l’heure de film qui se déroule dans la maison.

Fantômes japonais #5 : La maison qui rend fou

Et quelle maison, mes ami(e)s ! Vous l’avez compris, j’ai vu un certain nombre de films de fantômes asiatiques, et une bonne partie se déroulaient dans des maisons. Hausu est le premier véritable film de maison hantée de la liste, même si la série des The Grudge pouvait prétendre au titre : la différence, ici, c’est que c’est la maison qui vous attaque, les objets, lampes, téléphone… En d’autres termes, la maison est vivante ! (si l’on peut dire…) Et ce choix est pour beaucoup dans le côté loufoque et surprenant des attaques, car on ne va pas se mentir, nos vacancières vont passer un sale quart d’heure. Et pourtant, le film oscille toujours entre l’angoisse et l’absurde, macabrement guilleret me paraît être la meilleure façon de le décrire. Je l’ai vu deux fois avec d’autres personnes, et le rire est clairement une des réactions les plus fréquemment retrouvées : l’humour noir est fréquent, pour notre plus grand plaisir. Croyez-moi : Hausu est le meilleur choix pour votre prochaine soirée de l’étrange, car en plus d’être génial, il permettra d’amuser vos convives et vous-même.

Fantômes japonais #5 : La maison qui rend fou

L’avantage de l’histoire d’Hausu est d’être tombée dans les mains d’un réalisateur de courts d’avant-garde, alors qu’elle aurait pu être traitée de façon très banale ailleurs. L’excentricité du visuel et de la réalisation donne une patte unique au film qui le place à part dans l’histoire du cinéma japonais. Mais si Hausu est si surprenant, c’est avant tout grâce à l’imagination de la propre fille d’Obayashi, Chigumi, qui lui a inspiré la plupart des situations du film. J’étais impressionné par l’imagination de ma ciné-addict de fille, raconte Obayashi. Au départ, Hausu est né d’une réaction des japonais au succès des Dents de la mer de Steven Spielberg, sorti deux ans plus tôt. A l’époque, les studios Toho, qui hébergeaient notre jeune réalisateur, en voulaient une sorte d’équivalent japonais ; Obayashi, pas plus motivé que ça, est arrivé avec cette histoire de maison, et Hausu est né. Ce n’est que des années plus tard qu’il a réalisé à quel point ce film a été important pour le cinéma japonais et les jeunes réalisateurs…

A ce jour, Hausu est disponible en DVD anglais dans la collection Masters of Cinema. Plusieurs interviews intéressantes sont à compter dans les bonus, qui reviennent sur la création et le tournage du film. Un incroyable t-shirt est également en vente, uniquement aux Etats-Unis, malheureusement. Pour l’anecdote, à l’époque, Hausu était un projet multimédia, accessible sous forme de romans, bande dessinée et feuilleton radio : finalement, le film est devenu culte. Les jeunes spectateurs en quête de sensations fortes se pressaient à l’entrée des salles. Le phénomène fut immédiat. Aujourd’hui, même 33 ans après, n’hésitez pas à redécouvrir ce film, il n’a pas pris une ride ; pour ma part, c’est un des plus grands coups de coeur de mon expérience de cinéphile. Et à l’approche des vacances, il pourrait donner des idées : qui vient avec moi dans un manoir perdu ?

Fantômes japonais #5 : La maison qui rend fou

Et à part ça ? La beta publique de l’agrégateur Nanami est en ligne : en quelques mots, c’est un nouvel agrégateur de blogs pour la communauté otageek française, autour des loisirs japonais, modernes ou anciens, des jeux vidéo, des évènements… Horizon Désarmant y est bien évidemment référencé. Deux mascottes féminines seront ajoutées au design final, je ferai un article séparé à ce moment-là.


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