Voici un reportage diffusé ce samedi 12 juin 2010 dans l'émission Arte Reportages et consacré à l' "Afghanistan : le chemin de l'école". Ce reportage est consacré à la vallée du Panshir, l'occasion de présenter rapidement les enjeux de cette vallée.
La vallée du Panshir, située au Nord-Est du pays, est célèbre pour le mouvement de résistance contre l'armée soviétique lors de la guerre d'invasion entre 1979 et 1989 (voir une brève chronologie de l'Afghanistan), et surtout pour être la région d'origine du commandant Massoud. Son nom signifie "cinq Lions" en dari (d'où le surnom de Massoud).

Aux lendemains de la guerre d'invasion, l'Afghanistan plonge dans une guerre civile. Les années 1990 sont particulièrement dures pour la vallée du Panshir, qui se retrouve au coeur des affrontements entre les différents chefs de la résistance contre l'invasion soviétique qui se disputent le pouvoir, dès le départ des troupes soviétiques en Afghanistan. La guerre civile se prolonge jusqu'en 1996, date de la prise du pouvoir par les Taliban. Auparavant, la vallée du Panshir devient le fief du commandant Massoul et de son mouvement, isolés politiquement. Elle va donc devenir le théâtre d'incursions des Taliban cherchant l'affrontement avec les alliés de Massoud, dans le but d'obtenir le pouvoir et le contrôle de l'Afghanistan. Les combats dans cette vallée vont même se poursuivre dans la fin des années 1990 (voir, par exemple, le reportage "Vallée du Panshir en 1998 : combats et scènes rurales" datant du 1er janvier 1998, sur le site de l'INA). Pendant la fin des années 1990, la vallée devient alternativement un espace de combats et un espace refuge, voyant ainsi de nombreux déplacements de populations, parfois fuyant leur habitat, parfois venant d'une autre région pour s'installer dans la vallée du Panshir (voir les reportages "Exode de civils vers le Panshir", et "Vallée du Panjshir : affrontements et exode en 1999", datant du 1er janvier 1999, sur le site de l'INA). Durant les années 1990, la vallée devient alors un haut-lieu de l'affrontement politique (les combats sont liés à l'affrontement politique interne entre les Taliban et leurs opposants "terrés" dans cette région qui constitue leur fief) là où elle était un haut-lieu de l'affrontement militaire dans les années 1980 (c'est-à-dire que les combats y avaient pour objectif premier d'obtenir des avantages taciques, stratégiques et logistiques).
La forte dimension symbolique du personnage de Massoud est également importante pour comprendre cette région. Ainsi, son tombeau est devenu un haut-lieu de l'identité de cette région, et est même devenu un lieu de pélerinage. Ainsi, par le combat du commandant Massoud et de ses partisans, la vallée revêt désormais une forte symbolique. De territoire de combats, elle est devenue territoire-martyr, et le mausolée de Massoud un haut-lieu pour les anciens moudjahidin. La vallée du Panshir est relativement calme à l'heure actuelle, elle est au coeur des enjeux de la reconstruction post-conflit, entre paupérisation des populations, destruction des infrastructures et gestion de l'arrivée de populations des autres régions de l'Afghanistan.
==> Site et situation sont deux concepts qu'il faut prendre en compte dans la conduite de la guerre, puisqu'ils permettent de déterminer des zones stratégiques dans la planification des opérations. Dans les années 1980, la position de la vallée du panshir en fait une voie de passage très avantageuse pour les deux ennemis (troupes soviétiques d'un côté et divers mouvements de résistance à cette invasion de l'autre). Néanmoins, ils ne sont pas suffisants pour expliquer tous les critères de détermination d'une zone stratégique : dans les années 1990, c'est principalement la présence des partisans de Massoud, opposant aux Taliban, qui détermine les combats dans la vallée du Panshir. Dans le même temps, la vallée accueille un flux important de déplacés provenant d'autres régions de l'Afghanistan. Il est nécessaire de rappeler le rôle de territoire-refuge qui a toujours été inhérent à la montagne : la difficulté de ce milieu dans la conduite de la guerre, le manque de visibilité et d'accessibilité notamment, permettent ainsi à des populations civiles comme à des groupes armés de se réfugier dans ces espaces.
"Dans la défensive, le terrain [montagneux] offre plusieurs avantages : une progression de l'ennemi ralentie, un emploi restreint des blindés, le passage prévisible de l'attaquant sur certains axes, des points d'observation en hauteur, un couvert forestier pouvant assurer une protection. [...] Dans le combat offensif, le but est d'attaquer des points dont l'occupation entraîne la désorganisation du système de défense de l'adversaire, le plus souvent situé sur les axes de communication" (Philippe Boulanger, 2006, Géographie militaire, Ellipses, coll. Carrefours Les Dossiers, Paris, pp. 156-158).